Je souhaiterais en savoir plus sur la cellule de stylite du Temple de Zeus à Athènes
Question d'origine :
Bonjour, courageux GdS, au travail alors que d'autres sont en vacances, une photo du Temple de Zeus à Athènes datant de 1858 montre une construction au-dessus de la première colonne qui était une cellule de stylite
Pourrais tu en savoir plus à la fois sur ce stylite, et de manière plus générale sur l'existence au quotidien des stylites? Comment faisaient il face à leurs besoins quotidiens aux différents sens du terme? Et bien sûr sait-on pas quels moyens ils accédaient au sommet de la colonne?
Merci par avance et bon courage.
Bonne fin de journée. Bien cordialement.
iannaki
Réponse du Guichet
Bonjour,
Si de nombreux documents évoquent la cellule d’un moine stylite sur le temple de Zeus à Athènes, aucun n’est très précis ni sur les dates ni sur l’identité de ce supposé stylite, au point que certains commentateurs ont pu douter qu’il ait existé. De même, si l’on sait à peu près comment les stylites vivaient et montaient sur des colonnes de moyenne hauteur, le mystère persiste pour les plus hautes colonnes.
Petite définition au préalable:
«Les stylites (du grec στύλος, «colonne») sont des ermites des débuts du christianisme, des anachorètes qui plaçaient leur cellule au sommet d'une ruine, d'une colonnade, d'un portique ou d'une colonne pour y pratiquer une ascèse extrême».
Article Stylite, Wikipedia
Le stylite du temple de Zeus:
De nombreux sites, notamment touristiques, évoquent la cellule du stylite sur l’architrave de l’Olympieion, temple de Zeus d’Athènes. Des textes du 19e la mentionnent également comme ce passage d’Un hiver à Athènes, par M. A. Proust, 1857-1858:
«Derrière s’élèvent les colonnes du temple de Jupiter Olympien. C’était le plus vaste de ceux d’Athènes: on est là dans la ville romaine, et il n’est pas difficile de reconnaître à ces vestiges l’empreinte des architectes latins qui croyaient faire grand en faisant élevé. Il ne reste que quinze colonnes debout. Sur l’une d’elles, on aperçoit une niche en maçonnerie qui a servi de retraite à un moine stylite, le dernier, je crois, de ces mystiques. «J’étais, dit un de ces solitaires, qui nous a laissé le récit de ses souffrances, tellement brûlé des rigueurs de la gelée que très-souvent elles ont fait tomber les ongles de mes pieds, et l’eau glacée pendait à ma barbe en forme de stalactites.» Malgré le chaud et le froid, celui d’Athènes prolongea assez longuement cette singulière existence contemplative, dont l’exemple, venu d’Asie, s’était propagé, en Europe, jusqu’au pays de Trèves.»
Dans Les saints stylites d’Hippolyte Delehaye, qui fait encore référence sur la vie de ces ascètes extrêmes, on lit aussi :
«A Athènes, l'architrave de l'Olympieion était depuis le XVIIe siècle, au moins, surmontée d'une cellule, qui, à la fin du XVIIIe, avait cessé d'être habitée.»
Cité par Salaville Sévérien dans H. Delehaye, Les saints stylites (= Subsidia hagiographica 14) [compte-rendu], Revue des études byzantines, Année 1926, 143 pp. 369-371.
Pourtant, aucune documentation très précise n’existe sur ce moine stylite.
L’article Stylite Monks: The Unknown Column-Dwelling Holy Men of Athens, John Leonard, Greece is, 19/03/2019 résume assez bien ce que l’on sait:
La «niche» de pierre détruite en 1870 est possiblement une construction byzantine qu’on aperçoit sur de nombreux dessins, photos et peintures du XIXe siècle. Elle fut sans doute détruite dans le but de redonner à ce temple son faste antique. Certains, comme Charalambos Bouras, professeur d’architecture antique à l’Université d’Athènes, doutent de l’existence de ce mystérieux stylite. Pour sa part, le professeur voit plutôt dans cette construction une tour de garde d’époque byzantine d’où deux ou trois soldats pouvaient surveiller un éventuel ennemi et recevoir des messages d’autres fortifications.
Cependant, le peintre Edward Dodwell visitant Athènes en 1805-1806 rapporte le témoignage d’une vieille femme qui lui aurait parlé d’un noir (moine syrien?) habitant cette cellule. Dans un article du National Geographic magazine de décembre 1922, Alexander Wilbourne Weddell, ancien consul américain d’Athènes, rapporte lui qu’un vieil athénien lui aurait confié se souvenir du panier dans lequel enfant il déposait des fruits ou du pain pour l’ermite.
Résumé et traduction sont de notre fait, vous voudrez bien excuser les approximations ...
Dans l’article Temple of Olympian Zeus & Arch of Hadrian, paragraphe Stylite Monks, le même John Leonard opte pour une tour de garde byzantine, qui aurait ensuite servi de cellule à des moines stylites.
L’article The Tombs of Amazons, de Susan Rotroff et Robert Lamberton dans Approaching the Ancient Artifact: Representation, Narrative, and Function, p. 138 présente le stylite d’Athènes comme un mythe archéologique comparable à celui de la tombe des Amazones.
Comment monter en haut de la colonne?
Dans Un saint stylite et les pouvoirs : Daniel le Stylite († 493), Michel Kaplan,( p. 183-197 de Figures de l’autorité médiévale), on en apprend beaucoup sur les relations de Daniel avec les pouvoirs impériaux et ecclésiastiques, mais on apprend aussi, plus prosaïquement, que «La patricienne Héraïs a fait édifier un escalier hélicoïdal montant jusqu’à la logette» (note 83).
«Le soir, quand, selon son habitude, Jonas, le moins assistant, gravit l’escalier intérieur et accède à la plate-forme, il trouve le stylite assis, comme endormi.»
peut-on lire encore dans Les stylites, sur une colonne pour être plus près de Dieu, blog La Croix, 16/09/2014, recension et ici extrait (p. 244) de Le vertige divin. La saga des stylites, Philippe Henne
Il apparaît en effet qu’échelle et escalier sont les moyens les plus utilisés pour se rendre en haut des colonnes, même si des questions se posent encore.
«En montant sur sa colonne le but du stylite était, avant tout, de s'éloigner de la terre et des hommes pour se rapprocher du ciel et pouvoir ainsi s'entretenir avec Dieu. Pourtant nombreux sont les textes qui mentionnent des visites faites aux saints sur leurs plateformes mêmes. D'où le rôle essentiel de l'échelle, accessoire permanent, comme le montrent la plupart des représentations, mais aussi mobile, pour respecter le vœu d'isolement du saint.
Mais, que ce soient les textes qui disent simplement que le saint ordonnait d'apporter l'échelle ou les images qui montrent en général des échelles sans rapport avec la réalité, on ne possède aucun renseignement technique vraiment utilisable. En effet,dans le cas des colonnes de grande hauteur, s'est-on sérieusement posé la question de la taille de ces échelles, de leur poids, de la façon dont on les manœuvrait ? Pour des colonnes comme celles des deux Syméon, ce sont des échelles de plus de vingt mètres, donc de la hauteur d'un immeuble de six à sept étages,qu'il aurait fallu déplacer. La situation est la même à Kimarou, à Srir où les échelles auraient eu entre quinze et dix-huit mètres. Et, quand on connaît les faibles diamètres de ces colonnes, est-il possible d'envisager qu'on pouvait y appuyer ces immenses échelles sans compromettre la stabilité de l'édifice et donc mettre en danger les jours du saint ? Bien entendu, il est impossible de donner une réponse définitive à toutes ces questions d'autant qu'il a dû exister une grande variété d'aménagements selon les colonnes.»
À propos de quelques colonnes de stylites syriens, Olivier Callot, MOM Éditions Année 1989,19 p. 118. L’échelle. Nous vous laissons lire la suite de ce texte qui imagine diverses solutions, schémas à l’appui, pour installer échelles et escaliers mobiles.
Source : Wikipedia.org
Des moyens de subsistance :
L’ermite vit essentiellement de dons, et encore frugalement … Le programme est en effet au jeûne et à l’abstinence (voir Étude sur saint Luc le Stylite (879-979) (fin), Samuel Vanderstuyf, Revue des études byzantines, Année 1910, 83, pp. 224-232).
Là aussi l’échelle est importante, même si sur certaines illustrations, on voit aussi un système de panier au bout d’une corde.
Source : mafeuilledechou.fr
«Nous ne savons pas grand-chose sur les colonnes elles-mêmes. Les quelques représentations que nous en avons sont difficiles à interpréter. Il semble que leur hauteur maximale ait été limitée à seize ou dix-huit mètres, pour des raisons essentiellement pratiques : il fallait une échelle pour garder le contact avec l'ascète, or les échelles ne sont pas extensibles à l'infini, et le saint homme devait être à portée de voix des disciples et pèlerins au sol. […] Cette forme extrême d'ascèse n'était possible que grâce à la présence autour du saint d'un groupe de disciples. Parmi ceux-ci, le disciple principal, le premier à avoir aidé le saint, avait le privilège envié de monter à l'échelle pour apporter sa nourriture à l'ermite - les stylites de faible renommée, qui n'avaient qu'un seul disciple, dépendaient entièrement de lui pour leur survie.»
Vivre sur une colonne : le défi des moines stylites, Philippe Escolan, L’Histoire n° 226, novembre 1998
Voir aussi: Histoire universelle de la chasteté et du célibat, Elizabeth Abbott, fin de la page 109.
D’autres besoins naturels :
Si l’on peut imaginer assez facilement que les stylites aient pu utiliser des pots ou autres cruches pour satisfaire leurs besoins naturels, on sera surpris de voir qu’existait dejà sur certaines colonnes un ancêtre de canalisation.
C’est ce qu’explique le paragraphe Le «tuyau de dégagement», dans A mi chemin entre ciel et terre, les stylites et leur espace vital, S. Rosalia Horwath, p. 9 ou Olivier Callot dans À propos de quelques colonnes de stylites syriens, déjà cité, p. 117 (fin) et 118.
Pour aller plus loin :
Syméon Stylite l'Ancien entre puanteur et parfum, Béatrice Caseau, Revue des études byzantines, Année 2005, 63 pp. 71-96.
Bonnes lectures !