Quelle est l'histoire du matefaim ?
Question d'origine :
Bonjour,
Avez-vous des éléments historique sur lea spécialté culinaire du matefaim, au sujet duquel, en 1910, Amédée Matagrin dans "Lyon, la cité des Brumes" avait écrit quelques vers : "le mardi)-gras a ses bugnes, / Jean Guignol les aime aussi; / Mais jamais ne lui répugne / Un mate-faim bien roussi; / Madelon soigne la pâte; / La crêpe saute... à côté."
Meerci pour vos allers-retours (la crêpe, aller-retour...).
Réponse du Guichet
Effectivement le Matefaim fait partie des spécialités lyonnaises dès 1546 comme le prouvent les renseignements trouvés dans les livres d'Yves Rouèche "Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise" et "Gastronomie lyonnaise : les trésors retrouvés".
Bonjour,
On trouve le terme Matefaim répertorié dans les documents consacrés au parler lyonnais avec comme définition : variété traditionnelle de crêpe très épaisse et nourrissante. Il peut signifier au sens figuré un malelas. Dans le Dico illustré des gones, Félix Benoît précise que Mathieu Varille a écrit "on a tout dit sur la bugne, mais on a oublié ce prolétaire, le matefaim. Si la crêpe n’est pas de chez nous, le matefaim l’est bien".
Le livre Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise d’Yves Rouèche répertorie le Matefaim lyonnais dans le chapitre "Petites histoires et curiosités de la gastronomie lyonnaise". Voici ce qu’il en dit : Le matafan, issu du franco-provençal, devenu matefaim après francisation, signifie au sens littéral du terme "qui mate ou tue la faim". Selon Joseph Favre [Dictionnaire universel de cuisine pratique 1905] le matefain est le nom que l’on donne aux crêpes dans certaines contrées de la France, surtout l’Ain, la Loire et le Jura. Rabelais fait déjà état du "matafain" dans son Tiers Livre en 1546 et J. Bruyérin Champier dans son traité "De re cibaria" en fait une spécialité appartenant au Lyonnais en 1560.
Puis en 1925, Curnonsky et Marcel Rouff écrivent "Je dis le matefaim et non la crêpe, quoi que certains les confondent. Le matefaim est épais, solide comme son nom l’indique. On le mange salé au début du repas".
Il se distingue de la crêpe parisienne, rigide et croustillante, par le fait qu’il est mollet et languissant. Les pâtissiers lyonnais confectionnaient …la bugne sucrée pour Mardi Gras et le matefaim salé pour la Chandeleur. Puis suivent les vers que vous citez.
Le livre Gastronomie lyonnaise : les trésors retrouvés du même auteur Yves Rouèche évoque trois Lyonnais qui ont immortalisé histoires, anecdotes et recettes du temps passé : Nizier du Puitspelu, alias Clair Tisseur, Mathieu Varille et Félix Benoit.
Ainsi il note que Mathieu Varille précise dans son livre Hostelleries et cabarets du Vieux Lyon l’importance des aubergistes et des hôteliers du XV et XVI siècles pour avoir initié l’art du bien manger à Lyon. Il indique aussi que la classe ouvrière fréquentait des restaurants populaires moins prestigieux, mais riches en spécialités du terroir lyonnais comme le saucisson à l’ail, la salade de groin d’âne, … les gratons, le matefaim bien épais au blé noir, … et la vraie bugne lyonnaise, celle des friteurs de la rue de l’Aumône et de la place Grenouille.
Evoqué lui aussi, Curnonsky consacre Lyon capitale mondiale de la gastronomie en 1925, dans la France gastronomique Lyon et le Lyonnais. Il y liste les spécialités justifiant cette réputation mais mentionne aussi les plats plus populaires comme le matefaim.
Une double page est consacrée au matefaim reprenant majoritairement les informations données par Yves Rouèche dans Histoire(s) de la gastronomie lyonnaise. Cependant y sont ajoutés les propos d’Emmanuel Vingtrinier parus dans la Vie lyonnaise : "Pour les pauvres gens, les fêtes religieuses étaient les rares et uniques occasions de faire bonne chère ; dans les campagnes, la grange à battre le blé et à couvrir les récoltes servait alors de salle de festin, et l’on mangeait tant qu’on pouvait, pour compenser les jours de privation. Un rondeau en patois lyonnais de la fin du XVIe siècle met en scène de gais compagnons dans une grange toute tapissée de matefaims, avec des pyramides de bugnes, aux quatre coins de la table : Tapissia de matafan ; / Ou quatro coins de la tabla, / Le bugnes dependolian. / Y en migiront chacun trante, / Et de matafans autant ; / Et si ayant eu de gauffres, / Il en auriont migia autant…"
Félix Benoit ajoute que lors de ses recherches, il a trouvé une recette de matefaim en Dauphiné à base de blé noir que l’on sert dans les familles paysannes. Ce blé noir servait aussi à la confection des matefaims dans le lyonnais bien que la farine de froment l’ait peu à peu remplacé au fil du temps. Les pâtissiers lyonnais confectionnaient deux sortes de pâtisseries, la bugne sucrée pour Mardi gras et le matefaim salé pour la Chandeleur. Si la bugne est restée la pâtisserie emblématique de la ville, le matefaim a disparu des tables lyonnaises…
Ce livre propose aussi une recette de matefaim publiée dans l’Almanach des Amis de Guignol de 1929. Vous en trouverez deux autres dans le livre La cuisine traditionnelle lyonnaise.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez lire ce dossier Voyage au pays des merveilles : bugnes, beignets, oreillettes et guenilles et cet article relatant le Concours de Matefaim du Vieux-Lyon en 1965.