Quelle est l'origine de l'expression "être en odeur de sainteté" ?
Question d'origine :
Bonjour,
Quelle est l'origine de l'expression "être en odeur de sainteté", s'il vous plaît ?
En vous remerciant d'avance pour votre réponse.
Réponse du Guichet
L'expression "être en odeur de sainteté" viendrait du vocabulaire religieux issu de la croyance que certaines personnes, saints et bienheureux (les bien nommés myroblytes signifiant « d’où jaillit de la myrrhe), exhaleraient un parfum suave après leur mort. Tout aussi bien, cela peut aussi être le cas de leurs reliques.
Bonjour,
L'expression "être en odeur de sainteté" qui signifie "être bien vu", est apparue vers 1651-1670. Selon Le Robert d'expressions et locutions consultable en ligne sur Google livres, elle viendrait d'une particularité de certaines personnes :
Certains saints défunts ont répandu, dit-on, une odeur suave qui les distinguait des autres cadavres.
La langue française pour les nuls confirme cela (également consultable sur Google livres), précisant qu'elle a été "empruntée au vocabulaire religieux."
D'où le sens figuré de cette expression qui s'emploie surtout avec les verbes "être" et "mourir" et qui signifie "être en état de perfection spirituelle" :
Il est mort en odeur de sainteté
Par ailleurs, il faut noter qu'à partir du XVIe siècle, le mot "odeur" désigne métaphoriquement l'impression favorable ou non que l'on produit sur autrui, et par conséquent la réputation, bonne ou mauvaise, que l'on a. D'où l'expression familière "ne pas être en odeur de sainteté auprès de quelqu'un" qui signifie "être mal vu de lui".
Et pour finir avec les odeurs, notons que c'est la même idée que l'on retrouve dans la locution" ne pas pouvoir sentir quelqu'un".
Le site Expressio quant à lui, ajoute à la signification, "qui inspire confiance" et lui donne, non sans humour, quelques précisions :
Le saint a-t-il une odeur particulière ? Le saint doux oui et le Saint-Nectaire aussi. Mais est-ce le cas du saint commun, celui qui est coiffé de l'auréole, parce qu'il le vaut bien ?
N'ayant senti de près et à dessein que des seins ou des dessins, mais jamais des saints, je ne saurais l'affirmer.
Pourtant, il a été dit, autrefois, que le corps d'un saint émettait après sa mort une odeur particulière, suave qui permettait de le distinguer aisément des autres personnes décédées.
C'est de là qu'au XVIIe siècle est apparue notre expression avec son premier sens indiqué, pour désigner une personne ayant eu de son vivant un comportement si admirable que sa
canonisation était envisageable.
Mais avant cela, au XVIe siècle, il existait déjà "être en bonne / mauvaise odeur" pour désigner quelqu'un qui faisait bonne ou mauvaise impression, tant il vrai que les odeurs qui émanent d'une personne qu'on rencontre peuvent parfois inciter à la cataloguer très rapidement.
Furetière indique d'ailleurs "odeur se dit figurément aux choses morales et signifie bonne ou mauvaise réputation".
Ce sens n'a pas disparu et il est resté aujourd'hui dans notre expression, la bonne odeur devenant l'odeur de sainteté et désignant, parce qu'il a fait bonne impression, quelqu'un qui est apprécié, bien vu.
Dans ce second sens, le moderne, la locution s'emploie plutôt à la forme négative "ne pas être en odeur de sainteté" pour désigner une personne mal vue par une autre.
Wikipédia nous renseigne sur la dénomination de ces "saints ou bienheureux" dont émanerait une odeur miraculeusement agréable après leur mort. Ils sont appelés "myroblytes (terme issu du grec médiéval μυροβλύτης [myroblýtês] signifiant « d’où jaillit de la myrrhe »). Cette exhalaison peut aussi se produire depuis leur relique et de leur vivant.
Dans la littérature chrétienne, on trouve fréquemment l'expression « mort en odeur de sainteté » dans les hagiographies des saints et les biographies des bienheureux ou de personnages particulièrement pieux.
« Mourir en odeur de sainteté, c'est, dans le langage courant, mourir en état de grâce ; vivre en odeur de sainteté, c'est être assez pieux pour être regardé comme un saint ; depuis plusieurs siècles, ces formules n'ont plus qu'un sens figuré et la plupart des écrivains qui les emploient aujourd'hui ne leur en connaissent pas d'autre. Mais les historiens des mystiques ont toujours protesté contre cet usage de leur langue : l'odeur de sainteté est pour eux un fait réel ; quand ils racontent qu'un saint en a été gratifié, ils veulent dire que, durant sa vie ou après sa mort, son corps a exhalé des odeurs agréables, et ils citent des cas nombreux où le prodige a paru manifeste. »
Dans le langage laïc courant, l'expression est devenue, par métonymie, le synonyme d'être « bien vu » ou « dans les bonnes grâces » d'une personne ou d'une institution.
Parmi ces saints et bienheureux myroblytes ont trouve
- Saint Polycarpe de Smyrne (70-155 ou 167)
- Sainte Lydwine (1380-1433)
- Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582)
- Sainte Catherine de Ricci (1522-1590)
- Saint Joseph de Cupertino (1603-1663)
- Sainte Marie-Françoise des Cinq-Plaies (1715-1791)
- Bienheureuse Ulrika Nisch (1882-1913)
- Bienheureuse Alexandrina de Balazar (1904-1955)
- Saint Padre Pio (1887-1968)
- Natuzza Evolo (1924-2009)
L'article Le parfum et la chair d'Annick Le Guérer, publié dans Terrain 47 en 2006, évoque également ces exhalaisons en notant que
le symbolisme chrétien reconduit la filiation du parfum à la chair et au sang à travers une iconographie où, des plaies du Crucifié, s’épanouissent des roses. Mais surtout, il développe une double thématique, celle du corps supplicié du Christ répandant un baume qui soigne les âmes meurtries par le péché et celle de l’odeur de sainteté. Elle est notamment illustrée au XIIIe siècle par La Légende dorée de l’archevêque de Gênes, Jacques de Voragine. « Le Christ était plein d’onguent, autant qu’un vase d’albâtre, et pour cela il voulut qu’il soit brisé par de nombreuses blessures, afin que l’onguent précieux en sorte par lequel le blessé est guéri […] Le corps du Christ fut rempli de baume, autant qu’un magasin, et il voulut que cette réserve soit ouverte pour que le baume s’en écoule, par lequel celui qui pue est guéri. Cette armoire en effet fut ouverte quand un soldat ouvrit son flanc de sa lance. De l’odeur de ce baume, il est dit : J’ai rendu mon parfum comme le cinnamome et le baume odorant » (Jacques de Voragine 1874 : I, 415-416).
Dans ce même article, l'autrice cite le pape Benoît XIV pour qui cette étrangeté tiendrait du miracle :
« Que le corps humain puisse naturellement ne pas sentir mauvais, écrivait le pape Benoît XIV, c’est chose possible, mais qu’il sente bon, cela est en dehors de la nature… » Et cette agréable odeur, ajoutait-il, « s’il n’existe ou n’a existé aucune cause naturelle capable de la produire, on doit la rapporter à une cause supérieure et tenir le fait pour miraculeux » (Dumas 1907 : 534).
Mais selon l'article de Wikipédia, ces émanations d'odeurs agréables peuvent être liées à des problèmes de santé et des explications scientifiques aident à percer le mystère :
Au vu des exemples précédents, il apparait clairement qu'en certaines circonstances, généralement liées à des problèmes de santé, le corps humain peut émettre des odeurs qui s'apparentent à celles attribuées à des personnes particulièrement pieuses. Le docteur Hubert Larcher précise : « L'expression « odeur de sainteté » se trouverait justifiée lorsque le phénomène de la production d'odeurs suaves est liée à l'activité mystique et aux conflits d'option qui lui sont propres, ce qui n'exclut pas la possibilité de retrouver des parfums analogues chez certains névropathes, ni celle de les observer parfois chez des sujets dépourvus de vie mystique. Cependant, bien que les mécanismes soient très probablement les mêmes chez tous, leur étiologie est si différente que, dans le cas des mystiques, il parait vraiment excessif de réduire [...] le phénomène à des dimensions pathologiques ».
En fait, si certains mystiques, en particulier les stigmatisés, souffrent de problèmes de santé et d'équilibre nerveux, d'autres - tel Joseph de Cupertino - semblent fort bien se porter.
Plusieurs explications scientifiques mettent en jeu des acides gras volatils (acide butyrique, formique, acétique, caproïque, sécrétés par la peau lors de troubles de nutrition), de l'acétone et de l'acide acétoacétique produite par la cétose en raison de l'état de malnutrition causée par la pratique du jeûne religieux entrecoupé d'une alimentation uniquement végétarienne, le saint exhalant alors l'odeur végétale du peu de nourriture qu'il a ingéré. L'odeur peut également être produite par des changements dans la composition du sang résultant de troubles nerveux ou de maladies somatiques, telle l'acétonémie diabétique de Thérèse d'Avila.
Bonne journée.