Question d'origine :
Le bitcoin est-il lié au dark web ?
Réponse du Guichet
L'usage du bitcoin est utilisé sur le darkweb pour certaines transactions mais, dans un même temps et selon certains spécialistes, sa place sur le darkweb tendrait à diminuer.
Bonjour,
Non régulé, le bitcoin présente effectivement des dangers et apparaît dans certaines transactions sur le dark web. Les avis divergent cependant entre un certain relativisme démontrant que le risque est inhérent à toutes les transactions ou au contraire, une mise en garde contre l’emploi des crypto-monnaies, monnaies d’échanges sur le « dark web ».
Le site du ministère de l’Economie explique ce que sont les crypto-monnaies :
Contrairement à la monnaie électronique, les monnaies virtuelles ou crypto-monnaies n’ont pas à ce jour de statut légal explicite et leur encadrement par les pouvoirs publics reste embryonnaire.
En droit français, les crypto-monnaies n’ont pas de statut juridique clair et ne sont pas reconnues comme des instruments financiers. De ce fait, les crypto-monnaies ne sont pour l'heure pas réglementées.
À ce sujet, l'Autorité des marchés financiers (AMF) indique que « l’investissement en crypto-actifs est risqué et de nombreux escrocs opèrent sur internet ».
Si vous souhaitez investir dans les crypto-actifs, sachez que l'AMF recense les sites d'arnaques liés aux crypto-actifs au sein de la liste noire de l’Autorité des Marchés Financiers.
L'Autorité des Marchés financiers précise ce qu’est le bitcoin, soit une monnaie « virtuelle » ou « crypto-monnaie » apparue en 2009, qui s’échange uniquement en ligne. Le site indique aussi que « si le Bitcoin est la « monnaie » virtuelle la plus connue, il en existe plus de 4 500 autres, par exemple Ether, Litecoin, Dash, Dogecoin, Peercoin, Namecoin... Toutefois, aucune n’a cours légal ».
L’article souligne les risques de cette monnaie en raison de son extrême volatilité et des possibles cyber-attaques.
Dans un article déjà ancien puisque de 2013, Laundering Money Online: a review of cybercriminals’ methods, Jean-Loup Richet faisait le lien entre crypto-monnaie et darkweb.
Dominique Nora, en 2017, écrivant pour Le Nouvel Obs un article, 10 choses à savoir sur le bitcoin valorisation , dark-web, rivaliterusso-chinoise, ne notait pas d’évolution quant à cette problématique :
Rien de nouveau sous le soleil du bitcoin qui est, depuis sa création, lié à une série de transactions illégales sur des sites du DarkWeb, comme SilkRoad (fermé en 2013).Les réseaux criminels de tous les pays ont utilisé cette devise parfaitement anonyme comme monnaie de choix pour les jeux d'argents, l’achat de substances illicites ou de bases de données piratées.
Par ailleurs, sa brève histoire est jalonnée de faillites retentissantes, comme celle de la bourse d’échange MtGox, en février 2014. Le procès de son fondateur, l’informaticien français Mark Karpekles, accusé de détournement de fonds (650.000 bitcoins se sont volatilisés), s’est ouvert en juillet à Tokyo.
Interpol présente un dossier de 2018 : holds first DarkNet and Cryptocurrencies Working-Group.
Plus récemment, l’ouvrage publié en 2022, Les blockchains en 50 questions - 2éd.Comprendre le fonctionnement de cette technologie par Jean-Guillaume Dumas, Pascal Lafourcade, Ariane Tichit, Sébastien Varrette, aborde cette question :
Les auteurs ont cherché à déterminer quels comptes étaient liés à des usages illégaux, c’est-à-dire qui effectuent des transaction sur les différentes plateformes de ventes du Darkweb. Pour cette identification ils ont procédé en trois étapes :
- Différentes agences dans le monde ont interpellé des criminels qui utilisaient des bitcoins pour leurs échanges, par exemple lors de la fermeture du site illégal Silk road par le Fbi en octobre 2013. Ces agences ont donc publié les numéros de transactions bitcoins des criminels. Cela a permis d’identifier avec certitude 1016 utilisateurs illégaux à partir des bitcoins identifiés par les autorités.
- Ils ont ensuite identifié 17 services qui servaient d’intermédiaires entre un acheteur et un vendeur de produits illégaux (Escrow Services). Cette approche a permis d’identifier 6 millions d’utilisateurs de ces services.
- Enfin ils ont regardé les utilisateurs des forums liés au DarkWeb et qui vendent des produits ou rendent des services illégaux. Cette approche a permis d’identifier 448 utilisateurs de plus.
- Cette identification a permis de trouver 6 223 337 utilisateurs potentiellement illégaux, soit 5,86 % de tous les utilisateurs de bitcoins, pour un total de 196 millions de transactions, soit 32,38 % des transactions totales et pour 1,3 milliard de dollars, soit 45,28 % de la valeur des bitcoins possédés par tous les utilisateurs. Enfin en utilisant l’algorithme « Smart Local Moving » proposé par Waltman et Van Eck en 2013, ils ont observé le nombre de transactions entre les utilisateurs illégaux et les utilisateurs légaux, en faisant basculer un utilisateur dans l’autre groupe s’il effectue principalement des transactions avec les membres de ce groupe, ceci jusqu’à l’obtention d’un point fixe, c’est-à-dire un état stable dans lequel il n’y a plus aucun changement possible.
Avec cette méthode, ils ont ainsi obtenu que 29,12 % des utilisateurs de bitcoins pouvaient avoir une activité illégale. En utilisant une autre méthode statistique, ils ont obtenu 21,37 %. En faisant la moyenne de ces deux résultats, ils estiment en moyenne à 25,24 % le nombre d’utilisateurs illégaux de bitcoin.
Ils montrent aussi que l’arrivée de nouvelles cryptomonnaies plus respectueuses de la vie privée comme Zcash ou Monero a fait diminuer l’usage illégal du bitcoin, car de nombreux utilisateurs recherchaient l’anonymat de leurs transactions, ce qui n’est pas le cas avec bictoin. Ils notent aussi que l’envolée des cours du bitcoin a contribué à augmenter significativement le nombre d’utilisateurs « légaux » qui ont investi dans le bitcoin …
Nous vous laissons aussi parcourir Encyclopedia of Criminal Activities and the Deep Web qui s'intéresse, entre autres, aux transactions faites sur le darkweb via le bitcoin.
Toutefois, Xavier Raufer Rauder constate une diminution du bitcoin sur le darkweb, lié à sa généralisation :
Leur usage désormais massif tend à diluer leur dimension criminelle. En 2013, estiment les experts, 20% des transactions conduites en Bitcoins, etc., étaient illicites ; on en est à 1% fin 2019 ; 99% des transactions y étant désormais commerciales, ou d’investissement, etc. Début 2020, on compte dans le monde environ 9 000 DAB consacrés aux cybermonnaies.
Le piratage des plateformes d’échanges des crypto-monnaies décroit aussi : 2018, ± 950 millions de US$ y ont été piratés ; 240 millions en 2019 (en dix piratages).
Source : RAUFER Xavier, « Faits & Idées », Sécurité globale, 2021/2 (N° 26), p. 37-88.
Ce même constat est formulé sur journaldugeek.com.
Pour conclure et pour vous inviter à approfondir le sujet, nous vous suggérons ces deux lectures :
La lutte contre le blanchiment de capitaux à l'ère des crypto-monnaies / Amaury Grevesse-Sovet, préface Sandra Birtel, 2022 : "Une analyse du phénomène de blanchiment de capitaux et de l'impact de l'émergence des crypto-monnaies, employées par les criminels comme intermédiaire de blanchiment. L'auteur montre comment ces nouvelles devises peuvent finalement aider à lutter contre le blanchiment d'argent, grâce notamment à un meilleur traçage que la monnaie fiduciaire".
La face cachée d'Internet : hackers, darkweb, Tor, Anonymous, Wikileaks, bitcoins... / Rayna Stamboliyska, avant-propos par Stéphane Bortzmeyer, 2019 : Experte en gestion des risques et des crises, l'auteure cartographie et clarifie avec nuance les actions et les acteurs de l'Internet. Elle en révèle les dessous, les démystifie et invite à comprendre ce que cet espace virtuel et pourtant réel recouvre, par-delà le piratage, la surveillance électronique ou le vol de données personnelles.