Pourquoi observe-t-on une quasi systématique symétrie dans le corps des vertébrés ?
Question d'origine :
Bonsoir,
pourquoi observe-t-on une quasi systématique symétrie dans le corps des vertébrés ?
( deux yeux, deux oreilles, deux poumons, deux reins...)
merci d'avance !
Réponse du Guichet
Selon les sources que nous avons trouvées, la distribution symétrique des corps des bilatériens aurait un grand avantage pour se repérer et se déplacer dans l'espace.
Bonjour,
Les vertébrés, embranchement biologique auquel nous avons la joie d'appartenir de même que les autruches, les tricératops et les pandas roux, font partie de la grande famille des Bilatériens ou Bilateria que Wikipédia définit comme un " des plus grands clades des métazoaires, ayant un côté droit et un côté gauche (contrairement aux méduses et aux éponges de mer)." Selon la même en cyclopédie, "La symétrie bilatérale présente l'intérêt de favoriser des déplacements dans une seule direction, développant la spécialisation des segments entre la tête et la queue."
Nous en apprenons plus sur notre grande famille sur Futura sciences :
L'infrarègne des bilatériens comprend l'essentiel des embranchements des animaux dotés à un moment ou un autre de leur développement d'une symétrie bilatérale. Ce groupe s'oppose aux radiés, dotés de deux feuillets embryonnaires et d'une symétrie radiale.
Les bilatériens sont en général organisés autour de trois axes : antéropostérieur, dorsoventral et médiolatéral. Il existe des exceptions comme les échinodermes (oursins et étoiles de mer), qui ne présentent une symétrie bilatérale que lors de leur stade larvaire ou les gastéropodes (escargots), chez qui les organes internes ont perdu leur symétrie.
Néanmoins, il existe d'autres caractéristiques propres aux bilatériens, telles que la présence de trois feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme, endoderme) ainsi que la présence de deux orifices de part et d'autre du système digestif (bouche et anus), à l'origine d'une digestion extracellulaire. Enfin, le système nerveux s'organise en ganglions nerveux ou en cerveau.
La journaliste scientifique Cléo Schweyer, qui anime le blog de vulgarisation scientifique de l'Université Lyon 1 Sciences pour tous, nous explique également Pourquoi nos corps sont symétriques :
La symétrie est la règle dans le monde animal, et c’est à elle que nous devons la diversité des espèces.
Deux yeux, deux oreilles, au moins deux paires de membres… Dans le règne animal, tous les corps ou presque sont construits symétriquement : c’est à cette organisation que nous devons l’extraordinaire diversité des espèces. Certains de nos gènes codent ainsi les informations nécessaires pour que chaque cellule trouve sa place de part et d’autre d’un axe.
A l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (Université Claude Bernard Lyon 1 / CNRS / ENS), l’équipe de Samir Merabet vient de révéler que ce potentiel génétique est déjà présent chez les êtres simples comme les cnidaires (méduses, coraux, anémones de mer) et même les êtres unicellulaires. Cette découverte esquisse un scénario étonnant, publié dans le magazine eLife et que nous présente ici Samir Merabet.
Quel est l’intérêt de la symétrie du point de vue de l’évolution ?
Elle permet d’organiser les plans du corps autour d’un ou plusieurs axes, soit bilatéral (droite / gauche) soit radial (circulaire, comme chez les étoiles de mer par exemple). La présence d’axes permet de distribuer des coordonnées spatiales de manière variée, un peu comme une carte sur laquelle on place des points. Dans le cas des vertébrés, il existe également des coordonnées temporelles correspondant aux différentes étapes de l’embryogénèse. Des coordonnées différentes donneront des résultats différents, avec une complexification variée selon les branches évolutives.
Est-ce cela qui permet aux espèces de s’adapter à leur environnement ?
L’impact de l’environnement fait débat. L’adaptation est la règle générale, mais la relation de cause à effet n’est jamais claire. On ne peut pas toujours être aussi affirmatif que Darwin, qui a établi la causalité entre forme du bec et régime alimentaire chez les pinsons des îles Galápagos… Une chose est sûre : tous les animaux possèdent l’outillage moléculaire nécessaire à la diversification, comme un potentiel génétique exploité ou non en fonction des circonstances. L’espèce qui possède l’avantage sélectif prend le dessus sur les autres.
Quant au mécanisme permettant cette organisation très pratique au moment du développement embryonnaire, il a été mis en lumière vers 2010 par une équipe franco-américaine dirigée par Olivier Pourquié au Stowers Institute for Medical research comme nous l'apprend le site de l'Inserm :
La symétrie vertébrale apparaît tôt au cours du développement embryonnaire, au moment de la formation des somites, structures de forme cubique dont sont notamment dérivées les vertèbres et les muscles. Sous l’influence d’une horloge interne, des paires de somites se développent périodiquement à partir des couches cellulaires internes de l’embryon. L’acide rétinoïque, un dérivé de la vitamine A, semble jouer un rôle important dans le contrôle de la symétrie des somites. On sait par ailleurs que les souris déficientes en acide rétinoïque voient leur somitogenèse se désynchroniser.
Dans une étude conduite sur des embryons de souris, les chercheurs se sont intéressés à la protéine Rere, aussi appelée atrophine 2. Ils ont démontré que cette molécule participe à l’activation de la voie de signalisation de l’acide rétinoïque, en formant un complexe avec deux autres protéines (Nr2f2 et p300) et un récepteur de l’acide rétinoïque. Les souris mutantes pour le gène Rere présentent le même retard de formation des somites que les souris déficientes en acide rétinoïque.
Leurs travaux montrent également que les protéines Nr2f2 et Rere contrôlent l’asymétrie de la voie de signalisation de l’acide rétinoïque. Cette asymétrie est nécessaire pour corriger les interférences avec les signaux déterminant la latéralisation des organes.
[...]
Chez l’homme, des anomalies du développement symétrique des somites pourraient être responsables de troubles de la statique vertébrale, comme les scolioses. Une défaillance des fonctions de régulation exercées par Rere ou Nr2f2 sur la voie de signalisation de l’acide rétinoïque pourrait être impliquée dans la survenue de ces pathologies fréquentes et, parfois, graves.
Et cela ne date pas d'hier : publié en 2020, un article de Sciences et avenir nous présente Ikaria wariootia un organisme vermiforme dont le corps était déjà symétrique il y a la bagatelle de 555 millions d'années !
Bonne journée.