Question d'origine :
Comment l'homme à été créé
Réponse du Guichet
Selon la science moderne, l'homme ne fut pas créé mais tient sa place dans la grande histoire de l'évolution, à l'instar des levures et des oursins. Des spécificités uniques en font cependant ce qu'il est devenu, notamment la bipédie...
Bonjour,
Qui a créé l'homme ? Cette question n'a cessé de hanter celui-ci depuis que des sources écrites en conservent la mémoire, et chaque civilisation a tenté ses explications. Le Dictionnaire critique de mythologie de Jean-Loïc Le Quellec et Bernard Sergent, à l'entrée Anthropogonie (création de l'homme) nous apprend par exemple qu'"en Asie septentrionale, certains mythes de Corbeau nous montrent celui-ci créant les hommes" à partir de copeaux de bois, qu'en Grèce antique l'homme est issu du chêne et du rocher, que le mazdéisme iranien fait de nous les rejetons du dieu Ahura Mazda et de sa fille Spandarmat (la Terre), tandis qu'en Egypte le premier homme est créé par le dieu Ptah, que chez les Hébreux nous sommes fruits du talent de potier de Dieu, et qu'au Tibet on voit volontiers l'homme sortir d'un oeuf issu des amours d'un singe et d'une démone des rochers...
S'il est à la discrétion de tout.e un.e chacun.e d'ajouter foi à telle ou telle hypothèse selon sa sensibilité et ses croyances philosophiques et religieuses, la science moderne propose, elle, une hypothèse aujourd'hui largement reconnue, selon laquelle l'homme n'a pas été "créé" : comme tous les animaux, les plantes, les champignons, les levures et les bactéries, homo sapiens, l'espèce à laquelle nous appartenons, résulte d'une série d'essais et d'erreurs dans la longue et complexe histoire de l'évolution.
Commençons par consulter un dossier de Futura sciences sur l'apparition de la vie. Bien qu'il soit pour l'instant impossible de dater précisément ladite apparition, celle-ci est sans doute due à la présence d'eau liquide sur notre planète. Cet environnement a permis le développement de cyanobactéries, ou algues bleues, fixatrices du dioxyde de carbone dont notre atmosphère est alors riche :
Quand la vie apparaît sur Terre, voici plus de 3,5 milliards d'années, l'atmosphère de la Planète est composée d'un peu d'azote et de beaucoup de dioxyde de carbone, un composé chimique associant un atome de carbone à deux atomes d'oxygène. En brisant cette molécule CO2 avec le concours de la lumière solaire, les cyanobactéries relâchent des quantités croissantes d'oxygène tout en fixant le carbone. Pourtant, un bon milliard d'années durant, la composition de l'atmosphère reste toujours la même. En raison de sa grande aptitude à former des composés, l'oxygène, à peine produit, se combine en effet à de nombreux minéraux de la croûte terrestre, le fer en particulier.
Cependant, arrive le moment où tous les minéraux sont oxydés : l'oxygène commence alors à se répandre dans l'atmosphère. Cette dernière contient à cette époque assez de méthane pour maintenir, par effet de serre, un climat suffisamment chaud pour que prolifèrent de nombreux organismes capables de vivre sans oxygène. Mais en se dispersant, les molécules d'oxygène attaquent le méthane qui disparaît en 100.000 ans à peine, et avec lui l'effet de serre. S'ensuit une chute des températures, produisant l'apparition d'une épaisse couche de glace à la surface de la Terre. Cet épisode, la glaciation huronienne, dure quelques centaines de millions d'années. Elle est fatale à la plupart des espèces vivantes sur la Planète.
Les organismes qui survivent à cette catastrophe se sont adaptés à leur nouvel environnement. La grande disponibilité de l'oxygène augmente considérablement les performances énergétiques de ceux capables de le métaboliser. C'est l'occasion d'une percée dans l'évolution, prélude à de futures explosions de la diversité biologique.
La suite de l'histoire est bien affaire d'adaptation à l'environnement : parmi les êtres de plus en plus complexes qui se développent, certains commencent à sortir de l'eau pour chercher leur nourriture. Parmi eux encore, certains possèdent une colonne vertébrale. Les vertébrés sociaux vont encore se diversifier en groupes variés, dont un va développer des mamelles pour nourrir les nouveaux-nés : les mammifères.
Selon hominides.com, les grands groupes de mammifères, profitent, à partir de 65 millions d'années avant le présent, de la disparition des dinosaures. Des primates sont présents en Afrique il y a 55 millions d’années. Puis, 20 millions d'années après, "les premiers singes modernes vont apparaître. Tout d’abord arboricoles, ils vont se développer sur toutes les niches écologiques, investissant également le sol." Les hominoïdes (qui correspondent "à notre lignée de grands singes" apparaissent au Miocène (22 à 5,5 millions d’années) et "vont investir toutes les niches écologiques du milieu forestier. Il vont également se développer sur tout l’Ancien Monde : on trouve des fossiles aussi bien en France, en Chine ou au Kenya… On a ainsi dénombré 40 espèces de grands singes datant du Miocène. Les modes de locomotion sont multiples, de la quadrupédie au sol au déplacement arboricole par brachiation (de branche en branche)…" Parmi ces lignées, des lignées africaines vont aboutir à diverses espèces d'australopithèques, puis à celles du genre Homo - dont nous feront partie.
Qu'est-ce qui différencie les espèces du genre homo des autres primates et leur assurera un avantage évolutif sur sur leurs ancêtres et cousins australopithèques ? Pour Silvana Condemi et François Savatier, auteurs de Dernières nouvelles de sapiens, c'est la bipédie : "la bipédie intégrale était présente chez les plus anciennes formes réputées humaines, notamment chez Homo habilis (2,8-1,44 Ma), qui vivaient à l'est et au sud de l'Afrique. Même si sa capacité crânienne est encore proche de celle des australopithèques, donc modeste (un tiers de la nôtre), son pied était très similaire à celui des humains actuels [...]."
Mais la bipédie seule n'explique pas notre succès évolutif : à celle-ci les auteurs ajoutent la culture, la transmission de techniques et de fabrication d'outils, déjà connues des australopithèques mais facilitées chez Homo par une plus grande habilité manuelle, une sociabilité plus riche, ou encore une meilleure capacité d'imitation. Celles-ci iront de pair, dans la lente évolution entre Homo habilis et Homo sapiens, avec une augmentation de la taille du corps, mais aussi un accroissement considérable de celle du cerveau. Ces qualités se renforçant les unes les autres, créant une sorte de cercle vertueux qualifiée par les auteurs de "boucle amplificatrice" :
Nous voyons que la successions des formes (pré)humaines corroborent l'existence de la boucle amplificatrice : plus de bipédie => plus grand territoire atteignable => plus de taille, cognition et mobilité pour l'exploiter => plus de bipédie, etc
La suite est plus sujette à débat, et la succession exacte des diverses espèces humaines n'est pas connue avec certitude. Le lieu d'origine de notre espèce, Homo sapiens, divise également les paléoanthropologues : est de l'Afrique pour certains, sud pour d'autres... débats semblables à ceux que nous vous décrivions dans notre ancienne réponse Homo ergaster :
Il est [...] très difficile d’établir une phylogénie consensuelle de l’enchaînement des différentes espèces humaines, faute de fossiles en nombre suffisant. Par ailleurs, même si deux espèces humaines sont apparentées, cela ne signifie pas nécessairement que la plus ancienne est « l’ancêtre » de la plus récente, mais plutôt qu’elles possèdent toutes les deux un ancêtre commun : on représente volontiers l’arbre phylogénétique comme un buisson foisonnant aux multiples branches divergentes.
Et cet arbre, de plus en plus complexe, est encore compliqué par les hybridations entre espèces humaines…
« Nos idées sur l'évolution humaine ont beaucoup changé au cours de la dernière cinquantaine d'années. On ne pense plus, par exemple, que la célèbre Lucy, et pas même plus généralement les australopithèques, soient des représentants d'une branche des hominines qui aurait donné en évoluant le genre Homo. Lui-même est devenu buissonnant avec de nombreuses branches collatérales et pour compliquer le tableau, il est devenu de plus en plus clair en ce début du XXIe siècle que des hybridations sont intervenues.
Par contre, il est toujours vrai qu'il reste difficile de trouver l'ancêtre commun de deux espèces pour des organismes vivants de grande taille, alors que ce n'est pas le cas pour des organismes beaucoup plus petits, en particulier les micro-organismes planctoniques (foraminifères, radiolaires, ostracodes, etc.). Les raisons en sont simples dans ce dernier cas, ces êtres vivants sont beaucoup plus nombreux et sont naturellement présents dans des milieux qui conduisent facilement à la conservation de formes fossilisées.
Il semble aussi que les grands organismes vivants ont une évolution qui est bien décrite par la théorie des « équilibres ponctués ». Les espèces y resteraient stables sur des durées de l'ordre de quelques milliers ou millions d'années, avant d'en donner des nouvelles en quelques centaines ou dizaines de milliers d'années tout au plus. Difficile dans ces conditions de conserver un grand nombre d'enregistrements de la spéciation. »
Source : Homo sapiens : le crâne de l'ancêtre commun enfin révélé ? futura-sciences.com
Nous savons cependant qu'à l'époque des premiers sapiens plusieurs espèces du genre homo étaient représentées. Selon Le grand atlas Homo sapiens de Telmo Pievani et Valéry Zeitoun, nous avons cohabité avec Homo neanderthalensis, Homo antcessor, Homo frensiensis ou encore l'Homme de Denisova... ceux-ci, comme nous vous le disions encore dans la réponse Espèce(s) humaine(s) se sont d'ailleurs volontiers reproduits avec des sapiens dont ils étaient très proches génétiquement. Toutes les populations humaines hors d'Afrique seraient issues d'un de ces métissages.
Voici un choix de sources pour aller plus loin. Nous vous invitons à cibler les titres les plus récents, car la paléoanthropologie est une science en pleine ébullition.
Ouvrages à notre catalogue :
- Il était une fois la paléoanthropologie : quelques millions d'années et trente ans plus tard / Pascal Picq
- Bipédie et origines de l'humanité : philosophie et histoire de la paléoanthropologie / Mathilde Lequin ; préface de Claudine Cohen
- La fabuleuse histoire de nos origines : de Toumaï à l'invention de l'écriture / Marc Azéma & Laurent Brasier ; préfacé par Jean Guilaine,...
- Singes : quel genre d'animaux sommes-nous ? / Aurel ; préface de Baptiste Morizot
- Qui était Néandertal ? : petite conférence / Marylène Patou-Mathis
- Homo sapiens [D.V.D.] : les nouvelles origines / réal. et scénario d'Olivier Julien
- Neandertal, un parent : à la découverte de nos origines / Rebecca Wragg Sykes ; traduit de l'anglais par Denis Richard
- Le dernier Néandertalien : comprendre comment meurent les hommes / Ludovic Slimak
Réponses du Guichet du Savoir :
- A la préhistoire, les hommes occidentaux et asiatiques ont-ils la même souche ?
- Origine des humains
- Est-ce que c'est la nature qui a fait l'homme ?
- L'Australopithèque
Le site hominides.com