Je cherche des informations sur les sarrasinières
Question d'origine :
Bonjour,
Après avoir pris connaissance de votre réponse concernant une demande portant sur les sarrasinières, j'aurais aimé savoir quels étaient les éléments historiques datant du XVe évoquant cette structure.
De plus, sait-on si, entre cette époque et le XIXe siècle, ce réseau a été utilisé pour divers usages ? J'ai trouvé trace d'une rumeur évoquant leur fermeture au moment de la Révolution pour question de sécurité. Y'a-t-il des éléments avérés allant en ce sens ou cela relève-t-il de la légende urbaine la plus totale ?
Merci !
Réponse du Guichet
D'après nos sources, les allusions les plus anciennes à ces sarrasinières datent de la toute fin du XVIeme siècle, dans l'ouvrage Histoire civile et consulaire de la ville de Lyon du père Ménestrier.
Certaines portions de tunnel accessibles ont été condamnées pendant la Révolution car elles étaient utilisées par les contre-révolutionnaires pour se cacher, et non pas à cause d'un quelconque usage qui aurait survécu à l'abandon de ces sarrasinières. D'ailleurs on parle ici d'un ensemble de sites correspondant à l'affleurement de ces sarrasinières (leur longueur totale atteint 18 kilomètres !) à la surface, en des endroits où elles n'étaient pas détruites. On peut supposer que leur « condamnation » ne concernait que certains de ces sites, comme celui de Rillieux pour lequel on dispose de détails très précis concernant les demandes de travaux, sans qu'on sache avec certitude s'ils furent exécutés.
Si nous interprétons correctement votre question, vous désirez obtenir des précisions sur une réponse à une question précédemment posée au sujet des sarrasinières, et notamment concernant le point suivant :
Nous remercions le
Service Archéologique Municipal de la ville de Lyon , qui a bien voulu nous exposer les informations suivantes.
- Les sarrasinières sont connues depuis le 15ème siècle environ (témoignages écrits).
Cette question datant de 2013, il nous a été impossible de retrouver la réponse originale que nous avait adressé le Service archéologique et dont nous tirions cette affirmation. Nous leur avons donc envoyé un mail pour obtenir les références qui manquaient à notre précédente réponse, et nous posterons leur réponse en complément .
Par ailleurs, l'information la plus complète que nous ayons trouvé sur les sarrasinières provient d'un chapitre que lui consacre Christian Barbier dans Les Souterrains de Lyon (1994), et dans lequel il affirme que le plus ancien témoignage écrit que l'on possède sur cette construction est semble-t-il celui du père Ménestrier dans son Histoire civile et consulaire de la ville de Lyon, en 1696. Ménestrier mésinterprète cependant l'origine des vestiges qu'il décrit comme un aqueduc : "On voit encore plusieurs ruines de cet aqueduc le long du Rhône, depuis le boulevard Saint-Clair jusqu'à Miribel, et à Montluel où il devait prendre l'eau du Rhône." On sait aujourd'hui que ce n'était pas le cas : aucune trace des enduits utilisés pour de tels ouvrages dans l'Antiquité, ou d'alluvions laissés par l'écoulement d'eau...
D'après le livre de Barbier, au XIXème siècle, Alexandre Flachéron se passionne pour cette énigme et laisse une description assez précise de l'ensemble de l'ouvrage à son époque, alors que les vestiges sont encore relativement visibles. Il évoque une inscription maçonnée sur l'extrados des voûtes au niveau du pontceau de Vassieux : "Hôtel Dieu 1763". Mais il parait douteux que ce détail témoigne de l'origine de ces souterrains. Cependant d'après Barbier, le réseau aboutissait il y a fort longtemps aux environs de l'hôtel de ville de Lyon (d'après le témoignage d'un certain Delorme précisément dans une maison à l'angle de la rue Puits-Gaillot et celle du Griffon).
Ce qui fait dire à Flachéron que cette galerie servait anciennement de chemin couvert pour tenir en communication le château de Miribel avec les fortifications de Lyon. Le tunnel, constitué de deux galeries séparées par une paroi d'une quarantaine de centimètres (un pour l'aller, l'autre pour le retour?) était suffisamment haut pour laisser le passage à des hommes à cheval. Emplacement stratégique, le château de Miribel fut l'objet de nombreuses disputes engageant leurs propriétaires les sires de Beaujeu, et qui culminèrent avec son annexion par le Dauphin de Vienne, puis sa transformation en marquisat entre les mains des comtes de Savoie au milieu du XIVe. C'est à ces circonstances que Flachéron attribue l'abandon des réseaux qui perdaient leur utilité dès lors que la possession du château cessait d'être un enjeu.
Pourtant dans son ouvrage Barbier remarque également la forte ressemblance entre les sarrasinières et les Arrêtes de poissons : ils ont la même forme et très exactement les mêmes dimensions. En outre, les sarrasinières devaient passer au niveau de la rue des Fantasques, à l'endroit même où se situent les Arrêtes. Barbier conclut donc que les deux ouvrages pourraient avoir une même origine. Or, on date aujourd'hui le mortier utilisé dans les Arrêtes à l'Antiquité; donc si Barbier a raison, les sarrasinières précèderaient de beaucoup le château de Miribel.
Une grande partie de ces tunnels est restée close après leur abandon, soit ensevelie, soit envahie par les eaux du Rhône. D'après l'ouvrage Rillieux-la-Pape mille ans d'histoire cité par Barbier, certains propriétaires de terrains traversés par le réseau en profitèrent pour transformer en cave leur portion de sarrasinières. Les tronçons accessibles servaient de terrains de jeux aux enfants comme en témoigne un vieil habitant de Miribel - au XIXe siècle, mais on peut imaginer que ce fut le cas dès que l'abandon de l'ouvrage conduit à son exposition progressive à l'air libre.
La condamnation de certains tronçons des sarrasinières pendant la Révolution n'est semble-t-il pas une légende, mais elle ne vient pas interrompre un usage bien déterminé qui ce serait installé au fil des siècles; elle intervient de façon très circonstancielle pour empêcher leur utilisation par les contre-révolutionnaires : « Pendant la Révolution, ces souterrains ont servi de retraite « aux gens mal intentionnés ». La municipalité d'alors avait demandé leur fermeture et une enquête dirigé par l'ingénieur Duparc avait été ordonnée par le Directoire du district de Montluel le 7 décembre 1791. Le 20 janvier 1792, Jacques Mollard de Rillieux offrit de fermer les sarrasinières près du Creux du Barrier au moyen d'un mur de maçonnerie de neuf pieds de haut, trois de large et trois d'épaisseur. » (Rillieux-la-Pape mille ans d'histoire, p. 110)
Nous mettrons à jour notre réponse avec les précisions envoyés par le Service archéologique de la ville de Lyon, le cas échéant.