Je souhaite avoir des explications sur certaines expressions du roman de Montherlan
Question d'origine :
Bonjour, je reviens vers vous pour vous soumettre quelques doutes concernant certains mots ou expressions trouvés dans le roman de Montherlant, "La rose de sable".
Dans les premières pages, il est question de la rencontre dans un bar à Alger avec une « «maestra » . Le terme est écrit ainsi dans le texte et je ne comprends pas s'il s'agit d'italien ou d'espagnol et ce qu'il indique exactement. Pourrait-il s'agir d'une sorte de doyenne des prostituées ?
Plus loin dans le roman, il est question de « cravates pour des cols » qui seraient vendues dans la rue. De quel type de cravates pourrait-il s'agir ?
Enfin, plus loin dans le roman, il est fait mention d' "inventaires" en référence au début de la Première Guerre mondiale en 1914. Cette expression peut-elle indiquer la mobilisation/le recrutement des soldats ? Le sens plus courant ne joue pas dans deux phrases où le terme apparait.
Merci !
Réponse du Guichet
Les notes et variantes du Tome II des romans de Montherlant aux éditions de la Bibliothèque de la Pléiade apportent quelques compléments d'informations à vos questions.
Bonjour,
Le roman La Rose de sable d'Henry de Montherlant décrit l'occupation coloniale de la France en Algérie dans les années 1930, essentiellement à Alger. Outre la population locale, le territoire algérien ne se compose pas exclusivement de Français d'origine métropolitaine mais aussi de minorités européennes nationalisées ou non, dont une grande majorité vient d'Espagne et une plus petite partie d'Italie (Cf. Algérie française, Wikipédia). Il n'y a alors rien d'étonnant à ce que soit employé le mot "maestra", dans une Alger devenue un carrefour linguistique africano-européen. Le mot signifiant "maitre" ou "maitresse" selon son emploi, d'après les dictionnaires bilingues italiens et espagnols Collins et renverrait, dans les deux langues autant aux métiers de l'éducation qu'à la notion de maitrise, dans le sens où l'on excellerait à quelque chose. Nous supposons néanmoins que c'est de l'Italien puisque l'auteur se réfère déjà au mot "donna" (femme) un peu plus haut dans le texte. "Maestra" est écrit en italique dans l'édition Bibliothèque de la Pléiade des œuvres de Montherlant (Romans, tome II, 1982), comme il est de coutume lorsque l'on emploie un mot d'origine étrangère dans un texte en Français. L'éditeur précise toutefois que le manuscrit fut biffé à cet endroit précis par l'auteur (p. 1295). Entre les mots "Une" et "maestra" ce trouvait ce qui suit : "vieille bonne femme, plâtrée de poudre", nous laissant une fois encore dans le monde de l'expectative pour ce qui est de l'identité ou la fonction de ce personnage...Mais votre hypothèse est plausible !
Nous n'avons trouvé aucune mention de l'expression "vendre des cravates pour des cols", que ce soit dans Le Bouquet des expressions imagées de Claude Duneton ou dans le Dictionnaire des expressions et locutions d'Alain Rey et Sophie Chantreau. Mais les annotations du texte dans l'édition Bibliothèque de la Pléiade rappellent le contexte dans lequel se déroule le récit. Quelques lignes auparavant, on nous dit : "c'était peut être le Centenaire", que nous interprétons comme les célébrations du Centenaire de l'occupation coloniale de la France en Algérie qui débuta en 1830 (l'histoire se déroule dans les années 1930). A ce titre "Y avait un monsieur et une dame qui faisaient les camelots" (p.173), donc des marchands ambulants avec tout l'imaginaire que cela accompagne. On peut peut-être comprendre l'expression comme une moquerie de la part de l'auteur, les commerçants ne vendraient pas ce qu'ils prétendent vendre ou alors le proposeraient-ils dans une qualité moindre...
Enfin la question des inventaires nous est clairement expliquée dans les notes de cette même édition. Il n'est pas fait référence à des inventaires préalables à la Première guerre mondiale, comme le reste du paragraphe le laisse à suggérer, mais aux inventaires des objets du culte prescrits par la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. Un renvoi est fait vers le livre d'Adrien Dansette, Histoire religieuse de la France contemporaine (p.333 - 350) pour davantage de précisions.
En espérant avoir répondu à certaines de vos interrogations,