Question d'origine :
Bonjour,
je souhaite ré-éditer des anciens livres sur un thème particulier. J'ai donc deux questions.
La première c'est comment être sûr qu'un livre est libre de droits? Existe-t-il des sites qui recensent les ouvrages anciens libres de droits?
La deuxième c'est y a-t-il des conditions particulières à respecter pour ré-éditer des anciens livres libres de droits?
Dans un premier temps je m'intéresse à des œuvres de Vesco de Kereven.
Merci d'avance pour votre réponse.
Bien cordialement.
Guillaume
Réponse du Guichet
La loi française ne reconnait pas la notion "libre de droits", mais celle de "domaine public", où tombent, hors cas particuliers, les oeuvres des auteur-trices 70 ans après leur mort. Mais cela ne concerne que la dimension financière, à savoir les droits patrimoniaux. Il existe également des droits moraux, détenus par les ayants-droit, qui sont, eux, perpétuels.
Bonjour,
Tout d'abord, il convient de rappeler que, comme l'indique le document du Ministère de l'Economie Droit d'auteur, droit à l'image: les étapes essentielles pour utiliser un contenu, "L’expression « libre de droits » n'existe pas en droit français" mais qu'elle "est parfois utilisée pour renvoyer au domaine public [...]".
Il n'existe pas à notre connaissance de liste exhaustives des oeuvres tombées dans le domaine public. Gallica, bibliothèque numérique de la BnF, consacre chaque année une page de son blog à des oeuvres notables désormais détachées de droits patrimoniaux :
- Ces œuvres qui entrent dans le domaine public en 2024
- Ces œuvres qui entrent dans le domaine public en 2023
- Ces œuvres qui entrent dans le domaine public en 2022
- ...
L'absence d'un auteur ou d'une autrice sur ces pages - par exemple Vesco de Kereven - ne signifie cependant pas qu'il ou elle ne soit pas dans le domaine public. Il y a cependant des moyens de déterminer ce qu'il en est.
L'article L123 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit que la protection des oeuvres dure soixante-dix ans après la mort de l'auteur. Elles intègrent donc le domaine public le 1er janvier suivant le 70è anniversaire du décès de celui-ci. A quoi s'ajoutent trois restrictions. Les droits des oeuvres parues durant les deux guerres mondiales font également l'objet d'une prolongation :
Les droits accordés par la loi du 14 juillet 1866 sur les droits des héritiers et des ayants cause des auteurs aux héritiers et autres ayants cause des auteurs, compositeurs ou artistes sont prorogés d'un temps égal à celui qui s'est écoulé entre le 2 août 1914 et la fin de l'année suivant le jour de la signature du traité de paix pour toutes les oeuvres publiées avant cette dernière date et non tombées dans le domaine public le 3 février 1919.
(Article L123-8)
Les droits accordés par la loi du 14 juillet 1866 précitée et l'article L. 123-8 aux héritiers et ayants cause des auteurs, compositeurs ou artistes sont prorogés d'un temps égal à celui qui s'est écoulé entre le 3 septembre 1939 et le 1er janvier 1948, pour toutes les oeuvres publiées avant cette date et non tombées dans le domaine public à la date du 13 août 1941.
En outre, "Les droits mentionnés à l'article précédent sont prorogés [...] d'une durée de trente ans lorsque l'auteur, le compositeur ou l'artiste est mort pour la France [...]." (Article L123-10).
Pour des raisons d'une grande complexité que nous avons détaillées dans notre précédente réponse Les romans d'Edgar Wallace et de Jose Moselli sont-ils libres de droits ?, il s'avère que dans les prolongations pour les temps de guerre, votées à une époque où les droits patrimoniaux s'appliquaient cinquante ans après le décès de l'auteurice, "ne s'ajoutent pas au délai légal de protection, tout simplement parce que ce nouveau délai de soixante-dix ans les absorbe".
Si Marie-Edmée Vesco dite Vesco de Kereven (1871-1945) n'est pas morte pour la France, nous pensons donc que son oeuvre est tombée dans le domaine public le 1er janvier 2016.
Mais attention, le domaine public ne concerne que les droits patrimoniaux attachés à l'oeuvre - tout ce qui concerne l'argent. En revanche, comme le stipule l'Article L121-1 du CPI, le droit moral est "perpétuel, inaliénable et imprescriptible", transmissible aux héritiers ou à un tiers "en vertu de dispositions testamentaires". Ce qui signifie que les ayants-droit d'un auteur mort pourront toujours en faire interdire la publication.
L'article L121-5 précise que "Toute modification de cette version par addition, suppression ou changement d'un élément quelconque exige l'accord des personnes mentionnées au premier alinéa", à savoir l'auteur ou ses ayants-droits. Bien que cet article traite spécifiquement des productions audiovisuelles, de nombreuses sources institutionnelles semblent l'appliquer également aux œuvres littéraires, telle la SACD qui précise que la loi garantit :
le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. L’auteur peut s’opposer à toute modification, suppression ou ajout susceptible de modifier son œuvre initiale, tant dans la forme que dans le fond. Seul l’auteur peut en décider !
Le respect de l'intégrité de l’œuvre est également souligné par le Société des gens de lettres (SGDL), tout en tempérant son application :
C'est le droit au respect de son intégrité. La loi rappelle que l'auteur a droit au respect de son oeuvre en ce sens qu'on ne peut pas la modifier, l'altérer, y faire des adjonctions, des suppressions, des modifications sans que l'auteur, qui se plaint d'une atteinte à l'intégrité de l'oeuvre ait à prouver qu'il y a une atteinte à son honneur ou à sa réputation. Le seul fait qu'il y a une modification de son oeuvre constitue une atteinte à l'intégrité de l'oeuvre.
Là aussi, il y a des tempéraments. La Cour de cassation a ainsi estimé que certaines modifications, adjonctions qui n'avaient pas pour conséquence de donner une image inexacte de l'oeuvre, pouvaient être admises.
Il semble donc prudent de consulter lesdits ayants-droits s'il y en a, au cas où vous souhaiteriez effectuer des modifications, des coupes, des ajouts, etc, à l'oeuvre. Dans les autres cas, il ne semble pas y avoir matière à le faire.
Pour un panorama très complet des enjeux de droits d'auteur, nous vous invitons à télécharger la brochure Droit d'auteur, droit à l'image : les étapes essentielles pour utiliser un contenu sur le site de l'Enssib.
Bonne journée.
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