Question d'origine :
Bonjour,
Pouvez-vous me dire comment est considéré le Feng shui dans son pays d'origine, cad s'il s'agit d'un développement de la religion ou bien de la "philosophie" ou plutôt sagesse chinoise ?
Existe-t-il en français des livres "scientifique" qui retracent les origines et l'histoire de cette "manière de vivre" autre que les manuels pratiques qui sont légion, et souvent sans profondeur historique.
Merci d'avance pour votre réponse
SainteRose
Réponse du Guichet
bml_chin
- Département : Fonds Chinois
Le 13/02/2007 à 16h51
(Source Grand dictionnaire Ricci de la langue chinoise, vol. II, p. 653).
Ces propos de Frédéric Obringer, chercheur au CNRS (Centre d’Études sur la Chine Moderne et contemporaine, EHESS, Paris), nous semblent poser très pertinemment la problématique de la diffusion du fengshui en Occident. (Citation tirée de son article « Le fengshui, ou la recherche d’un dragon très humain », réf. ci-dessous).
Quelques précisions semblent s'imposer.
« La géomancie fut pendant deux mille ans la science du « vent et de l’eau ». Personne n’aurait construit une maison ou aménagé une tombe sans demander auparavant le conseil du géomancien. On pouvait à la rigueur renoncer aux experts de l’astrologie ou des oracles, mais pas au spécialiste du feng-shui (qui était aussi une sorte d’écologiste).
« Provoque l’harmonie du milieu », est-il dit dans le Liji (Livre des rites) « alors le ciel et la terre rejoindront leur juste place, et toutes choses prospéreront ».
Il convenait de donner aux influences de la nature et de l’univers la forme la plus favorable possible et d’aménager avec le même soin les maisons, ponts, murs, groupes d’arbres et d’autres « lieux ». L’observation du sol (地理 dili, qui désigne aujourd’hui la notion de géographie) en fait partie, ainsi que la science du yin et du yang, et principalement la technique du fengshui. C’était un géomancien qui décidait de l’orientation de la porte d’entrée, que l’on plaçait souvent de biais par rapport au mur de façade, car il était impossible de faire tourner tout le chantier pour l’amener à la position optimale, c’est-à-dire exacte du point de vue de la géomancie […]
Il n’était pas rare que les géomanciens s’occupent pendant des semaines à découvrir une sépulture faste. Il fallait protéger les ancêtres contre l’influence des esprits mauvais, et seul un bon fengshui pouvait leur apporter le repos : par exemple au moyen d’une sépulture à flanc de la colline, tournée vers le sud, protégée des deux côtés contre les vents d’est et d’ouest par des petits remparts. En bas de la tombe devait se trouver un cours d’eau, si bien que la tombe était protégée de tous les côtés […] ».
(Tiré de : Dictionnaire des symboles chinois, p. 151-152).
Voici ce que nous dit Carole Morgan, dans son article Le rôle majeur du paysage :
Selon la géomancie chinoise « la terre est un dragon dont il faut capter et retenir le souffle (qi), afin d’augmenter le bien être des vivants et des morts. […] Les ancêtres ayant épuisé leur souffle, ne peuvent protéger leurs descendants qu’en captant le qi du site. La fortune d’une famille étant directement liée au tombeau ancestral, sa démolition le prive du soutien des morts. […] Pour lui permettre d’ “ausculter le dragon”, et trouver ainsi un emplacement faste, le géomancien se sert d’un instrument, le 罗盘 luopan, à partir duquel s’est développée notre propre boussole. […] L’art du géomancien consiste à équilibrer les influences du ciel et de la terre. […] Au fil des siècles les tombes émaillèrent les campagnes au point de gêner l’agriculture. C’est pourquoi, profitant du remembrement agricole, et malgré l’opposition de la population, le régime communiste les fit démolir, et balaya du même coup une « superstition » millénaire. On en reconstruit aujourd’hui.
(Tiré de : Chine, peuples et civilisation, p. 44-46).
Pour aller plus loin dans votre réflexion, nous vous engageons à lire :
* L’article « Le fengshui, ou la recherche d’un dragon très humain », par Frédéric Obringer, tiré de Diogène, n° 207, juillet-septembre 2004, p. 72-82.
* Fengshui, l'art d'habiter la terre. Une poétique de l'espace et du temps, par Frédéric Obringer, Arles, Éditions Philippe Picquier, 2001, 126 p.
* L’article intitulé « Le Fengshui à Hong Kong », par Laure Altman, dans le N°spécial de Géographie et cultures, n°34, été 2000, p. 105-123.
* La tradition Fengshui perdure, article en ligne de China Radio International.
* Fengshui Gate, établi par Stephen L. Field (University of Trinity, USA), en anglais, site très complet, l’essentiel du fengshui présenté par un savant à un public généraliste.
* Fengshui in China : geomantic divination between state orthodoxy and popular religion, par Ole Bruun, Honolulu : University of Hawai'i Press, 2003, 305 p.
* China's living houses : folk beliefs, symbols, and household ornamentation, par Ronald G. Knapp, Honolulu : University of Hawai'i Press, 1999, p. 185
* An anthropological analysis of Chinese geomancy, par Stephan Feuchtwang, Bangkok : White Lotus Co., 2002, 312 p.
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