Question d'origine :
recherche tous documents ou renseignements sur immigation auvergnate à Lyon et sa région en remontant le plus loin possible dans le temps . Idem sur auvergnats qui auraient occupé des fonctions importantes ou fait parler d'eux dans quelque domaine que ce soit .Merci
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 25/10/2007 à 14h49
Il semblerait que l'immigration auvergnate à Lyon n'ait pas suscité une importante littérature. Nous n'avons pas trouvé d'ouvrage consacré à ce sujet ni dans les collections de la bibliothèque municipale de Lyon, ni dans les catalogues collectifs consultés (Sudoc, BNF, BCIU de Clermont-Ferrand). Voici cependant quelques pistes qui, nous l'espérons, pourront vous aider dans votre recherche.
Ce qui ressort des ouvrages consultés :
Une émigration des auvergnats vers Lyon est bien attestée, mais n'est pas présentée comme un phénomène d'envergure (contrairement au mouvement migratoire vers Paris, qui a fait l'objet de plusieurs études)
- Dans l'Histoire de Lyon : du XVIe siècle à nos jours comme dans Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, il est question du "peuplement montagnard de Lyon" en référence à l'immigration originaire de Savoie et d'Auvergne : "du XVIe siècle au XVIIIe siècle : l'apport montagnard des Auvergnats et des originaires de Savoie – au sens propre – ne représente guère que 12% des habitants." (Histoire de Lyon du XVIe siècle à nos jours)
Maurice Garden cite à ce sujet un article de A. Chatelain paru dans la Revue de géographie de Lyon en 1954 (p. 91-115), intitulé
-Dans un chapitre consacré à la vie quotidienne au XIXe siècle de l'Histoire des auvergnats et des bourbonnais, Marie-Paule Caire-Jabinet consacre plusieurs paragraphes à l'émigration, "une constante de l'histoire des auvergnats". Lyon n'y est cependant pas mentionné comme lieu privilégié d'immigration, contrairement à Paris.
Voici quelques références que nous n'avons pu consulter car elles ne font pas partie des collections de la BML, mais qui devraient vous apporter des éléments de réponse :
- ROUCHON, Charles. L'émigration ; étude : [Peigneurs de chanvre - Les maçons - L'émigration vers St-Etienne et Lyon - L'émigration vers Paris - Les cochers de fiacre - La pelleterie et la fourrure - Les pelletiers et les pelletières - Importance, caractères et évolution de l'émigration.]. Revue d'Auvergne, t. 63, 1949, p. 153-177.
- PERREL, Jean. Migrations et migrants du massif central : travaux récents et nouvelles données. Revue d'Auvergne, t. 95, n°3, 1981.
Références trouvées sur le catalogue en ligne de la Bibliothèque communautaire et interuniversitaire de Clermont-Ferrand
- PRIVAL, Marc. Les migrants de travail d'Auvergne et du Limousin au XXe siècle. 1979
Consultable à la BCIU de Clermont-Ferrand, et au SCD de l'université Lyon 2
- PRIVAL, Marc. Auvergnats et Limousins en migrance. Ed. Olliergues, 2005.
BCIU Clermont-Ferrand
- CAILLARD, Jean-Pierre. Les Auvergnats. La Table ronde, 2004.
BCIU Clermont-Ferrand
Quant au auvergnats s'étant illustrés à Lyon… vous pourrez consulter à la bibliothèque municipale de Lyon de nombreux ouvrages consacrés aux lyonnais célèbres (nés ou ayant vécu à Lyon), mais ces derniers ne sont pas classés par lieux de naissance !
Vous pouvez aussi prendre le problème dans l'autre sens et consulter par exemple
Femmes et hommes célèbres ou remarquables de l'Auvergne, du Bourbonnais et du Velay, dictionnaire biographique et historique de Jacques Girard paru en 2005 (BCIU Clermont-Ferrand)… avec beaucoup de patience peut-être y trouverez-vous les noms d'auvergnats lyonnais d'adoption ?
Pour la fourniture de documents à distance, vous pouvez contacter le sevice de
A la bibliothèque municipale de Lyon :
Service du prêt entre bibliothèques
30 bd Vivier-Merle
69431 Lyon cedex 03 FRANCE
tél : 04 78 62 18 79
fax : 04 78 62 18 49
peb@bm-lyon.fr
Autres pistes :
- L'association Auvergne de Lyon, Société d'union amicale et philantropique des originaires de la région "Auvergne", fondée en 1884.
- Nous avons contacté Jean-Luc Ochandiano qui a tenu en janvier dernier une lecture-conférence intitulée
Nous compléterons donc cette réponse dès que nous aurons eu la sienne !
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 31/10/2007 à 08h49
... suite ef fin.
Voici la réponse très fournie de
Nous le remercions vivement pour sa participation très enrichissante au guichet !
Je peux, par contre, vous livrer quelques informations pour votre lecteur.
Il existait une véritable migration venant de l’Auvergne vers Lyon aux 18 et 19e siècles. Une des principales filières migratoires l’alimentant était celle des maçons, phénomène qu’avait identifié l’historien Maurice Garden pour le 18e siècle et que l’on retrouve jusqu’à la fin du 19e siècle, moment où les migrations temporaires sont remplacées par des migrations définitives.
Les maçons allant vers Lyon venaient de deux zones que l’on peut identifier très clairement : la partir creusoise du plateau de Millevaches (dans le Limousin) et les Combrailles, à cheval sur la Creuse et le Puy-de-Dôme. Au milieu du 19e siècle, environ 35 à 40% des maçons travaillant à Lyon venaient du Puy-de-Dôme, notamment des communes de Miremont, Pontaumur, Pontgibaud, Villosanges, etc.
Au 18e siècle et jusqu’au milieu du 19e siècle, ces migrants se concentrent principalement dans le quartier de l’Hôtel-Dieu, dans les rues Bourchanin, Belle Cordière, Raisin, Noire, etc. C’est un quartier très dégradé et pauvre du centre-ville. Les maçons y vivent très repliés sur eux-mêmes. La plupart des garnis qui les accueillent sont des garnis destinés exclusivement à des maçons (on en trouve une soixantaine dans ce quartier), tenus par des maçons ou par leur épouse. L’arrivée des migrants de la maçonnerie se déroule sur une période très limitée (du 15 mars au 15 avril) et est très massive. Cette population migrante est alors très stigmatisée par la population locale. Ce sont des « étrangers » dont on considère qu’ils ont des mœurs frustes.
On trouve, aux archives municipales de Lyon, des registres de police recensant les arrivées des migrants dans les garnis de Lyon pour le milieu du 19e siècle : Il s’agit de la série I1. Les registres du quartier de l’Hôtel-Dieu sont aux cotes I1 197-208. Ils sont très intéressants car ils comportent de nombreuses informations : nom et lieu d’origine du migrant, profession, nom et adresse du logeur.
Ces populations essayaient de recréer, tant bien que mal, les sociabilités de leurs villages d’origine. Au milieu du 19e siècle, un certain nombre de cabarets tenus par des maçons du Limousin ou de l’Auvergne organisaient des bals pour les membres de leurs « pays ». Les archives départementales du Rhône conservent, par exemple, un dossier (cote : 4 M 481) contenant une douzaine de demandes de cabaretiers ou de logeurs de maçons d’origine limousine ou auvergnate qui, au cours des années 1850, demandent à « faire danser » au son de la vielle ou de la musette, les samedis, dimanches et jours de fête. La plupart de ces cabarets sont situés à la Guillotière ou vers Vaise. Là encore, on voit que cette population est alors très stigmatisée et que les autorités policières ne sont pas tendres avec elle. Ainsi, en 1858, un logeur de maçon de La Mulatière demande l’autorisation de faire danser les membres de son garni, au son de la vielle, les dimanches. Le commissaire d’Oullins refuse l’autorisation en apportant la justification suivante : « Presque tous les ouvriers qui prennent leurs repas chez Chalex sont des maçons originaires du limousin ou de l’auvergne. C’est une habitude chez ces individus de danser entr’eux quelques fois au son de la vielle ou de la musette des bourrées et des branles de leurs pays : il n’y a que très rarement des femmes à ces amusements. Je n’ai jamais apporté d’importance à ces divertissements improvisés, me contentant de veiller à ce que les autorisations accordées aux maîtres des établissements ne soient pas outrepassées. Dans ces circonstances, ces bals, si on peut leur donner ce nom, n’offrent aucune conséquence dangereuse. Il me semble qu’il en serait tout autrement si l’un de ces établissements avait une autorisation préfectorale. Ce serait le rendez vous de tous les auvergnats et limousins des environ, gens brutaux adonnés à l’ivrognerie et querelleurs quand ils sont ivres. Les servantes des environs se réuniraient à ces bals et ce serait une source continuelle de scènes tumultueuses, et où la décence la moins effarouchée aurait souvent à rougir ». Il conclut en affirmant que l’autorisation représenterait un « danger pour la morale et la tranquillité publiques ». Ce discours en dit certainement plus sur le regard policier que sur les migrants visés.
La deuxième moitié du 19e siècle va constituer un moment de transformation très fort pour cette filière migratoire pour plusieurs raisons :
- L’haussmannisation de Lyon conduit à une refonte complète du quartier de l’Hôtel-Dieu. Le percement de la rue Impériale (actuelle rue de la République) et l’alignement des rues adjacentes modifie profondément le visage de ce quartier. Des immeubles de luxes sont construits et les populations ouvrières repoussées vers le quartier de la Guillotière où elles se fondent dans une classe ouvrière qui est en train de croître de manière très forte à l’époque.
- Dans la région de Pontgibaud, on assiste à un développement très fort, entre 1850 et 1900, des mines de plomb argentifère, au point de devenir le premier centre producteur français dans ce domaine. Cette production va donc fixer la main d’œuvre de cette région. La filière multi-séculaire des maçons venant des Combrailles pour travailler à Lyon s’efface donc au cours de ce demi-siècle, contrairement à celle venant du Limousin qui reste vivace jusqu’à la Seconde guerre mondiale.
Paradoxalement, c’est au moment où la filière est en train de disparaître que se crée la Société l’Auvergne. D’après les archives départementales du Rhône, cette société est créée en 1889. Elle revendique 700 adhérents en 1890 et en a 1000 en 1901. Sur ces 1000 adhérents, environ 350 appartiennent au bâtiment. 80 sont entrepreneurs, 20 maîtres-maçons. Les ouvriers de la maçonnerie sont au nombre de 240.
Le président et fondateur de L’Auvergne est Eugène Tallon. Tallon a été député du Puy-de-Dôme de 1871 à 1876, date à laquelle il est battu. Il entre alors dans la magistrature et devient avocat général à Lyon en 1878. Il devient président de la chambre de la Cour d’appel de Lyon en 1890. De 1871 à 1881 puis de 1889 à 1898, il représente le canton de Manzat au conseil général du Puy-de-Dôme.
L’Auvergne se définit comme une société philanthropique. C’est plus exactement une société de patronage où des membres honoraires (essentiellement des notables et des chefs d’entreprises) versent une cotisation pour venir en aide aux membres participants, qui sont essentiellement ouvriers et employés (l’association constitue des livrets de caisse d’épargne pour les enfants méritants, délivre des bons médicaux ou pharmaceutiques pour les malades, donne des aides financières pour le rapatriement au pays, etc.).
Cette association, assez conservatrice, développe aussi tout un discours de valorisation de la Petite patrie auvergnate (présentée comme un tout naturel et non issu d’un processus historique) qui serait le porte-drapeau de la Grande patrie française. Elle propose une vision de l’Auvergnat très typée, construite comme une figure s’opposant trait pour trait à l’image de l’ouvrier qui est alors en train de se diffuser dans la société.
Il est intéressant de remarquer que pour adhérer à l’association, il faut être originaire des départements suivants : Puy-de-Dôme, Cantal, Haute-Loire, Creuse. Il s’agit, selon les statuts de la société, des « départements composant l’ancienne Auvergne et le Velay ». L’intégration de la Creuse (limousine) dans la société l’Auvergne est, en fait, étroitement liée à l’influence des maçons dans l’association, cette corporation mêlant étroitement habitants du Puy-de-Dôme et de la Creuse.
En 1891, naît le journal L’Auvergnat de Lyon, sur le modèle de celui qui existe à Paris. Il est géré par un dénommé J. F. Taillandier. En 1892, les statuts d’une nouvelle association, L’Arverne, sont publiés dans ce journal qui semble en être à l’origine. Pour être admis dans cette société philanthropique, « il faut être originaire de l’ancienne province d’Auvergne (aujourd’hui départements du Puy-de-Dôme, du Cantal et arrondissement de Brioude dans la Haute-Loire) ou né de parents ayant cette origine ». Cette association ne semble jamais avoir existé réellement et le journal cesse de paraître en décembre 1893. Mais l’on voit à quel point il est difficile de définir une « véritable » Auvergne, sauf à reconnaître son caractère historiquement constitué, donc fluctuant dans le temps, ce qui n’est pas le cas à l’époque.
Je vous donne aussi 2 références bibliographiques qui peuvent compléter mon propos :
GARDEN Maurice. L’émigration du Massif-Central vers Lyon dans la seconde moitié du 18e siècle. Entre faim et loup... : les problèmes de la vie et de l’émigration sur les hautes terres françaises au 18e siècle. Clermont-Ferrand : Institut d’études du Massif-Central, 1978. p. 33-57.
PRIVAL Marc. Les migrants de travail d'Auvergne et du Limousin au XXe siècle. Clermont-Ferrand : Institut d'Études du Massif Central, 1979. 317 p.
Ce travail de thèse donnera lieu à la publication courant 2008 d'un ouvrage sur les
Pour plus d'informations, vous pouvez contacter : [url=mailto:jean-luc.de-ochandiano@ec-lyon.fr'>jean-luc.de-ochandiano@ec-lyon.fr[/url]
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