Question d'origine :
On rencontre souvent, dans les anciennes biographies d'habitants de Lyon, des indications telle que :
Untel, profession : marchand sur la rivière
avec la précision fréquente qu'il s'agit de la rivière Saône.
Que veut dire exactement ce terme de "sur la rivière" : marchand installé sur un pont, sur un bateau, sur un quai ?
Merci d'avance pour vos éclaircissements .
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 15/11/2007 à 11h00
Bonjour,
On trouve en effet de nombreuses références à ces « marchands sur la rivière », mais toujours comme une mention biographique posthume pour préciser le métier d’une personne (par exemple, dans une liste de condamnés publié dans l’ouvrage Histoire politique et militaire du peuple de Lyon pendant la Révolution de Alphonse Balleydier, est cité « Pierre Plasson, marchand sur la rivière, à Commune-Affranchie, 21 ans »). En revanche dans tous les ouvrages consultés sur la Saône, ou les dictionnaires des anciens métiers disparus, le terme précis de « marchands sur la rivière » n’est jamais employé.
On peut constater avant tout qu’on a trouvé des mentions à cette profession dans des notices biographiques concernant des personnes ayant vécu du XVIIe au XIXe siècle.
D’autre part le Dictionnaire du Rhône médiéval (Jacques Rossiaud) nous en donne la définition suivante (à l’article « marchand ») :
« Les nombreux titres composés à partir de marchand donnent une assez bonne idée de la soif de distinction sociale mais aussi de la stagflation lexicale affectant les citadins en temps d’expansion. Je retiens marchands-batelier, […], marchand-baptelier suivant la rivière de Saosne, marchand sur la rivière du Rhosne, […]. L’adjonction de marchand à la qualification procure d’évidence un surcroît d’honorabilité. […] La première occurrence de marchand de rivière se trouve à ma connaissance dans un acte notarié avignonnais de 1483 ; Pierre Duret y est dit ribayrier et marchand de rivière. »
Nous en sommes réduit à ce point à de simples spéculations, qui ne peuvent guère aller plus loin que celles que vous avancez vous-même dans votre question. Il pouvait s’agir, probablement, de marchands qui, venant de communes bordant la Saône, vendait leur produit directement sur les nombreux quais de Saône en activité avant le XXe s. Mais il est curieux, ainsi que vous le faites remarquer qu’on ne trouve pas alors davantage de mentions biographiques faisant référence à des « marchands sur la rivière de Rhône », dont le potentiel comme voie commerciale fluviale était plus importante que celui de la Saône.
Par exemple, dans le Progrès Illustré daté du 13 septembre 1891, voilà ce qu’on peut lire à propos de tels marchands :
« Trés curieux et surtout très « local » ce marché en plein vent et en plein brouillard, qui se fait aux environs du pont Saint-Clair. Chaque année de nombreux bateaux remplis de pommes arrivent de la Savoie et viennent s'amarrer le long des quais. C’est là que de nombreux revendeurs qui sillonnent la ville, la réveillant par leurs cris viennent s’approvisionner chaque matin et emplissent leurs carrioles du fruit jadis défendu, - le seul qui ne le soit pas de la table du pauvre, - aussi vont-ils le répandre dans les quartiers populeux.
Mais les revendeurs ne sont pas les seuls clients qu'on rencontre sur ce marché; les bonnes, les pauvres diables en quête d'un déjeuner sommaire, des enfants même y viennent acheter un dessert peu coûteux. La petite dame, accompagnée de sa camériste, y vient aussi et c'est elle qui sait les croquer... les pommes ! »
Les fleuves de Lyon étaient à l’époque encombrée de toute une flottille de bateaux qui rendait périlleuse la circulation : on y trouvait des moulins flottants, les petits esquifs des batelières qui venaient faire leur lessive dans l’eau du fleuve, les convois de mariniers transportant des marchandises, des barques de promenades ; on y organisait des joutes et des frégates…
Il existait sur la Saône, jusqu’en 1845, un pont dont une des arcades à son extrémité portait un édifice à l’instar du Ponte Vecchio florentin : « L'ancien pont de pierre fut bâti au commencement du onzième siècle par l'archevêque Humbert.
Tous les vieux Lyonnais se rappellent les vieilles arches ogivales de ce vétéran des ponts de Lyon, surtout de l'arche dite des Merveilles, située du côté de Saint-Nizier.
Ils n'ont pas oublié les pittoresques maisons suspendues en abîme sur ses arcades, non plus que l'admirable trompe de l'une d'elles, construite par l'architecte lyonnais Gérard Désargues.[…]
Le CAFÉ NEPTUNE, où se réunissaient des intrépides nageurs de la ville, dont l'illustre Marmet était le grand instructeur, occupait le rez-de-chaussée en pierre de ces maisons. De là on avait une vue charmante sur le cours de la Saône formant en cet endroit un bassin où jouteurs, nageurs et canotiers prenaient leurs ébats, auxquels se mêlaient les cris des modères.
Ce doyen de nos ponts a été démoli vers 1845 et remplacé par le pont à arcs surbaissés, le pont actuel, dit autrefois de Nemours, et appelé aujourd'hui pont du Change. Sous l'Empire on a dégagé les abords de ce pont et fait sauter les roches qui entouraient ses piles et étaient non seulement une entrave mais un danger pour la navigation. La fameuse Mort-qui-trompe n'existe plus; le gouffre a été comblé et le courant de la rivière est actuellement coupé un immense bâtardeau. » (in Progrès Illustré daté du 1er février 1891)
Se peut-il que les commerçants qui tenaient boutique sur le pont fussent qualifiés de « marchands sur la rivière de Saône » ? Honnêtement, cette hypothèse parait peu probable.
Ouvrages consultés :
On trouve en effet de nombreuses références à ces « marchands sur la rivière », mais toujours comme une mention biographique posthume pour préciser le métier d’une personne (par exemple, dans une liste de condamnés publié dans l’ouvrage Histoire politique et militaire du peuple de Lyon pendant la Révolution de Alphonse Balleydier, est cité « Pierre Plasson, marchand sur la rivière, à Commune-Affranchie, 21 ans »). En revanche dans tous les ouvrages consultés sur la Saône, ou les dictionnaires des anciens métiers disparus, le terme précis de « marchands sur la rivière » n’est jamais employé.
On peut constater avant tout qu’on a trouvé des mentions à cette profession dans des notices biographiques concernant des personnes ayant vécu du XVIIe au XIXe siècle.
D’autre part le Dictionnaire du Rhône médiéval (Jacques Rossiaud) nous en donne la définition suivante (à l’article « marchand ») :
« Les nombreux titres composés à partir de marchand donnent une assez bonne idée de la soif de distinction sociale mais aussi de la stagflation lexicale affectant les citadins en temps d’expansion. Je retiens marchands-batelier, […], marchand-baptelier suivant la rivière de Saosne, marchand sur la rivière du Rhosne, […]. L’adjonction de marchand à la qualification procure d’évidence un surcroît d’honorabilité. […] La première occurrence de marchand de rivière se trouve à ma connaissance dans un acte notarié avignonnais de 1483 ; Pierre Duret y est dit ribayrier et marchand de rivière. »
Nous en sommes réduit à ce point à de simples spéculations, qui ne peuvent guère aller plus loin que celles que vous avancez vous-même dans votre question. Il pouvait s’agir, probablement, de marchands qui, venant de communes bordant la Saône, vendait leur produit directement sur les nombreux quais de Saône en activité avant le XXe s. Mais il est curieux, ainsi que vous le faites remarquer qu’on ne trouve pas alors davantage de mentions biographiques faisant référence à des « marchands sur la rivière de Rhône », dont le potentiel comme voie commerciale fluviale était plus importante que celui de la Saône.
Par exemple, dans le Progrès Illustré daté du 13 septembre 1891, voilà ce qu’on peut lire à propos de tels marchands :
« Trés curieux et surtout très « local » ce marché en plein vent et en plein brouillard, qui se fait aux environs du pont Saint-Clair. Chaque année de nombreux bateaux remplis de pommes arrivent de la Savoie et viennent s'amarrer le long des quais. C’est là que de nombreux revendeurs qui sillonnent la ville, la réveillant par leurs cris viennent s’approvisionner chaque matin et emplissent leurs carrioles du fruit jadis défendu, - le seul qui ne le soit pas de la table du pauvre, - aussi vont-ils le répandre dans les quartiers populeux.
Mais les revendeurs ne sont pas les seuls clients qu'on rencontre sur ce marché; les bonnes, les pauvres diables en quête d'un déjeuner sommaire, des enfants même y viennent acheter un dessert peu coûteux. La petite dame, accompagnée de sa camériste, y vient aussi et c'est elle qui sait les croquer... les pommes ! »
Les fleuves de Lyon étaient à l’époque encombrée de toute une flottille de bateaux qui rendait périlleuse la circulation : on y trouvait des moulins flottants, les petits esquifs des batelières qui venaient faire leur lessive dans l’eau du fleuve, les convois de mariniers transportant des marchandises, des barques de promenades ; on y organisait des joutes et des frégates…
Il existait sur la Saône, jusqu’en 1845, un pont dont une des arcades à son extrémité portait un édifice à l’instar du Ponte Vecchio florentin : « L'ancien pont de pierre fut bâti au commencement du onzième siècle par l'archevêque Humbert.
Tous les vieux Lyonnais se rappellent les vieilles arches ogivales de ce vétéran des ponts de Lyon, surtout de l'arche dite des Merveilles, située du côté de Saint-Nizier.
Ils n'ont pas oublié les pittoresques maisons suspendues en abîme sur ses arcades, non plus que l'admirable trompe de l'une d'elles, construite par l'architecte lyonnais Gérard Désargues.[…]
Le CAFÉ NEPTUNE, où se réunissaient des intrépides nageurs de la ville, dont l'illustre Marmet était le grand instructeur, occupait le rez-de-chaussée en pierre de ces maisons. De là on avait une vue charmante sur le cours de la Saône formant en cet endroit un bassin où jouteurs, nageurs et canotiers prenaient leurs ébats, auxquels se mêlaient les cris des modères.
Ce doyen de nos ponts a été démoli vers 1845 et remplacé par le pont à arcs surbaissés, le pont actuel, dit autrefois de Nemours, et appelé aujourd'hui pont du Change. Sous l'Empire on a dégagé les abords de ce pont et fait sauter les roches qui entouraient ses piles et étaient non seulement une entrave mais un danger pour la navigation. La fameuse Mort-qui-trompe n'existe plus; le gouffre a été comblé et le courant de la rivière est actuellement coupé un immense bâtardeau. » (in Progrès Illustré daté du 1er février 1891)
Se peut-il que les commerçants qui tenaient boutique sur le pont fussent qualifiés de « marchands sur la rivière de Saône » ? Honnêtement, cette hypothèse parait peu probable.
Ouvrages consultés :
- La Saône : frontière et trait d'union : son histoire, ses riverains, son cours (Laurent Michel)
- La Saône, une rivière, des hommes (Louis Bonnamour)
- La Navigation sur la Saône dans le passé: Grandeurs et servitudes des mariniers (Jeanne Courtot-Guichard)
- De la Saône considérée sous le rapport géographique, statistique et commercial in Revue du Lyonnais 1850 n°1 p257, et 1851 n°2 p.441
- Artisans et métiers d'autrefois (Jean Escalon)
- Tour de France des métiers d'autrefois et de toujours (Claude Bailhé)
- La vie des fleuves in La vie lyonnaise : autrefois, aujourd'hui (Emmanuel Vingtrinier) (pp.343)
- La vie lyonnaise (Louis Gamichon)
- Le marché au pomme de Saint-Clair in Progrès Illustré n°52
- Le Lyon de nos pères (Emmanuel Vingtrinier), pp.207
- Lyon photographiée de 1840 à 1912
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