Question d'origine :
Bonjour,
L'histoire du bourreau de Lyon qui aurait été une femme dans les années 1750 a-t-elle quelques fondement dans la réalité ou est-ce une pure invention ?
Merci.
Praline
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/01/2008 à 10h29
Même si l’histoire de ce bourreau femme romancée par Nicole Avril dans Monsieur de Lyon paraît tout à fait rocambolesque, il s’agit bien à la base d’une histoire vraie. Elle est relatée par Jacques Delarue dans son histoire des bourreaux en France, Le métier de bourreau du Moyen-Age à aujourd’hui, p. 71 à 73. Vous pouvez lire en ligne un récit à peu près équivalent sur le site du Journal de la vieille France :
Une femme bourreau en France :
« C'est une histoire étonnante que celle de cette femme qui, pour vivre, eut l'idée d'exercer le métier de bourreau et, pour cela, se fit passer pour un homme. Au XVIIIème siècle, les histoires de travestis faisaient fureur, mais le contexte libertin ou érotique est réellement absent de ce récit authentique. ».
Jean Delarue site par ailleurs une source que vous pouvez consulter :
Une jeune aventurière cancalaise au XVIIIe siècle, de René Richelot, que vous trouverez décrit en ligne sur la page : Une cancalaise exécuteur du roy.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 10/01/2008 à 15h21
Vous pourriez consulter également l’article de Michel Chomarat publié dans le Bulletin municipal officiel de Lyon du 14 juillet 2002 intitulé : Quand le bourreau de Lyon était une femme
Deux versions différentes de cette histoire sont proposées
« La première est contenue dans un recueil manuscrit, rédigé entre 1739 et 1770 par le père Jean-Baptiste Richard de Lyon, religieux du Tiers-Ordre Saint-François de la province de Saint-Louis Roy, dite de Lyon, In-4° en 7 volumes et intitulé : Mémoires historiques sur différents sujets tirés de l’histoire ecclésiastique et de l’histoire profane » : (Version identique donc à celle qui est proposé en ligne : Une cancalaise exécuteur du roy)
En voici quelques extraits :
« Une jeune fille nommée Marguerite-Julienne Lepetou née à Cancale en 1721…., et dont le père était capitaine d’un vaisseau marchand, qui avait des possessions en Amérique, ayant été maltraitée par sa belle-mère, sortit de la maison paternelle, et pour déguiser son sexe, elle prit les habits de son frère…………….elle s’engagea dans les troupes de France et y servit. Elle en déserta et alla servir dans les troupes de Marie-Thérèse d’Autriche, impératrice reine de Hongrie et de Bohème ; d’où ayant encore déserté avec 12 français qui voulaient retourner en France, allèrent à Strasbourg, sur la parole du gouverneur. Les 12 français furent incorporés dans des régiments mais elle, étant d’une petite taille, on lui permit de se retirer dans son pays………….Il passa auprès d’elle une espèce de monsieur, bien habillé, qui lui demanda si elle voulait le servir. Elle y consentit. Il la conduisit chez lui sans qu’elle sût ce qu’il était ; mais après 15 jours de résidence, elle s’aperçut qu’il était l’exécuteur de Strasbourg.
Cette connaissance ne l’obligea point à chercher un autre maître, elle prit gout pour le noble emploi de celui-ci…………..Comme elle était fort habile dans l’art d’expédier les gens dans l’autre monde, elle voulut être maître. Elle sut qu’à Lyon, il n’y avait point d’exécuteur ; elle partit de Montpellier pour s’y rendre…..Etant arrivée à Lyon, elle fut acceptée pour exécuteur sous le nom d’Henri et conduite avec les cérémonies, c’est-à-dire avec 2 cavaliers de la maréchaussée de Lyon au faubourg de la Guillotière, dans la maison sise auprès de l’église de la Madeleine, destinée pour ceux qui sont élevés au dit emploi. Le dit faubourg peut se glorifier d’avoir eu un avantage des plus singuliers, ayant été le premier de tous les pays du monde qui ait eu, dans son enceinte, une fille pour exécuteur sous un sexe déguisé…
Mais voyons à présent le dénouement de cette histoire. Le sexe de cet exécuteur femelle fut reconnu vers la fin du mois de janvier 1749, par sa servante qui en le (sic) couchant, reconnut son sexe et en fit le rapport à Monsieur Richard, procureur d’office au faubourg de la Guillotière, qui en donna avis à Monsieur de Quinsson, procureur du Roi, qui la fit conduire aux prisons de la ville de Lyon, après avoir été visitée, et où elle demeura 3 mois sous le nom d’Henriette, à la fin desquels elle s’y maria avec un laquais de Monsieur de Rochebaron, commandant pour le Roi dans ladite ville de Lyon, ce laquais était né dans la Principauté de Dombes au village de Misérieux. Ce fut monsieur de la Forest, custode de la paroisse de Sainte-Croix qui les maria dans la prison dite de Roanne après avoir fait toutes les informations requises à ce sujet. Elle avait exercé à Lyon pendant 27 mois l’office d’exécuteur, sous l’habit d’homme et le nom d’Henri, y ayant pendu, rompu, fouetté et marqué plusieurs criminels. Elle exécutait avec plaisir les personnes de son sexe mais avec beaucoup de peine celles qui ne l’étaient pas. Après son mariage, elle sortit des prisons sous le nom d’Henriette et elle partit pour son pays avec son mari. Un sujet du roi d’Espagne, né en Catalogne, fut mis en place et prit possession de ce tragique emploi le 6 février 1749….
Le détail de cette histoire a été tiré de l’aveu de la même Henriette qui en a fait le rapport à l’auteur des présents mémoires lorsqu’elle était dans les prisons de Lyon. On peut voir sur les registres de la paroisse de Sainte-Croix, les noms de familles des dits mariés. Cette aventure est d’autant plus singulière qu’elle paraît unique en son espèce ! »
La seconde relation (datée de Montpellier, le 22 mai 1751) a été publiée à la Haye dans le n° du 31 mai 1751 du journal « La Bigarure ou Gazette galante, historique, littéraire, critique, morale, satirique, sérieuse et badine" , pages 56 à 60 du n°7 édité à la Haye par Pierre Gosse. Lyon BM : Chomarat A 7945
Quelques extraits également :
« La fille d’un cordonnier de Langres, en Bourgogne, ayant eu le malheur de se laisser séduire par une de ces infâmes qui font commerce de l’honneur des filles, eut tant de honte de reparaître dans sa famille qu’elle avait déshonorée, qu’elle résolut de ne jamais revoir ses parents mais d’aller au contraire cacher son infamie dans quelque ville éloignée où jamais on n’entendrait parler d’elle. A cette honte, se joignit une horreur étrange et presque inconcevable, non seulement pour les malheureuses qui exerçaient la même profession que celle qui l’avait perdue, mai encore pour les hommes qu’elle détestait tous…..Pour exécuter son projet et pour satisfaire sa vengeance , elle se travestit en homme et vint à Lyon où, ayant appris que l’emploi de bourreau était vacant, elle le sollicita et l’obtint.
………S’étant aperçue qu’elle était enceinte, elle voulut essayer de réparer cette infamie. Elle proposa pour cet effet à son Maître-valet de l’épouser : ce qu’elle ne put faire qu’en lui déclarant son sexe et une partie de ses aventures….l’espérance d’avoir sa place lui fit trahir son serment. Il déclara donc aux magistrats tout ce que cette fille extraordinaire lui avait avoué, et en conséquence, l’emploi de bourreau lui fut ôté et donné à son dénonciateur…
Elle quitta la ville et vint ici, (à Montpellier) toujours dans le même déguisement, et résolue d’exercer encore la même profession qu’elle avait faite à Lyon.
…….le bruit de ce qui venait de lui arriver à Lyon étant passé, et ayant éclaté ici où quelques personnes l’ont reconnue, l’exécuteur n’ayant plus voulu la garder lorsqu’il a su qui elle était, l’a payée et renvoyée. On assure que depuis elle a pris la route de l’Espagne où elle est allée exercer ses talents, et satisfaire son animosité contre tous les malfaiteurs de l’un et l’autre sexe qui pourront tomber entre ses mains ; animosité qui, à ce qu’on lui a entendu dire ne finira qu’avec sa vie. »
L’auteur de l’article (M. Chomarat) conclut : " il semble que la version du père Richard soit la plus crédible car elle est confirmée par les nombreuses pièces justificatives apportées par René Richelot dans son étude de 1934 : « Une jeune aventurière cancalaise au XVIIIème siècle d’après un contemporain » , In-8°, 12 pages, alors que celle contenue dans « La Bigarure » est sans doute de seconde main."
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