Question d'origine :
Cher guichet du savoir,
Au debut du XX les femmes portaient des robes serrées sous les seins et libres au delà (enfin si j'en crois les telefilms BBC basés sur les livres de Jane Austen , dans britgh star aussi il me semble) : cette tenue avait l'air confortable. Je me demande donc comment peu de temps après le corset a pu s'imposer? Qui a convaincu les femmes de se serrer le kiki? A quel moment précis s'est fait ce tournant? En combien de temps?
Merci de ta réponse
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 12/12/2012 à 15h33
Bonjour,
Lors de la rédaction de votre question sur la mode, il semble que vous ayez oublié un caractère en notant le siècle qui vous intéresse (XIX et non XX).
En effet, c’est bien sous Napoléon que la «robe empire » s’impose, dans un mouvement général de retour à l’Antiquité dont les prémices sont déjà sensibles sous le Directoire et qui s’intensifiera avec la campagne d’Egypte ( « Cette mode féminine à l’antique s’accorde parfaitement avec la très grande liberté des mœurs : elle laisse voir le plus possible les formes du corps, ne gêne pas le mouvement et facilite ainsi les joies de la danse (…). Dans ces adaptations continuelles à tant de variations sociales, le monde du Premier Empire – c’est-à-dire celui qu’a ranimé le Consulat – ne fait que prolonger la dernière période d’une mode née avant même 1789, mode qui, durant presque un tiers de siècle, s’inspirera d’un seul style, celui de l’antique. De 1789 à 1815, il n’y a pas eu en France de véritable « révolution du costume ». Histoire du costume en Occident des origines à nos jours de François Boucher (p.313-314).
L’évolution de cette robe empire vers une forme de plus en plus resserrée à la taille se fait progressivement au cours du XIXe siècle.
En Angleterre, le retour du corset en 1810, et l’évolution vers une taille plus basse et plus marquée, et une jupe plus courte et garnie de volants, se situe dansun mouvement de retour au Moyen Age et à la Renaissance impulsé par la littérature romantique et la bourgeoisie naissante. L’ « anglomanie » gagnera progressivement la France.
C’est sous la Restauration (1814-1830) que la mode féminine évoluera vers une silhouette plus marquée à la taille. « Le corset réapparaît avec des alternances de vogue et d’abandon. Il faut d’ailleurs noter que ce corset n’a pour rôle que d’affiner les formes naturelles du corps et non plus d’imposer au buste une attitude artificielle, comme au siècle précédent. A mesure que la taille reprend sa place, il redevient indispensable : on en fait de souples à la paresseuse, pour négligé du matin ; mais à l’exposition de 1823 on en présente aussi de métalliques à poulies permettant le laçage et le délaçage sans l’aide d’une autre personne… Quant à l’ampleur de la jupe, elle paraît bien résulter du renouveau de l’industrie textile française dont l’essor est complet à partir de 1830 ; elle se développera jusqu’en 1868 » (ibid., p. 336).
« De 1825 à 1828 la taille retrouve sa place naturelle. (…). De 1828 à 1834, la taille, emprisonnée dans un long corset cintré dont les goussets supérieurs forment soutien-gorge, semble s’étrangler encore plus entre d’énormes manches (…) ».Le Costume : Restauration, Louis-Philippe, Second Empire, Belle Epoque de Madeleine Delpierre.
Sur le corset, vous lirez encore, dans Les mots du costume : « Le corset (mot dérivé de corps) est la partie du sous-vêtement qui se portait jadis au niveau de la taille et des hanches pour maintenir le corps et accentuer la finesse de la taille, à une époque où les rondeurs des hanches n’étaient pas jugées comme « superflues ». Les corsets datent de l’Antiquité et ils n’ont pas cessé pendant tous les siècles qui ont suivi d’être portés par la quasi-totalité des femmes ; c’était pour elles une véritable torture mais elles l’acceptaient en vertu de l’adage qui dit qu’il faut souffrir pour être belle… Bardés de baleines, qui étaient de véritables fanons de la baleine, ou de lames d’acier appelées buscs, les corsets étaient lacés dans le dos et les coquettes demandaient à leurs soubrettes (…) de les lacer bien serrés pour mieux affiner leur taille. (…) Cependant, les femmes se sont, à diverses périodes, rebellées contre le corset et c’est ainsi que certaines adoptèrent, au début du XIXe siècle, un corset plus léger et peu baleiné qu’on appela corset à la Ninon.» (p.206)
Le corset d' Hubert Barrère et Charles-Arthur Boyer : « Avec les premières années du XIXe siècle, le corset fait son grand retour. Le même corset qu’auparavent ? Pas vraiment ! (…) Les corsetiers se font ainsi appeler chirurgiens-bandagistes. A l’exposition de 1823, Josselin, un ancien passementier, présente un corset mécanique utilisant des micropoulies pour que l’on puisse le lacer et le délacer seule – on le stigmatisera sous le vocable de « corset à la paresseuse ». Et en 1828, on invente l’œillet riveté (et non plus brodé) et tout un appareillage mécanique, comme le crochet, l’agrafe ou le bouton, qui rend sa fermeture plus commode, mais pas moins efficace. En 1840, Charles Goodyear met au point le principe de la vulcanisation, traitement au soufre qui permet d’améliorer l’élasticité du caoutchouc, et donc un usage plus répandu de fibre ou de tissu élastique. Entre 1828 et 1848 seront ainsi déposés plus de soixante-quatre brevets en ce qui concerne le corset uniquement. En 1832, Jean Werly, d’origine suisse, installe à Bar-le-Duc la première fabrique de corsets tissés sans coutures. Ils sortent ainsi de l’usine prêts à l’emploi. »
Nous vous recommandons également la lecture du chapitre intitulé «Corps et cœurs », rédigé par Yvonne Kniebiehler dans Histoire des femmes en Occident.04. Le XIXe siècle publié sous la dir. de Georges Duby et Michelle Perrot : « Toute ressemblance avec l’homme devient inquiétante anomalie. C’est ce qui explique le succès durable du corset qui ressuscite vers 1810. Moins haut, moins rigide que l’ancien corps à baleines, il a désormais une mission esthétique : affiner la taille, faire saillir la croupe et la poitrine. Le corset permet en outre à la femme « comme il faut » de maîtriser constamment ses formes et ses poses ; il sert de tuteur à sa dignité, physique et morale. Sa permanence n’empêche pas l’évolution des formes. » p. 352-353
Pour compléter cette étude, l’article Le corps féminin fantasmé : de la naissance du mannequin en 1858 à l’abolition du corset en 1906 par Morgan Jan, vous apportera quelques « éléments de réalité » supplémentaires : « De plus, les représentations du corps féminin, dans les gravures publiées et les publicités – pour les régimes et les corsets notamment –, mettent en scène des corps aux proportions inhumaines. Les tailles des jeunes femmes sont à peine plus épaisses que leurs cous. »
« Le corset est également l’objet de fantasmes historiques. L’historiographie, relativement dense autour de ce vêtement, montre à quel point il a pu être un objet de controverses autour duquel toute une légende s’est tissée (cf V. Steele, The Corset. A cultural history, Londres,...). Jamais il n’a été prouvé, en effet, qu’il était le responsable de la mort de nombreuses femmes, dont le foie ou les poumons notamment étaient transpercés par leurs côtes en raison de la forte constriction. Il s’agirait d’un fantasme historique. Les tours de taille de 40 centimètres étaient en réalité très rares, comme en témoigne l’étude des vêtements conservés par le musée de la Mode et du Textile des Arts Décoratifs. L’étude de leur collection montre que le tour de taille moyen pour la période 1860-1900 est de 65 centimètres. La publication de photographies, rarissime toutefois, de femmes « réelles » montre également le décalage entre le corps-mode et le corps réel. »
En définitive, le corset, pièce ancestrale du vêtement féminin n’apparaît pas au XIXe siècle pour mettre un terme à une certaine liberté du corps des femmes, mais c’est plutôt que la période post-révolutionnaire et l’Empire, auront constitué, en ce qui concerne l’habillement des femmes, une « respiration ».
Lors de la rédaction de votre question sur la mode, il semble que vous ayez oublié un caractère en notant le siècle qui vous intéresse (XIX et non XX).
En effet, c’est bien sous Napoléon que la «
L’évolution de cette robe empire vers une forme de plus en plus resserrée à la taille se fait progressivement au cours du XIXe siècle.
En Angleterre, le retour du corset en 1810, et l’évolution vers une taille plus basse et plus marquée, et une jupe plus courte et garnie de volants, se situe dans
C’est sous la Restauration (1814-1830) que la mode féminine évoluera vers une silhouette plus marquée à la taille. « Le corset réapparaît avec des alternances de vogue et d’abandon. Il faut d’ailleurs noter que ce corset n’a pour rôle que d’affiner les formes naturelles du corps et non plus d’imposer au buste une attitude artificielle, comme au siècle précédent. A mesure que la taille reprend sa place, il redevient indispensable : on en fait de souples à la paresseuse, pour négligé du matin ; mais à l’exposition de 1823 on en présente aussi de métalliques à poulies permettant le laçage et le délaçage sans l’aide d’une autre personne… Quant à l’ampleur de la jupe, elle paraît bien résulter du renouveau de l’industrie textile française dont l’essor est complet à partir de 1830 ; elle se développera jusqu’en 1868 » (ibid., p. 336).
« De 1825 à 1828 la taille retrouve sa place naturelle. (…). De 1828 à 1834, la taille, emprisonnée dans un long corset cintré dont les goussets supérieurs forment soutien-gorge, semble s’étrangler encore plus entre d’énormes manches (…) ».
Sur le corset, vous lirez encore, dans
Nous vous recommandons également la lecture du chapitre intitulé «
Pour compléter cette étude, l’article Le corps féminin fantasmé : de la naissance du mannequin en 1858 à l’abolition du corset en 1906 par Morgan Jan, vous apportera quelques « éléments de réalité » supplémentaires : « De plus, les représentations du corps féminin, dans les gravures publiées et les publicités – pour les régimes et les corsets notamment –, mettent en scène des corps aux proportions inhumaines. Les tailles des jeunes femmes sont à peine plus épaisses que leurs cous. »
« Le corset est également l’objet de fantasmes historiques. L’historiographie, relativement dense autour de ce vêtement, montre à quel point il a pu être un objet de controverses autour duquel toute une légende s’est tissée (cf V. Steele, The Corset. A cultural history, Londres,...). Jamais il n’a été prouvé, en effet, qu’il était le responsable de la mort de nombreuses femmes, dont le foie ou les poumons notamment étaient transpercés par leurs côtes en raison de la forte constriction. Il s’agirait d’un fantasme historique. Les tours de taille de 40 centimètres étaient en réalité très rares, comme en témoigne l’étude des vêtements conservés par le musée de la Mode et du Textile des Arts Décoratifs. L’étude de leur collection montre que le tour de taille moyen pour la période 1860-1900 est de 65 centimètres. La publication de photographies, rarissime toutefois, de femmes « réelles » montre également le décalage entre le corps-mode et le corps réel. »
En définitive, le corset, pièce ancestrale du vêtement féminin n’apparaît pas au XIXe siècle pour mettre un terme à une certaine liberté du corps des femmes, mais c’est plutôt que la période post-révolutionnaire et l’Empire, auront constitué, en ce qui concerne l’habillement des femmes, une « respiration ».
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Je souhaite connaître le montant du SMIC hôtelier (nourri,...
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter