Question d'origine :
Bonsoir,
Dans le célèbre poëme de Victor HUGO : CE SIÈCLE AVAIT DEUX ANS , pouvez-vous m'expliquer ce vers :
ROME REMPLAÇAIT SPARTE ?
Merci d'avance.
POMPOM
Réponse du Guichet
gds_db
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 23/03/2013 à 10h06
Bonjour,
Comme l'explique très bien Maxime Rosso dans l'article intitulé "Les réminiscences spartiates dans les discours et la politique de Robespierre de 1789 à Thermidor", Sparte et les idées de Lycurgue ont joué un rôle majeur dans la vie politique et culturelle de la France jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Les révolutionnaires et parmi eux Robespierre se sont inspirés du modèle spartiate mais la réaction thermidorienne et le développement de la pensée libérale ont enterré les lois de Lycurgue.
A l'avènement de Napoléon, c'est désormais Rome qui est à l'honneur. Victor Hugo nait en 1802 dans une époque de transition à l'image de l'Antiquité. Dans ce vers, Hugo établit tout simplement un parrallèle entre l'Antiquité et le début du XIXe siècle.
Pour mieux comprendre ce contexte, nous vous renvoyons à cet article de Christine Dousset-Seiden intitulé "La Nation française et l’Antiquité à l’époque napoléonienne" (Anabases, 1 | 2005, 59-74) dont voici un extrait :
Et pourtant « Rome remplaçait Sparte ». Le vers célèbre de Victor Hugo à propos de 1802, l’année du Consulat à vie, souligne cependant la persistance de la référence antique sur la scène politique française durant le Consulat, et le déplacement de son centre de gravité de l’Antiquité grecque vers la romanité. Plus que jamais, semble-t-il, Rome est à l’honneur.
A. Une nouvelle Rome
Le prestige culturel de l’Antiquité reste intact pour cette génération de l’élite politique et administrative qui a traversé la Révolution. Ces hommes n’ont-ils pas été façonnés par leur éducation dans les collèges de l’Ancien Régime ? N’ont-ils pas appris le latin cicéronien, lu Plutarque dans leur jeunesse, rêvé à ses héros ? Leur environnement culturel est dans les toutes premières années du XIXe siècle plus marqué que jamais par le goût néo-classique. Les prix littéraires décernés par l’Institut, la rédaction d’épopées montrent que l’Antiquité fournit toujours des modèles indispensables à certains genres littéraires. La peinture, dominée par la figure de David, la sculpture, mais aussi les décors d’intérieur, le mobilier, la mode, tout porte le signe du goût pour l’antique, qu’il soit romain, étrusque, égyptien.C’est pourtant bien Rome qui domine de manière plus évidente encore que pendant la période révolutionnaire. La réaction thermidorienne qui a assimilé, de façon abusive, l’admiration pour Sparte au jacobinisme, a contribué à déconsidérer ce pan de l’Antiquité. De plus, avec l’installation de Bonaparte sur la plus haute marche du pouvoir, les parallèles avec Rome se font systématiques . Le nouveau régime choisit une terminologie antiquisante et romanisante pour désigner une partie de ses institutions, des consuls au Sénat en passant par les préfets… La personnalisation du pouvoir autour du Premier Consul, général victorieux à la recherche de la paix, conduit davantage encore à associer sa figure à l’Antiquité romaine. Dès les premiers mois de son accession au pouvoir, un anonyme, en l’occurrence son frère, publie un Parallèle entre César, Cromwell, Monk et Bonaparte, tout à la gloire de ce dernier, rapproché de César. La statuaire consacrée au Consul, puis à l’Empereur, se plaît à le représenter en buste sous les traits magnifiés d’un empereur romain. L’œuvre consulaire puis impériale évoque l’empire romain : primauté du pouvoir civil sur le pouvoir militaire, codification des lois, rôle des routes… Mais l’analogie avec Rome ne se limite pas au chef et à son action politique ; c’est toute la Nation qui y participe.
À partir du Directoire, la Grande Nation poursuit une expansion conquérante au détriment des pays voisins, dont les campagnes d’Italie, débutant en 1796 sous la conduite du jeune général Bonaparte, fondent la légende. [...]
Comme les orateurs révolutionnaires avant lui, Bonaparte-Napoléon recourt donc abondamment à l’Antiquité, référence culturelle et modèle politique, et emploie consciemment dans sa propagande l’analogie entre hier et aujourd’hui, allant même jusqu’à affirmer la supériorité des Français sur les Romains. Mais dans un contexte politique nouveau, où le pouvoir est confisqué par un seul homme, l’Antiquité ne peut être utilisée de la même façon que sous la Révolution. Elle ne sert plus à fournir un modèle de citoyenneté mettant en scène des républicains vertueux. Deux registres sont désormais privilégiés. L’un exalte les actions et l’œuvre civile et militaire du chef, à travers lequel se reconnaît la Nation. L’autre glorifie la Nation elle-même, mais la nation armée et conquérante face aux autres peuples.
Comme l'explique très bien Maxime Rosso dans l'article intitulé "Les réminiscences spartiates dans les discours et la politique de Robespierre de 1789 à Thermidor", Sparte et les idées de Lycurgue ont joué un rôle majeur dans la vie politique et culturelle de la France jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Les révolutionnaires et parmi eux Robespierre se sont inspirés du modèle spartiate mais la réaction thermidorienne et le développement de la pensée libérale ont enterré les lois de Lycurgue.
A l'avènement de Napoléon, c'est désormais Rome qui est à l'honneur. Victor Hugo nait en 1802 dans une époque de transition à l'image de l'Antiquité. Dans ce vers, Hugo établit tout simplement un parrallèle entre l'Antiquité et le début du XIXe siècle.
Pour mieux comprendre ce contexte, nous vous renvoyons à cet article de Christine Dousset-Seiden intitulé "La Nation française et l’Antiquité à l’époque napoléonienne" (Anabases, 1 | 2005, 59-74) dont voici un extrait :
Et pourtant « Rome remplaçait Sparte ». Le vers célèbre de Victor Hugo à propos de 1802, l’année du Consulat à vie, souligne cependant la persistance de la référence antique sur la scène politique française durant le Consulat, et le déplacement de son centre de gravité de l’Antiquité grecque vers la romanité. Plus que jamais, semble-t-il, Rome est à l’honneur.
A. Une nouvelle Rome
Le prestige culturel de l’Antiquité reste intact pour cette génération de l’élite politique et administrative qui a traversé la Révolution. Ces hommes n’ont-ils pas été façonnés par leur éducation dans les collèges de l’Ancien Régime ? N’ont-ils pas appris le latin cicéronien, lu Plutarque dans leur jeunesse, rêvé à ses héros ? Leur environnement culturel est dans les toutes premières années du XIXe siècle plus marqué que jamais par le goût néo-classique. Les prix littéraires décernés par l’Institut, la rédaction d’épopées montrent que l’Antiquité fournit toujours des modèles indispensables à certains genres littéraires. La peinture, dominée par la figure de David, la sculpture, mais aussi les décors d’intérieur, le mobilier, la mode, tout porte le signe du goût pour l’antique, qu’il soit romain, étrusque, égyptien.
À partir du Directoire, la Grande Nation poursuit une expansion conquérante au détriment des pays voisins, dont les campagnes d’Italie, débutant en 1796 sous la conduite du jeune général Bonaparte, fondent la légende. [...]
Comme les orateurs révolutionnaires avant lui, Bonaparte-Napoléon recourt donc abondamment à l’Antiquité, référence culturelle et modèle politique, et emploie consciemment dans sa propagande l’analogie entre hier et aujourd’hui, allant même jusqu’à affirmer la supériorité des Français sur les Romains. Mais dans un contexte politique nouveau, où le pouvoir est confisqué par un seul homme, l’Antiquité ne peut être utilisée de la même façon que sous la Révolution. Elle ne sert plus à fournir un modèle de citoyenneté mettant en scène des républicains vertueux. Deux registres sont désormais privilégiés. L’un exalte les actions et l’œuvre civile et militaire du chef, à travers lequel se reconnaît la Nation. L’autre glorifie la Nation elle-même, mais la nation armée et conquérante face aux autres peuples.
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