Les Palais Crétois : palais résidentiels ou palais des morts
CIVILISATION
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Le 13/05/2012 à 14h34
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Question d'origine :
Bonjour, à l'occasion d'un travail sur Hélène de Troie et la société mycénienne, je viens de relire le livre de H.G.Wunderlich : Minos et la Crète. parut en 1981 dans la collection "Les premiers matins du monde" chez France Empire".
L'auteur y expose une thèse selon laquelle les "Palais crétois" n'auraient pas été des lieux d'habitation mais bien des Palais des morts où se trouvaient jadis des dépouilles de rois, de princes et de notables...
Ce livre est bien documenté et beaucoup d'arguments m'ont semblé pertinents sauf que que je ne retrouve mention des hypothèses avancées dans aucun des autres ouvrages que j'ai pus lire sur le sujet !
Est-ce une des multiples théories d'archéologie fiction qui fleurirent dans les années 60/70 ?
Merci de vos bons soins.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 16/05/2012 à 16h40
"La civilisation minoenne se caractérise avant tout pas ses palais : Cnossos, Phaistos, Malia et Zakros ont été dégagés par les archéologues, tandis que l’existence d’un centre palatial à Chania est déduite de la documentation épigraphique. Tous s’organisent autour d’une cour centrale rectangulaire, dont on devine mal en réalité à quels usages (rassemblement politique ?) ou cérémonies (processions, tauromachie ?) elle était destinée. Malgré des séquences propres, ces palais présentent deux phases architecturales principales, invitant à distinguer entre une période protopalatiale ( entre 1900 et 1700) et une époque néopalatiale ( entre 1700 et 1425) . Succédant à une phase initiale de maturation (MA ; entre 3500 et 2000), les premiers palais ( du MM IB au MM II) marquent une étape importante dans l’urbanisation et la mise en valeur de l’île, définissant les structures fondamentales en vigueur durant le reste de l’âge du bronze crétois : en dehors des cultes des sommets , les zones montagneuses sont généralement délaissées au profit d’une exploitation agricole intense des plaines côtières. Brusquement détruits, ces premiers palais sont immédiatement reconstruits de manière plus grande et plus belle. C’est à la civilisation de ces seconds palais ( du MMIII au MR IB) que l’on associe traditionnellement la thalassocratie minoenne, inspirée par le récit de Thucydide et le souvenir de la flotte de Minos. […] Vers 1425, ces seconds palais sont à leur tour détruits dans des conditions qui font toujours débat : tremblement de terre, conséquences lointaines de l’éruption volcanique de Santorin ( dont la date la plus commune se situe désormais vers 1620/1600), révolte populaire, destruction généralisée orchestrée par les princes de Cnossos ( pourtant elle aussi touchée), envahisseurs étrangers?"
Dictionnaire du monde grec antique, p. 147 et 148
Cette période, comme vous vous en doutez, laisse la place à de nombreux débats d’interprétations entre archéologues et autres scientifiques ( Wunderlich est géologue).
« La vie religieuse, à l’époque des seconds palais, est connue partiellement par le décor peint des palais et des villas qui, souvent, est en rapport avec des cérémonies rituelles : fresque processionnelle du Grand escalier de Cnossos, fresque de Théra qui peuvent représenter des cérémonies dont le cadre et la finalité demeurent imprécis. Sur les sceaux, les scènes de procession, les sacrifices d’animaux, les manifestations divines sont fréquents. En dehors des sanctuaires naturels (sommets, grottes) l’identification des sanctuaires dans les palais ou les maisons prête souvent à contestation. »
Petit atlas historique de l’Antiquité grecque, p 18
« Autre domaine où nous ressentons durement le manque de sources écrites, celui de la religion. Une des clés de l’interprétation est fournie par l’iconographie, fresques, vases ou sceaux de pierre : la glyptique ou étude des sceaux , est en l’occurrence d’importance primordiale. Les grandes fresques retrouvées à Cnossos, Théra (Santorin) ou ailleurs illustrent souvent des cérémonies dont le sens précis nous échappent irrémédiablement. On y voit des processions sans doute rituelles, des foules assemblées, de joutes d’athlètes, des dans collectives, des jeux tauromachiques….Le décor naturel, la mer, les fleurs, les animaux de toute sortes, y tient une place essentielle. On est ébloui par la qualité artistique, la fraîcheur et la vivacité de ces scènes variées qui semblent témoigner d’une sérénité et d’une joie de vivre étonnantes. Mais quelle est la place réservée à la religion dans ces magnifiques décors ? Le Palais est-il un lieu sacré dans son intégralité ? »
Précis d’histoire grecque, p50 et 51
Sur la base
* Pelon Olivier. Le palais minoen en tant que lieu de culte. In: Temples et sanctuaires. Séminaire de recherche 1981-1983. sous la direction de G. Roux. Lyon : Maison de l'Orient et de la Méditerranée Jean Pouilloux, 1984. pp. 61-79. (Travaux de la Maison de l'Orient)
url : http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/ ... m_7_1_1653
Consulté le 16 mai 2012
Voici un petit extrait de ce long article :
"A partir de cette conception, deux tendances se sont développées :
- 1. la première consiste à atténuer la fonction religieuse de l'édifice palatial et à en faire un vaste complexe architectural construit pour répondre exclusivement à des nécessités d'ordre résidentiel, politique ou économique : le palais est un ensemble qui réunit de vastes salles de réception et d'habitation, des pièces utilitaires pour les fonctionnaires royaux, les scribes, les artisans, enfin des magasins pour le stockage des denrées provenant des propriétés royales, à l'exclusion à peu près totale des pièces et des activités de type cultuel. Cette position est défendue en particulier par L. Banti dans son étude sur les cultes d'Agia Triada20, ou dans le deuxième volume de la publication du palais de Phaistos paru en 1951 et écrit en collaboration avec L. Pernier. La même tendance désacralisante est observable chez B. Rutkowski dans son ouvrage sur les lieux de culte dans le monde égéen21.
- 2. la seconde vise à exclure du « palais » son aspect politique pour n'y voir plus qu'un vaste édifice entièrement consacré au culte et finalement l'édifice religieux par excellence de la Crète minoenne. Cette position a été soutenue récemment avec vigueur par P. Faure dans sa Vie quotidienne en Crète au temps de Minos22 ; pour lui, le « palais » minoen est analogue aux grands temples de l'Asie antérieure et plus particulièrement de Mésopotamie ; il serait semblable également aux grands sanctuaires de la Grèce classique et aux monastères de la Grèce byzantine et aurait le rôle d'une communauté économico-religieuse. La véritable résidence royale serait à chercher quelque part aux environs : au Petit Palais à Knossos, à la villa d'Agia Triada à Phaistos, à la Maison Ε à Malia, enfin à la villa A fouillée par Hogarth en 1901 à Kato Zakros23.
Le problème est donc posé de l'interprétation que l'on doit donner du « palais » minoen : simple palais résidentiel, grand « temple » de la religion d'État, ou encore palais-temple, comme il y a, selon Evans, le « Temple Tomb » ou le « priest-King » ?"
*Treuil René. L'École française d'Athènes et la préhistoire/protohistoire du monde égéen. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 120, livraison 1, 1996. pp. 407-439.
doi : 10.3406/bch.1996.4607
url : http://www.persee.fr/web/revues/home/pr ... 120_1_4607
Consulté le 16 mai 2012
Ces articles vous permettront sans doute de mieux situer le livre de H. G. Wunderlich .
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