dénomination du Saint-Empire Romain "Germanique"
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 26/02/2014 à 11h25
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Question d'origine :
Ce que les français appellent Saint-Empire Romain "Germanique", les allemands l'appel Heiliges Römisches Reich "Deutscher Nation". Ce terme de "nation allemande" semble très typé 19e-20e siècle. A partir de quand a t-il été utilisé ? Est-ce une dénomination a posteriori des partisans de la création d'un état-nation "allemand" ?
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 28/02/2014 à 16h02
L'ouvrage de Béatrice Nicollier, répond dans son introduction à votre question :
« Quant au terme de germanique, traduction elle aussi approximative de « deutscher Nation », littéralement, « de nation allemande », il est beaucoup plus récent et apparut à la fin du XVe siècle seulement, pour être officialisé en 1512. La « nation allemande » est une invention de l’humanisme tardif, qui permettait de chanter la longue tradition et la perpétuelle grandeur d’un peuple jamais conquis et libre, dans lequel étaient inclus non seulement les habitants de l’Empire, mais tous les germanophones, qu’ils se trouvent à Berne, ou au bord de la Baltique. Ce concept fut utilisé par la propagande impériale pour tenter de faire participer toutes les entités de l’Empire « au bien de la nation, de l’empire et de la chrétienté ». Mais, sans succès, car les intéressés détournèrent ce concept de manière à l’utiliser pour forcer les empereurs à limiter leurs efforts aux territoires appartenant réellement à l’Empire, et à les détourner de la défense ou reconquête de territoires qui n’en faisaient alors plus partie que de façon mythique. De la « nation allemande », on passera à la « liberté allemande », enjeu de nombreux conflits. » p. 4
Dans l’article de Wikipédia sur le Saint Empire Romain Germanique, vous trouverez ce chapitre sur la dénomination de l’Empire :
« Avec son nom, le Saint Empire romain se réclame directement de l’Empire romain antique qui se raccroche, tout comme l’Empire byzantin, à l’idée d’une domination universelle. C'est au XIe siècle que cette idée d'universalité fait son apparition dans le Saint-Empire. Parallèlement, on craint les prophéties de Daniel qui avait prédit qu'il y aurait quatre empires qui mèneraient à l'arrivée de l'Antéchrist et donc de l'Apocalypse sur Terre. C'est pourquoi l'Empire romain ne devait pas s'effondrer. Le qualificatif Saint souligne le droit divin de l'empereur et légitime son pouvoir. En acceptant d'être couronné empereur par le pape Léon III en l'an 800, Charlemagne fonde son empire dans la continuité de l'Empire romain, on parle de translatio imperii, bien que l'Empire romain d'orient dit byzantin, se place également dans une continuité et cela de manière plus ancienne. Les Byzantins considèrent d'ailleurs l'Empire romain occidental comme auto-nommé et illégitime.
Lorsque l'Empire est fondé dans la moitié du Xe siècle, il ne porte pas encore le qualificatif de Saint. Le premier empereur Otton Ier et ses successeurs se considèrent eux-mêmes et sont considérés comme les représentants de Dieu sur Terre et donc comme les premiers protecteurs de l'Église. Il n'est donc pas nécessaire de souligner la sainteté de l'Empire qui continue de s'appeler Regnum Francorum orientalium ou Regnum Francorum. Dans la titulature impériale des Ottoniens, on retrouve toutefois les composantes qui s'appliquent par la suite. Sur les actes d'Otton II datés de 982 pendant sa campagne italienne, on peut lire la titulature Romanorum imperator augustus (Empereur des Romains), titulature réservée au basileus de Byzance. Son successeur Otton III élève sa titulature au-dessus de tout pouvoir temporel et spirituel en s'octroyant, tout comme le pape, les dénominations « Serviteur de Jésus Christ» et même plus tard « Serviteur des Apôtres ».
Le rayonnement sacré de l'Empire a été mis à mal puis supprimé par le pape lors de la Querelle des Investitures de 1075 à 1122. Le concept de sacrum imperium est né sous Frédéric Barberousse lorsque les papes ont essayé de soumettre l'Empire au sacerdoce. Il est attesté pour la première fois en 1157. L'Empire est déclaré indépendant face à la papauté. Il se fonde dans la continuité de l'histoire sainte. Il s'agit alors peut-être de s'intégrer consciemment dans la tradition romaine antique. Toutefois, la recherche remet cette thèse en cause étant donné qu'il pourrait également s'agir d'un concept spécifiquement staufien et cela d'autant plus que pendant la période antique, ce n'est pas l'Empire romain qui était saint mais la personne de l'empereur.
Pendant l'interrègne de 1250 à 1273, lorsqu'aucun des trois rois élus n'est parvenu à s'imposer par rapport aux autres, l'Empire se réclame de l'Empire romain avec le qualificatif « saint ». À partir de 1254, on utilise la dénomination latine Sacrum Romanum Imperium (en allemand Heiliges Römisches Reich). Il faut attendre le règne de Charles IV pour la voir utilisée dans des documents en langue allemande. C'est précisément pendant la période sans empereur au milieu du XIIIe siècle que la volonté d'un pouvoir universel s'est le plus affirmée — même si cette situation a peu changé par la suite.
En 1441, le futur empereur Frédéric III ajoute au nom de l'empire "germanica natio". L'Empire s'étend alors en majeure partie sur un territoire germanophone, et malgré cela les Allemands, désunis, sont menacés de devoir partager le pouvoir impérial avec les Bourguignons à l'Ouest et les Tchèques à l'Est, ce qui les pousse à affirmer que l'empire est le leur. En 1486, empereur élu et couronné, Frédéric III utilise la titulature définitive, Heiliges Römisches Reich deutscher Nation. Elle est reprise officiellement en 1512 dans le préambule des actes de la diète de Cologne. L'empereur Maximilien Ier avait alors convoqué les états impériaux pour entre autres « maintenir le Saint-Empire romain germanique ». Jusqu'en 1806, Saint-Empire romain germanique (Heiliges Römisches Reich Deutscher Nation) est l'appellation officielle de l'Empire, souvent abrégée en SRI pour Sacrum Romanum Imperium ou H. Röm. Reich en allemand. Les deux derniers actes juridiques promulgués par le Saint Empire — à savoir le Reichsdeputationshauptschluss de 1803 qui a réorganisé l'Empire et la capitulation de l'empereur François II — utilisent la formule deutsches Reich (Empire allemand). Il n'est plus question de sainteté ou de pouvoir universel. »
« Quant au terme de germanique, traduction elle aussi approximative de « deutscher Nation », littéralement, « de nation allemande », il est beaucoup plus récent et apparut à la fin du XVe siècle seulement, pour être officialisé en 1512. La « nation allemande » est une invention de l’humanisme tardif, qui permettait de chanter la longue tradition et la perpétuelle grandeur d’un peuple jamais conquis et libre, dans lequel étaient inclus non seulement les habitants de l’Empire, mais tous les germanophones, qu’ils se trouvent à Berne, ou au bord de la Baltique. Ce concept fut utilisé par la propagande impériale pour tenter de faire participer toutes les entités de l’Empire « au bien de la nation, de l’empire et de la chrétienté ». Mais, sans succès, car les intéressés détournèrent ce concept de manière à l’utiliser pour forcer les empereurs à limiter leurs efforts aux territoires appartenant réellement à l’Empire, et à les détourner de la défense ou reconquête de territoires qui n’en faisaient alors plus partie que de façon mythique. De la « nation allemande », on passera à la « liberté allemande », enjeu de nombreux conflits. » p. 4
Dans l’article de Wikipédia sur le Saint Empire Romain Germanique, vous trouverez ce chapitre sur la dénomination de l’Empire :
« Avec son nom, le Saint Empire romain se réclame directement de l’Empire romain antique qui se raccroche, tout comme l’Empire byzantin, à l’idée d’une domination universelle. C'est au XIe siècle que cette idée d'universalité fait son apparition dans le Saint-Empire. Parallèlement, on craint les prophéties de Daniel qui avait prédit qu'il y aurait quatre empires qui mèneraient à l'arrivée de l'Antéchrist et donc de l'Apocalypse sur Terre. C'est pourquoi l'Empire romain ne devait pas s'effondrer. Le qualificatif Saint souligne le droit divin de l'empereur et légitime son pouvoir. En acceptant d'être couronné empereur par le pape Léon III en l'an 800, Charlemagne fonde son empire dans la continuité de l'Empire romain, on parle de translatio imperii, bien que l'Empire romain d'orient dit byzantin, se place également dans une continuité et cela de manière plus ancienne. Les Byzantins considèrent d'ailleurs l'Empire romain occidental comme auto-nommé et illégitime.
Lorsque l'Empire est fondé dans la moitié du Xe siècle, il ne porte pas encore le qualificatif de Saint. Le premier empereur Otton Ier et ses successeurs se considèrent eux-mêmes et sont considérés comme les représentants de Dieu sur Terre et donc comme les premiers protecteurs de l'Église. Il n'est donc pas nécessaire de souligner la sainteté de l'Empire qui continue de s'appeler Regnum Francorum orientalium ou Regnum Francorum. Dans la titulature impériale des Ottoniens, on retrouve toutefois les composantes qui s'appliquent par la suite. Sur les actes d'Otton II datés de 982 pendant sa campagne italienne, on peut lire la titulature Romanorum imperator augustus (Empereur des Romains), titulature réservée au basileus de Byzance. Son successeur Otton III élève sa titulature au-dessus de tout pouvoir temporel et spirituel en s'octroyant, tout comme le pape, les dénominations « Serviteur de Jésus Christ» et même plus tard « Serviteur des Apôtres ».
Le rayonnement sacré de l'Empire a été mis à mal puis supprimé par le pape lors de la Querelle des Investitures de 1075 à 1122. Le concept de sacrum imperium est né sous Frédéric Barberousse lorsque les papes ont essayé de soumettre l'Empire au sacerdoce. Il est attesté pour la première fois en 1157. L'Empire est déclaré indépendant face à la papauté. Il se fonde dans la continuité de l'histoire sainte. Il s'agit alors peut-être de s'intégrer consciemment dans la tradition romaine antique. Toutefois, la recherche remet cette thèse en cause étant donné qu'il pourrait également s'agir d'un concept spécifiquement staufien et cela d'autant plus que pendant la période antique, ce n'est pas l'Empire romain qui était saint mais la personne de l'empereur.
Pendant l'interrègne de 1250 à 1273, lorsqu'aucun des trois rois élus n'est parvenu à s'imposer par rapport aux autres, l'Empire se réclame de l'Empire romain avec le qualificatif « saint ». À partir de 1254, on utilise la dénomination latine Sacrum Romanum Imperium (en allemand Heiliges Römisches Reich). Il faut attendre le règne de Charles IV pour la voir utilisée dans des documents en langue allemande. C'est précisément pendant la période sans empereur au milieu du XIIIe siècle que la volonté d'un pouvoir universel s'est le plus affirmée — même si cette situation a peu changé par la suite.
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