La sorcière dans la Petite sirène d'Andersen.
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 26/03/2014 à 23h55
721 vues
Question d'origine :
Bonjour
Dans La Petite Sirène d'Andersen, la sorcière prend la voix de la sirène principale, puis les cheveux de ses soeurs, j'imagine que cela correspond symboliquement à leur féminité ou à leur potentiel érotique, mais j'aimerais savoir s'il est possible d'en savoir plus sur le sujet et sur ce que represente la sorcière dans ce conte ?
Merci d'avance !
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 28/03/2014 à 09h46
Bonjour,
Chantal Costantini propose dans sa thèse Comment les enseignantes d’école maternelle « entendent » le silence de l’élève une « lecture clinique » du conte d’Andersen, qui ne manquera pas de vous intéresser :
La sorcière
La sorcière incarne celle, qui, par ses pouvoirs, a le droit de vie ou de mort sur l’héroïne : elle possède, sur la Petite Sirène, le droit de vie, en lui faisant miroiter qu’elle peut satisfaire ses volontés. La mort, quant à elle, est le prix à payer « lorsque l’on croit aux contes de fées » c’est-à-dire lorsque l’on pense que répondre au principe de plaisir est plus satisfaisant parce que plus immédiat que ce à quoi contraint le principe de réalité, qui consiste à différer, à savoir saisir le bon moment. [...] Afin de faire aboutir son projet, la Petite Sirène s’associe en secret à la sorcière dans une complicité qui la mènera à la mort ; en acceptant l’élixir qui lui permettra d’acquérir des jambes, elle se condamne à ne plus pouvoir parler, à se priver « de toute humanité », comme le dit Bettelheim.
[…]
La sorcière reçoit la Petite Sirène en précédant ses questions : elle connaît les raisons de sa venue, telle une mère toute-puissante s’immisçant dans l’intimité de son enfant et croyant tout connaître de lui/d’elle : « Je sais ce que tu veux, s’écria-t-elle en apercevant la princesse : tes désirs sont stupides ; néanmoins je m’y prêterai, car je sais qu’ils te porteront malheur. Tu veux te débarrasser de ta queue de poisson, et la remplacer par deux de ces pièces avec lesquelles marchent les hommes, afin que le prince s’amourache de toi, t’épouse et te donne une âme immortelle ». La Petite Sirène est surprise de constater que la sorcière ait pu percer le secret qu’elle pensait avoir tenu si bien caché. La sorcière va accéder à son souhait en lui donnant un « élixir » qui transformera sa queue de poisson en « deux de ces pièces avec lesquelles marchent les hommes ».
La métamorphose renvoie à la période de la puberté, des transformations physiologiques, psychiques, et surtout au fait que cette transformation paraîtra invisible aux yeux de tous, puisque, en apparence, l’héroïne conservera la même physionomie que n’importe quelle femme : « Enfin tu as bien fait de venir ; demain, au lever du soleil, c’eût été trop tard, et il t’aurait fallu attendre encore une année. Je vais te préparer un élixir que tu emporteras à terre avant le point du jour. Assieds-toi sur le côté et bois-le. Aussitôt ta queue se rétrécira et se partagera en ce que les hommes appellent deux belles jambes. Mais je te préviens que cela te fera souffrir comme si l’on te coupait avec une épée tranchante. Tout le monde admirera ta beauté, tu conserveras ta marche légère et gracieuse, mais chacun de tes pas te causera autant de douleur que si tu marchais sur des pointes d’épingle, et fera couler ton sang ». Cependant, la particularité de cette transformation va s’avérer irréversible, comme toutes les transformations, du reste [...] Les étapes que l’on gravit pour grandir contiennent un caractère irréversible ainsi que F. Dolto le montre à travers la notion de « castration symboligène ». Grandir est une conquête, mais celle-ci implique nécessairement une perte. Le passage d’une étape de croissance à une autre contient à la fois une perte mais aussi un gain ; accepter la perte, c’est accepter de grandir, définitivement, se mettre en marche vers l’humanité. Du reste, la Petite Sirène accepte « le processus » en quelque sorte : « j’y consens, dit la princesse, pâle comme la mort ». Mais son consentement l’entraîne à conclure une transaction insensée : « En ce cas, poursuivit la sorcière, il faut aussi que tu me payes ; et je ne demande pas peu de chose. Ta voix est la plus belle parmi celles du fond de la mer, tu penses avec elle enchanter le prince, mais c’est précisément ta voix que j’exige en paiement. Je veux ce que tu as de plus beau en échange de mon précieux élixir » […] – Soit ! répondit la princesse, et la sorcière lui coupa la langue. La pauvre enfant resta muette ». La mutilation entraîne la perte de la voix, mais je me suis demandé si on pouvait entendre cette phrase comme correspondant à une prise de conscience soudaine de la part de la Petite Sirène : « elle resta muette », c’est-à-dire comme sidérée après la mutilation qu’elle venait de subir, sans avoir réalisé les conséquences que cet acte allait impliquer. Pour quelles raisons la Petite Sirène s’expose-t-elle à une telle mutilation ?
La rencontre avec le prince : une relation impossible
Le prince ne « reconnaîtra » jamais la femme à travers la jeune fille muette qu’il a devant lui : « Tous les jours le prince l’aimait de plus en plus, mais il l’aimait comme on aime une enfant bonne et gentille, sans avoir l’idée d’en faire sa femme ». Une femme sans voix, même avec l’apparence et les attributs de la féminité reste « une enfant » ; en revanche, une enfant, une femme mutilée, n’est pas menaçante pour le prince dont la virilité est naissante, puisqu’elle ne peut pas exprimer son désir.[...]. Voilà semble-t-il l’épreuve de la Petite Sirène qui, malgré les signes de la féminité, malgré les attributs qui l’enferment dans une « image », une représentation fantasmée de femme, ne la constituent pas pour autant comme sujet. Ce qui définit le sujet, c’est son accès à la langue, en tant que discours qui l’inscrit dans la chaîne de l’humanité, et à la parole, sur laquelle se fonde le besoin de rencontre et de communication et par laquelle s’exprime le désir.[...]
Si on se laisse porter par le mouvement identificatoire que m’a imposé, pour ma part, ce récit, la fin du conte est tragique : jamais la Petite Sirène ne pourra dévoiler au prince qu’elle l’a sauvé de la noyade et qu’il lui doit la vie. Quant au prince, pris dans sa nostalgie d’un visage brouillé aperçu lors de son naufrage, il choisira d’épouser une autre femme. Au moment où ses soeurs la supplient de tuer le prince pour retourner dans le monde aquatique, la Petite Sirène retient son geste, et jette son couteau à la mer. Grâce à cet acte, cette « bonne action », elle rejoint le monde céleste des filles de l’air, et « prend son envol ».
Chantal Costantini associe donc la perte de la langue à une castration symbolique :
La mutilation réelle de la perte de l’organe-langue subie par la Petite Sirène renvoie au concept de castration symboligène d’un sujet, castration symbolique en tant qu’organisateur du désir humain tel que le développe F. Dolto dans « L’image inconsciente du corps ».
L’importance de ces épreuves auxquelles se heurte le désir de l’enfant, épreuves appelées « castrations » sont nécessaires en ce sens qu’elles permettent la symbolisation. Au sens propre, la castration est la mutilation physique d’un individu qui le rend irréversiblement stérile. En psychanalyse, la notion de castration « rend compte d’un processus qui s’accomplit chez un être humain lorsqu’un autre être humain lui signifie que l’accomplissement de son désir sous la forme qu’il voudrait lui donner, est interdit par la loi ». Ne peut-on pas considérer la voie choisie par La Petite Sirène en termes de processus de symbolisation ? En renonçant à l’acte qui l’aurait ramenée à sa condition initiale de sirène, elle renonce définitivement à l’emprise des pulsions ; la retenue de cet acte l’entraîne dans une autre dimension. La Petite Sirène, pour laquelle le support identificatoire féminin de type génital fait défaut, va se mettre en quête : désir de savoir, pulsion d’exhumer, recherche de « sa voie/voix ».
Vous pouvez consulter l’intégralité de ces extraits sur le site de Pedopsy.
Vous pouvez également lire sur Cairn l’article Les deux versions de la Petite Sirène ou comment la relation mère-fille pèse sur le choix du mari de la fille de Michel Moral, paru dans Dialogue n°156, 2002/02.
L’ouvrage D’un conte à l’autre, d’une génération à l’autre de Catherine d’Humières propose lui aussi une analyse de ce conte que vous pouvez consulter en partie sur Google Books.
Il semble que l’ouvrage Anthropologie de l’eau, de Danielle Morali, consacre également un chapitre à La Petite Sirène : Variations sur le thème de la (petite) sirène, mais nous n’avons pas pu vérifier si son contenu concerne les éléments qui vous intéressent.
Concernant le sacrifice de la chevelure des sœurs et de la grand-mère de la Petite Sirène en échange du poignard, on peut aussi, éventuellement, le rapprocher de certains sacrifices de chevelure évoqués dans la mythologie grecque. En effet les circonstances de l’ablation de la chevelure en Grèce antique, lorsqu’elle devient oblation, c’est-à-dire offrande, peuvent être conjoncturelles (à la suite d’une catastrophe, d’un décès) ou bien rituelles. Dans ce dernier cas, pour les deux sexes, elles peuvent être liées à un vœu (guérison), ou bien, pour les garçons, à la puberté, et pour les filles, au mariage.
Source : Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité : le sens du poil, études réunies par Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux
On peut penser, par exemple, à Bérénice qui fit vœu de sacrifier ses longs cheveux à Aphrodite si son mari revenait victorieux de la guerre.
L’ouvrage Cheveu, parle-moi de moi suggère encore une autre piste, qui pourra (ou non) alimenter l’interprétation du sacrifice des sirènes pour sauver leur sœur :
De tout temps, les femmes ont porté les cheveux longs, coiffés, noués ou peignés mais toujours d’une longueur certaine. En revanche, dans toutes les époques où elles voulurent conquérir leur liberté ou leur indépendance, les femmes, notamment modernes, ont coupé leurs cheveux. Elles les ont raccourcis pour montrer leur liberté par rapport au schéma social habituel. En les coupant, elles coupaient leurs « racines », leurs mémoires archétypales anciennes qui faisaient d’elles des êtres de séduction, désirables mais souvent ressentis comme « objetisés » et sans autonomie.
Chantal Costantini propose dans sa thèse Comment les enseignantes d’école maternelle « entendent » le silence de l’élève une « lecture clinique » du conte d’Andersen, qui ne manquera pas de vous intéresser :
La sorcière
La sorcière incarne celle, qui, par ses pouvoirs, a le droit de vie ou de mort sur l’héroïne : elle possède, sur la Petite Sirène, le droit de vie, en lui faisant miroiter qu’elle peut satisfaire ses volontés. La mort, quant à elle, est le prix à payer « lorsque l’on croit aux contes de fées » c’est-à-dire lorsque l’on pense que répondre au principe de plaisir est plus satisfaisant parce que plus immédiat que ce à quoi contraint le principe de réalité, qui consiste à différer, à savoir saisir le bon moment. [...] Afin de faire aboutir son projet, la Petite Sirène s’associe en secret à la sorcière dans une complicité qui la mènera à la mort ; en acceptant l’élixir qui lui permettra d’acquérir des jambes, elle se condamne à ne plus pouvoir parler, à se priver « de toute humanité », comme le dit Bettelheim.
[…]
La sorcière reçoit la Petite Sirène en précédant ses questions : elle connaît les raisons de sa venue, telle une mère toute-puissante s’immisçant dans l’intimité de son enfant et croyant tout connaître de lui/d’elle : « Je sais ce que tu veux, s’écria-t-elle en apercevant la princesse : tes désirs sont stupides ; néanmoins je m’y prêterai, car je sais qu’ils te porteront malheur. Tu veux te débarrasser de ta queue de poisson, et la remplacer par deux de ces pièces avec lesquelles marchent les hommes, afin que le prince s’amourache de toi, t’épouse et te donne une âme immortelle ». La Petite Sirène est surprise de constater que la sorcière ait pu percer le secret qu’elle pensait avoir tenu si bien caché. La sorcière va accéder à son souhait en lui donnant un « élixir » qui transformera sa queue de poisson en « deux de ces pièces avec lesquelles marchent les hommes ».
La métamorphose renvoie à la période de la puberté, des transformations physiologiques, psychiques, et surtout au fait que cette transformation paraîtra invisible aux yeux de tous, puisque, en apparence, l’héroïne conservera la même physionomie que n’importe quelle femme : « Enfin tu as bien fait de venir ; demain, au lever du soleil, c’eût été trop tard, et il t’aurait fallu attendre encore une année. Je vais te préparer un élixir que tu emporteras à terre avant le point du jour. Assieds-toi sur le côté et bois-le. Aussitôt ta queue se rétrécira et se partagera en ce que les hommes appellent deux belles jambes. Mais je te préviens que cela te fera souffrir comme si l’on te coupait avec une épée tranchante. Tout le monde admirera ta beauté, tu conserveras ta marche légère et gracieuse, mais chacun de tes pas te causera autant de douleur que si tu marchais sur des pointes d’épingle, et fera couler ton sang ». Cependant, la particularité de cette transformation va s’avérer irréversible, comme toutes les transformations, du reste [...] Les étapes que l’on gravit pour grandir contiennent un caractère irréversible ainsi que F. Dolto le montre à travers la notion de « castration symboligène ». Grandir est une conquête, mais celle-ci implique nécessairement une perte. Le passage d’une étape de croissance à une autre contient à la fois une perte mais aussi un gain ; accepter la perte, c’est accepter de grandir, définitivement, se mettre en marche vers l’humanité. Du reste, la Petite Sirène accepte « le processus » en quelque sorte : « j’y consens, dit la princesse, pâle comme la mort ». Mais son consentement l’entraîne à conclure une transaction insensée : « En ce cas, poursuivit la sorcière, il faut aussi que tu me payes ; et je ne demande pas peu de chose. Ta voix est la plus belle parmi celles du fond de la mer, tu penses avec elle enchanter le prince, mais c’est précisément ta voix que j’exige en paiement. Je veux ce que tu as de plus beau en échange de mon précieux élixir » […] – Soit ! répondit la princesse, et la sorcière lui coupa la langue. La pauvre enfant resta muette ». La mutilation entraîne la perte de la voix, mais je me suis demandé si on pouvait entendre cette phrase comme correspondant à une prise de conscience soudaine de la part de la Petite Sirène : « elle resta muette », c’est-à-dire comme sidérée après la mutilation qu’elle venait de subir, sans avoir réalisé les conséquences que cet acte allait impliquer. Pour quelles raisons la Petite Sirène s’expose-t-elle à une telle mutilation ?
La rencontre avec le prince : une relation impossible
Le prince ne « reconnaîtra » jamais la femme à travers la jeune fille muette qu’il a devant lui : « Tous les jours le prince l’aimait de plus en plus, mais il l’aimait comme on aime une enfant bonne et gentille, sans avoir l’idée d’en faire sa femme ». Une femme sans voix, même avec l’apparence et les attributs de la féminité reste « une enfant » ; en revanche, une enfant, une femme mutilée, n’est pas menaçante pour le prince dont la virilité est naissante, puisqu’elle ne peut pas exprimer son désir.[...]. Voilà semble-t-il l’épreuve de la Petite Sirène qui, malgré les signes de la féminité, malgré les attributs qui l’enferment dans une « image », une représentation fantasmée de femme, ne la constituent pas pour autant comme sujet. Ce qui définit le sujet, c’est son accès à la langue, en tant que discours qui l’inscrit dans la chaîne de l’humanité, et à la parole, sur laquelle se fonde le besoin de rencontre et de communication et par laquelle s’exprime le désir.[...]
Si on se laisse porter par le mouvement identificatoire que m’a imposé, pour ma part, ce récit, la fin du conte est tragique : jamais la Petite Sirène ne pourra dévoiler au prince qu’elle l’a sauvé de la noyade et qu’il lui doit la vie. Quant au prince, pris dans sa nostalgie d’un visage brouillé aperçu lors de son naufrage, il choisira d’épouser une autre femme. Au moment où ses soeurs la supplient de tuer le prince pour retourner dans le monde aquatique, la Petite Sirène retient son geste, et jette son couteau à la mer. Grâce à cet acte, cette « bonne action », elle rejoint le monde céleste des filles de l’air, et « prend son envol ».
Chantal Costantini associe donc la perte de la langue à une castration symbolique :
La mutilation réelle de la perte de l’organe-langue subie par la Petite Sirène renvoie au concept de castration symboligène d’un sujet, castration symbolique en tant qu’organisateur du désir humain tel que le développe F. Dolto dans « L’image inconsciente du corps ».
L’importance de ces épreuves auxquelles se heurte le désir de l’enfant, épreuves appelées « castrations » sont nécessaires en ce sens qu’elles permettent la symbolisation. Au sens propre, la castration est la mutilation physique d’un individu qui le rend irréversiblement stérile. En psychanalyse, la notion de castration « rend compte d’un processus qui s’accomplit chez un être humain lorsqu’un autre être humain lui signifie que l’accomplissement de son désir sous la forme qu’il voudrait lui donner, est interdit par la loi ». Ne peut-on pas considérer la voie choisie par La Petite Sirène en termes de processus de symbolisation ? En renonçant à l’acte qui l’aurait ramenée à sa condition initiale de sirène, elle renonce définitivement à l’emprise des pulsions ; la retenue de cet acte l’entraîne dans une autre dimension. La Petite Sirène, pour laquelle le support identificatoire féminin de type génital fait défaut, va se mettre en quête : désir de savoir, pulsion d’exhumer, recherche de « sa voie/voix ».
Vous pouvez consulter l’intégralité de ces extraits sur le site de Pedopsy.
Vous pouvez également lire sur Cairn l’article Les deux versions de la Petite Sirène ou comment la relation mère-fille pèse sur le choix du mari de la fille de Michel Moral, paru dans Dialogue n°156, 2002/02.
L’ouvrage D’un conte à l’autre, d’une génération à l’autre de Catherine d’Humières propose lui aussi une analyse de ce conte que vous pouvez consulter en partie sur Google Books.
Il semble que l’ouvrage Anthropologie de l’eau, de Danielle Morali, consacre également un chapitre à La Petite Sirène : Variations sur le thème de la (petite) sirène, mais nous n’avons pas pu vérifier si son contenu concerne les éléments qui vous intéressent.
Concernant le sacrifice de la chevelure des sœurs et de la grand-mère de la Petite Sirène en échange du poignard, on peut aussi, éventuellement, le rapprocher de certains sacrifices de chevelure évoqués dans la mythologie grecque. En effet les circonstances de l’ablation de la chevelure en Grèce antique, lorsqu’elle devient oblation, c’est-à-dire offrande, peuvent être conjoncturelles (à la suite d’une catastrophe, d’un décès) ou bien rituelles. Dans ce dernier cas, pour les deux sexes, elles peuvent être liées à un vœu (guérison), ou bien, pour les garçons, à la puberté, et pour les filles, au mariage.
Source : Anthropologie, mythologies et histoire de la chevelure et de la pilosité : le sens du poil, études réunies par Bertrand Lançon et Marie-Hélène Delavaud-Roux
On peut penser, par exemple, à Bérénice qui fit vœu de sacrifier ses longs cheveux à Aphrodite si son mari revenait victorieux de la guerre.
L’ouvrage Cheveu, parle-moi de moi suggère encore une autre piste, qui pourra (ou non) alimenter l’interprétation du sacrifice des sirènes pour sauver leur sœur :
De tout temps, les femmes ont porté les cheveux longs, coiffés, noués ou peignés mais toujours d’une longueur certaine. En revanche, dans toutes les époques où elles voulurent conquérir leur liberté ou leur indépendance, les femmes, notamment modernes, ont coupé leurs cheveux. Elles les ont raccourcis pour montrer leur liberté par rapport au schéma social habituel. En les coupant, elles coupaient leurs « racines », leurs mémoires archétypales anciennes qui faisaient d’elles des êtres de séduction, désirables mais souvent ressentis comme « objetisés » et sans autonomie.
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