Question d'origine :
Bonjour.
Certains exégètes de notre hymne national expliquent que le "sang impur" qui abreuve nos sillons est celui des gens du peuple, par opposition au sang pur qui serait celui des aristocrates sous l'Ancien Régime. Que faut-il penser de cette interprétation ?
Bien cordialement.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 05/04/2014 à 12h59
Bonjour,
L’interprétation à laquelle vous faites allusion est notamment soutenue par Dimitri Casali dans son livre L'Histoire de France interdite : pourquoi ne sommes-nous plus fiers de notre histoire ?
L’ouvrage est par ailleurs disponible à la lecture sur Google Books.
On peut y lire en effet que « la phrase "qu'un sang impur abreuve nos sillons" est [aujourd’hui] tout particulièrement déformée et vidée de son contexte. Elle signifie, en vérité, que les soldats de 1792 étaient fiers de verser leur propre sang pour leur patrie – « leur sang impur », par opposition au sang bleu des aristocrates, eux qui n’étaient pas nobles ».
Cependant, d’autres auteurs, confirment une interprétation « classique » de ce vers. C’est le cas de David A. Bell, historien à Princeton, dans son article publié sur Persée :Aux origines de la "Marseillaise". L'adresse à la nation angloise de Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray. Dès l’introduction, l’auteur précise : « "Qu’un sang impur abreuve nos sillons". C’est le signe même du phénomène de la guerre sans merci, qui non seulement élimine les soldats ennemis, mais les utilise, les transforme en fumier liquide pour fertiliser les champs ».
Dans le tome 1 des Lieux de Mémoires, l’article de Michel Vovelle sur la Marseillaise, penche pour la même lecture. Evoquant le couplet contenant « le sang impur », il s’interroge : « Sanguinaire appel aux armes ? On l’a dit, et souvent déploré, et le sang coule dans cet hymne « impur », tachant l’étendard de l’adversaire, mais destiné à abreuver les sillons de ceux qui défendent leur sol. Toutefois, ce carnage n’a rien d’aveugle ni d’haineux, qui sait distinguer les coupables :
Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups,
Epargnez ces tristes victimes
A regret s’armant contre nous »
Pour corroborer ce qui a tout de même l’air d’être l’interprétation correcte de ce passage, nous pouvons citer l'analyse littéraire du docteur ès Lettres Pierre Milhoin dans l’ouvrage qu’il a coécrit avec le musicologue Patriç Burzuj-Richter :
« L’image est forte en effet. Provocation faite à la noblesse, certes. Du sang impur qui coulerait à flot pour être absorbé par la terre féconde de la république ?! […] Le sang pur désigne le courage mobilisé au service d’un idéal seul, par opposition au sang impur symbolisant les motivations mercantiles ou vénales des représentants des multinationales de l’époque ».
Enfin, si l'histoire de la Marseillaise vous intéresse, vous pourriez jeter un œil sur Marseillaise, Marseillaises, une anthologie surprenante des différentes adaptations de l’hymne depuis 1792.
L’interprétation à laquelle vous faites allusion est notamment soutenue par Dimitri Casali dans son livre L'Histoire de France interdite : pourquoi ne sommes-nous plus fiers de notre histoire ?
L’ouvrage est par ailleurs disponible à la lecture sur Google Books.
On peut y lire en effet que « la phrase "qu'un sang impur abreuve nos sillons" est [aujourd’hui] tout particulièrement déformée et vidée de son contexte. Elle signifie, en vérité, que les soldats de 1792 étaient fiers de verser leur propre sang pour leur patrie – « leur sang impur », par opposition au sang bleu des aristocrates, eux qui n’étaient pas nobles ».
Cependant, d’autres auteurs, confirment une interprétation « classique » de ce vers. C’est le cas de David A. Bell, historien à Princeton, dans son article publié sur Persée :Aux origines de la "Marseillaise". L'adresse à la nation angloise de Claude-Rigobert Lefebvre de Beauvray. Dès l’introduction, l’auteur précise : « "Qu’un sang impur abreuve nos sillons". C’est le signe même du phénomène de la guerre sans merci, qui non seulement élimine les soldats ennemis, mais les utilise, les transforme en fumier liquide pour fertiliser les champs ».
Dans le tome 1 des Lieux de Mémoires, l’article de Michel Vovelle sur la Marseillaise, penche pour la même lecture. Evoquant le couplet contenant « le sang impur », il s’interroge : « Sanguinaire appel aux armes ? On l’a dit, et souvent déploré, et le sang coule dans cet hymne « impur », tachant l’étendard de l’adversaire, mais destiné à abreuver les sillons de ceux qui défendent leur sol. Toutefois, ce carnage n’a rien d’aveugle ni d’haineux, qui sait distinguer les coupables :
Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups,
Epargnez ces tristes victimes
A regret s’armant contre nous »
Pour corroborer ce qui a tout de même l’air d’être l’interprétation correcte de ce passage, nous pouvons citer l'analyse littéraire du docteur ès Lettres Pierre Milhoin dans l’ouvrage qu’il a coécrit avec le musicologue Patriç Burzuj-Richter :
« L’image est forte en effet. Provocation faite à la noblesse, certes. Du sang impur qui coulerait à flot pour être absorbé par la terre féconde de la république ?! […] Le sang pur désigne le courage mobilisé au service d’un idéal seul, par opposition au sang impur symbolisant les motivations mercantiles ou vénales des représentants des multinationales de l’époque ».
Enfin, si l'histoire de la Marseillaise vous intéresse, vous pourriez jeter un œil sur Marseillaise, Marseillaises, une anthologie surprenante des différentes adaptations de l’hymne depuis 1792.
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter