Question d'origine :
Je dois traiter de la marginalisation dans les prisons, mais je ne trouve que peu d'ouvrage du XVIIIè siècle qui traitent de la réinsertion des prisonniers et de leurs conditions de vie . En auriez-vous à me conseiller (tout genre serait le bienvenu) ?
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 27/12/2014 à 15h39
Bonjour,
Tout d’abord, la consultation des fonds d’archives des différentes prisons du XVIIIe siècle ainsi que des fonds afférents aux enfermements vous sera d’une grande utilité :
Les archives, une source historiographique essentielle
Les archives, documents uniques, faisant trace du passé et issus d’un fonds particulier, ici la prison forteresse de la Bastille, ont un rôle essentiel dans l’écriture de l’Histoire et permettent de comprendre à la fois la grande et la petite Histoire. Ainsi, dans les registres des archives de la Bastille, on retrouve des documents relatant l’activité quotidienne de la prison (registre d’écrous …), des documents d’importance protégés dans ce lieu sûr (archives de la lieutenance de police, archives des chambres de l’Arsenal, du Châtelet, du Parlement de Paris [affaires judiciaires], archives de la maison du roi), des documents et papiers privés de certains membres du personnel de la prison (comme ceux du gouverneur de Launay), permettant donc de nombreux éclairages sur l’histoire judiciaire, sur l’histoire des prisons sous l’Ancien Régime mais aussi sur l’histoire des mentalités à la fin de l’Ancien Régime. Ces archives ont aussi permis de démonter de nombreux clichés sur cette redoutable prison et ses affaires célèbres, du nombre de prisonniers à la Bastille le 14 juillet 1789 au Masque de fer en passant par la construction du mythe de la Bastille comme symbole de l’arbitraire.
La vie quotidienne des prisonniers de la Bastille
L’arrivée d’un nouveau prisonnier est annoncée par les cloches de la Bastille. Les boutiques avoisinantes doivent alors fermer et les gardes se masquent pour ne pas voir le nouvel arrivant. Il est alors « embastillé », néologisme créé par Voltaire.
A la prison d’Etat de la Bastille, on est mieux traiter qu’ailleurs, même si on retrouve le statut social de l’extérieur. Ainsi se constituent simultanément la légende noire des prisonniers des cachots et la légende dorée des prisonniers en chambre. L’historien Claude Quétel écrit : « En fait les deux aspects ne s’excluent pas : dans les étages, de confortables appartements, dans les basses-fosses, des cachots humides et secrets ou dépérissent les prisonniers. »
Cependant, les traitements n’y sont pas les mêmes, y compris chez les nobles : Sade fait retapisser sa « chambre » à son goût, boit de son vin préféré qu’il fait venir de Provence, voit sa femme une fois par mois, alors que Fouquet n’obtient l’autorisation d’une visite de son confesseur et de sa femme qu’après dix-huit ans d’incarcération.
(Source : La Bastille ou « l’Enfer des vivants » ? / BNF)
Cette exposition La Bastille ou « l’Enfer des vivants » ? s’est vue complétée par une bibliographie, dans laquelle vous devriez trouver des documents pertinents pour votre recherche.
Une recherche dans le catalogue du SUDOC, ainsi que dans notre propre catalogue, nous a permis de trouver quelques ouvrages traitant des prisonniers et datant du XVIIIe siècle :
• Lettres de Joseph Le Bon à sa femme, pendant les quatorze mois de prison qui ont précédé sa mort / avec une préface historique par son fils, Emile Le Bon
• Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes : précédée de celle de Foucquet, de Pellisson et de Lauzun, avec tous les documents authentiques et inédits / Joseph Delort
• Mémoires sur la Bastille, par M Linguet, surrexit è mortuis
• En prison sous la terreur : souvenirs de J.-B. Billecocq (1765-1829) / éditeurs scientifiques Nicole Felkay et Hervé Favier
• La Bastille sous la Régence / Mémoires de Mme de Staal de Launay
• Mémoires sur la Bastille / Simon-Nicolas-Henri Linguet ; préface et notes d’Olivier Boura
De plus, avant la fin du XVIIIe siècle, la question de la réinsertion des prisonniers n’est pas vraiment d’actualité :
La réinsertion du point de vue historique
Il faudra attendre 1791 pour que la réinsertion soit prise en compte.
Dans l’Antiquité, au Moyen Age et même au début des Temps Modernes, la réinsertion était impossible : la prison n’était pas considérée comme une peine ayant pour but l’amendement du condamné. En Grèce comme à Rome, les peines usuelles étaient la confiscation des biens, le bannissement, l’exil ou la mort. Comment vouliez-vous croire à une nouvelle vie après la prison dans de telles conditions ?
La prison servait de lieu de détention préventive, de contrainte pour obliger les détenus à s’acquitter de leurs dettes, ou encore de lieu de supplice. En aucun cas l’on se préoccupait de l’état psychologique dans lequel se trouvait le détenu.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les prisons restèrent réservées essentiellement aux inculpés en instance de jugement et aux condamnés qui attendaient leur départ pour les galères, la déportation ou l’échafaud. La spécificité ne s’arrêtait pas là car il existait des prisons pour les prisonniers politiques tel que la Bastille ou encore des « maisons de force » qui accueillaient les mendiants, les vagabonds, les prostituées, les fous...Est-ce une raison d’emprisonner un individu sous prétexte qu’il cherche de quoi se nourrir ou qu’il cherche un endroit où résider ?
C’est pour cette raison qu’en France, dès 1557, Henri II essaya de réformer le système pénitentiaire car il jugeait que « les prisons ont été faites pour la garde des prisonniers mais elles leur apportent plus grande peine qu’ils n’ont méritées. » De nombreux changements s’opérèrent dans d’autres pays. En 1703, le Pape Clément XI ouvrit la voie aux réformes modernes en fondant à Rome l’hospice de St Michel à Ripa : cette maison de correction pour jeunes gens inaugurait le régime cellulaire et se donnait pour but essentiel l’amendement des détenus qui devaient y recevoir une instruction religieuse et une formation professionnelle. La notion de réinsertion commence à prendre forme et à avoir un sens. En tous cas, elle est présente dans les esprits. C’est à partir de la Révolution que la prison devint une peine habituellement infligée par les tribunaux.
Arriva 1791 où la réinsertion fût enfin prise en compte car les inventeurs de la prison moderne avait une ambition : « Réhabiliter autant que punir ».
Il existe maintenant 2 sortes de prisons :
-les maisons d’arrêt pour les courtes peines et les prévenus.
-les maisons centrales pour les longues.
Il faut savoir que ni la première République ni Napoléon ne se soucièrent beaucoup de la condition des détenus à la différence de la Restauration, qui créa une Société des prisons et prit les premières mesures humanitaires.
(Source : La réinsertion après une vie carcérale / Aurélie Beau, Emmanuelle Goma, Charléne Trignier et Ophélie Lassalle)
Voici également une sélection de ressources papier et web, contemporaines, sur les prisonniers au XVIIIe siècle :
• Buveurs, voleuses, insensés et prisonniers à Namur au XVIIIs siècle
• Prisonniers et Prisons de la Terreur / Rémy BIJAOUI
• La Dernière lettre : prisons et condamnés de la Révolution : 1793-1794 / Olivier Blanc
• Prisonniers de guerre français et anglais au dix-huitième siècle / Revue Défense Nationale
• La Bastille et ses secrets / Frantz Funck-Brentano
• La Bastille dévoilée par ses archives / Claude Quétel
• La Bastille : histoire vraie d’une prison légendaire
• Une légende noire : les lettres de cachet
• Condamnés au XVIIIs siècle / Arlette Farge
Bonne journée
Tout d’abord, la consultation des fonds d’archives des différentes prisons du XVIIIe siècle ainsi que des fonds afférents aux enfermements vous sera d’une grande utilité :
Les archives, documents uniques, faisant trace du passé et issus d’un fonds particulier, ici la prison forteresse de la Bastille, ont un rôle essentiel dans l’écriture de l’Histoire et permettent de comprendre à la fois la grande et la petite Histoire. Ainsi, dans les registres des archives de la Bastille, on retrouve des documents relatant l’activité quotidienne de la prison (registre d’écrous …), des documents d’importance protégés dans ce lieu sûr (archives de la lieutenance de police, archives des chambres de l’Arsenal, du Châtelet, du Parlement de Paris [affaires judiciaires], archives de la maison du roi), des documents et papiers privés de certains membres du personnel de la prison (comme ceux du gouverneur de Launay), permettant donc de nombreux éclairages sur l’histoire judiciaire, sur l’histoire des prisons sous l’Ancien Régime mais aussi sur l’histoire des mentalités à la fin de l’Ancien Régime. Ces archives ont aussi permis de démonter de nombreux clichés sur cette redoutable prison et ses affaires célèbres, du nombre de prisonniers à la Bastille le 14 juillet 1789 au Masque de fer en passant par la construction du mythe de la Bastille comme symbole de l’arbitraire.
L’arrivée d’un nouveau prisonnier est annoncée par les cloches de la Bastille. Les boutiques avoisinantes doivent alors fermer et les gardes se masquent pour ne pas voir le nouvel arrivant. Il est alors « embastillé », néologisme créé par Voltaire.
A la prison d’Etat de la Bastille, on est mieux traiter qu’ailleurs, même si on retrouve le statut social de l’extérieur. Ainsi se constituent simultanément la légende noire des prisonniers des cachots et la légende dorée des prisonniers en chambre. L’historien Claude Quétel écrit : « En fait les deux aspects ne s’excluent pas : dans les étages, de confortables appartements, dans les basses-fosses, des cachots humides et secrets ou dépérissent les prisonniers. »
Cependant, les traitements n’y sont pas les mêmes, y compris chez les nobles : Sade fait retapisser sa « chambre » à son goût, boit de son vin préféré qu’il fait venir de Provence, voit sa femme une fois par mois, alors que Fouquet n’obtient l’autorisation d’une visite de son confesseur et de sa femme qu’après dix-huit ans d’incarcération.
(Source : La Bastille ou « l’Enfer des vivants » ? / BNF)
Cette exposition La Bastille ou « l’Enfer des vivants » ? s’est vue complétée par une bibliographie, dans laquelle vous devriez trouver des documents pertinents pour votre recherche.
Une recherche dans le catalogue du SUDOC, ainsi que dans notre propre catalogue, nous a permis de trouver quelques ouvrages traitant des prisonniers et datant du XVIIIe siècle :
• Lettres de Joseph Le Bon à sa femme, pendant les quatorze mois de prison qui ont précédé sa mort / avec une préface historique par son fils, Emile Le Bon
• Histoire de la détention des philosophes et des gens de lettres à la Bastille et à Vincennes : précédée de celle de Foucquet, de Pellisson et de Lauzun, avec tous les documents authentiques et inédits / Joseph Delort
• Mémoires sur la Bastille, par M Linguet, surrexit è mortuis
• En prison sous la terreur : souvenirs de J.-B. Billecocq (1765-1829) / éditeurs scientifiques Nicole Felkay et Hervé Favier
• La Bastille sous la Régence / Mémoires de Mme de Staal de Launay
• Mémoires sur la Bastille / Simon-Nicolas-Henri Linguet ; préface et notes d’Olivier Boura
De plus, avant la fin du XVIIIe siècle, la question de la réinsertion des prisonniers n’est pas vraiment d’actualité :
Il faudra attendre 1791 pour que la réinsertion soit prise en compte.
Dans l’Antiquité, au Moyen Age et même au début des Temps Modernes, la réinsertion était impossible : la prison n’était pas considérée comme une peine ayant pour but l’amendement du condamné. En Grèce comme à Rome, les peines usuelles étaient la confiscation des biens, le bannissement, l’exil ou la mort. Comment vouliez-vous croire à une nouvelle vie après la prison dans de telles conditions ?
La prison servait de lieu de détention préventive, de contrainte pour obliger les détenus à s’acquitter de leurs dettes, ou encore de lieu de supplice. En aucun cas l’on se préoccupait de l’état psychologique dans lequel se trouvait le détenu.
Jusqu’au XVIIIe siècle, les prisons restèrent réservées essentiellement aux inculpés en instance de jugement et aux condamnés qui attendaient leur départ pour les galères, la déportation ou l’échafaud. La spécificité ne s’arrêtait pas là car il existait des prisons pour les prisonniers politiques tel que la Bastille ou encore des « maisons de force » qui accueillaient les mendiants, les vagabonds, les prostituées, les fous...Est-ce une raison d’emprisonner un individu sous prétexte qu’il cherche de quoi se nourrir ou qu’il cherche un endroit où résider ?
C’est pour cette raison qu’en France, dès 1557, Henri II essaya de réformer le système pénitentiaire car il jugeait que « les prisons ont été faites pour la garde des prisonniers mais elles leur apportent plus grande peine qu’ils n’ont méritées. » De nombreux changements s’opérèrent dans d’autres pays. En 1703, le Pape Clément XI ouvrit la voie aux réformes modernes en fondant à Rome l’hospice de St Michel à Ripa : cette maison de correction pour jeunes gens inaugurait le régime cellulaire et se donnait pour but essentiel l’amendement des détenus qui devaient y recevoir une instruction religieuse et une formation professionnelle. La notion de réinsertion commence à prendre forme et à avoir un sens. En tous cas, elle est présente dans les esprits. C’est à partir de la Révolution que la prison devint une peine habituellement infligée par les tribunaux.
Arriva 1791 où la réinsertion fût enfin prise en compte car les inventeurs de la prison moderne avait une ambition : « Réhabiliter autant que punir ».
Il existe maintenant 2 sortes de prisons :
-les maisons d’arrêt pour les courtes peines et les prévenus.
-les maisons centrales pour les longues.
Il faut savoir que ni la première République ni Napoléon ne se soucièrent beaucoup de la condition des détenus à la différence de la Restauration, qui créa une Société des prisons et prit les premières mesures humanitaires.
(Source : La réinsertion après une vie carcérale / Aurélie Beau, Emmanuelle Goma, Charléne Trignier et Ophélie Lassalle)
Voici également une sélection de ressources papier et web, contemporaines, sur les prisonniers au XVIIIe siècle :
• Buveurs, voleuses, insensés et prisonniers à Namur au XVIIIs siècle
• Prisonniers et Prisons de la Terreur / Rémy BIJAOUI
• La Dernière lettre : prisons et condamnés de la Révolution : 1793-1794 / Olivier Blanc
• Prisonniers de guerre français et anglais au dix-huitième siècle / Revue Défense Nationale
• La Bastille et ses secrets / Frantz Funck-Brentano
• La Bastille dévoilée par ses archives / Claude Quétel
• La Bastille : histoire vraie d’une prison légendaire
• Une légende noire : les lettres de cachet
• Condamnés au XVIIIs siècle / Arlette Farge
Bonne journée
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