Question d'origine :
Mon cher Guichet,
Je me suis toujours demandé pourquoi certaines odeurs sont appréciées ou détestées par tous, alors que d'autres ne le sont que par quelques-uns.
Par exemple, tout le monde reconnaît que l'odeur du pain en train de cuire est agréable. De même, tout le monde redoute l'odeur d'une poubelle.
En revanche, notre sensibilité n'est pas unanime pour le tabac, le poisson ou le fromage. Comment peut-on l'expliquer ?
Second volet de ma question : notre sensibilité aux odeurs évolue avec l'âge. Jusqu'à douze ans environ, j'ai apprécié l'odeur du fromage, mais ne la supporte plus maintenant. Que s'est-il passé ?
Amicalement.
Barbu des bois
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 15/04/2015 à 09h54
Bonjour,
Les scientifiques se sont intéressés à cette question et ont réalisé des études en proposant des odeurs à différents participants et ont cherché les raisons pour lesquelles tous les participants ne répondaient pas de la même façon aux stimuli.
La revue La Recherche a ainsi rédigé un article sur le sujet :
«Pourquoi y a-t-il de bonnes et de mauvaises odeurs ?
Pour des raisons biologiques et culturelles. Parfois, la perception olfactive que l'on a d'une molécule dépend de sa concentration. Ainsi, l'indole dégage une note florale proche du jasmin lorsqu'il est dilué et une odeur fécale lorsqu'il est concentré. Cela tient probablement au fait que le panel des récepteurs olfactifs mis en jeu est d'autant plus diversifié que la concentration de la substance odorante est élevée. À l'autre extrémité de la chaîne de perception olfactive, l'interprétation d'une odeur peut elle aussi varier en fonction de la valeur hédonique qui lui est associée grâce aux liens privilégiés entre le cortex olfactif et l'amygdale, structure cérébrale qui joue un rôle clé dans les émotions. Les souvenirs associés à une odeur donnée peuvent eux aussi influencer la façon dont ces odeurs sont catégorisées. Des chercheurs ont ainsi récemment testé la perception de douze molécules en France, au Vietnam et au Congo. En faisaient partie deux molécules volatiles du fromage, les acides isovalérique et butyrique. En France, on associait bien leurs effluves à celles du fromage. Au Congo, pays récemment en guerre civile, on parlait plutôt de pourriture, de plaies, et d'hôpital. Et au Vietnam, où ces odeurs sont inhabituelles, elles évoquaient l'humidité et le moisi. Enfin, la culture intervient sur le ressenti de chacun, via les choix sémantiques qu'elle privilégie par exemple dans ses expressions imagées. C'est ainsi qu'en France une rose sentira toujours meilleur qu'un bouc.
Comment l'odorat s'affine-t-il ?
Dès la cinquième semaine de son développement, alors qu'il ne mesure que 4 millimètres, l'embryon humain possède des structures munies de neurones olfactifs, à l'emplacement des futures fosses nasales. Et à huit semaines, les bulbes olfactifs sont proches de ceux de l'adulte. Or, le foetus est exposé à certains arômes présents dans l'alimentation maternelle, car ils passent dans le sang, traversent le placenta et parviennent dans le liquide amniotique. La barrière placentaire devenant plus perméable au cours de la grossesse, la quantité de ces molécules odorantes augmente. Et le foetus va s'en souvenir. La preuve ? Quand on lui fait sentir plusieurs liquides amniotiques, un nouveau-né se tourne immanquablement vers le sien. Dès la naissance, il fait la différence entre l'odeur du colostrum de sa mère, celui d'une autre femme et un lait artificiel. Son odorat va s'affiner avec l'expérience, par mise en mémoire puis reconnaissance des odeurs lors de rencontres successives.Mais aucun entraînement ne pourra rien changer au fait qu'il existe un très fort polymorphisme dans les 347 gènes humains codant des récepteurs olfactifs fonctionnels, avec pour conséquence que nous n'avons pas tous les mêmes récepteurs olfactifs. Du coup, le seuil de sensibilité à une molécule donnée peut varier d'un facteur 100 d'un individu à un autre. »
Le site Futura-sciences propose les résultats d’une étude néozélandaise de 2013 affinant les réponses de l’article de La Recherche. La sensibilité variable aux odeurs serait due à nos gènes… : Le plaisir de sentir du roquefort serait inscrit dans les gènes :
« Les individus ne perçoivent pas tous les odeurs de la même façon. Des chercheurs viennent de mettre le doigt sur l'une des raisons de cette différence. Certains gènes, qui codent pour des récepteurs olfactifs responsables de la perception des arômes, seraient exprimés différemment en fonction des personnes.
Tout au long de la journée, le système olfactif perçoit des odeurs diverses et variées plus ou moins plaisantes : le café fumant du petit déjeuner, les effluves de la boulangerie, la transpiration d’une journée d’été, les relents du métro… Ces composés chimiques volatiles s’infiltrent dans les narines et se fixent sur des récepteurs olfactifs qui communiquent l’information au cerveau.
Si la plupart des personnes apprécient le parfum des fleurs et sont révulsées par la puanteur des poubelles, certaines senteurs ne mettent pas tout le monde d’accord. Par exemple, alors que certains se lèchent les babines face à l’odeur d’un camembert bien coulant, d’autres ne peuvent s’empêcher de se protéger le nez quand on leur tend le plateau de fromages. Des chercheurs néo-zélandais du Plant and Food Research ont creusé la question des différences d’odorat au sein d’une population. Dans deux nouvelles études, publiées dans la revue Current Biology, ils ont mis en évidence le lien entre cette perception et l’expression des gènes.
Au cours de leurs travaux, les scientifiques ont étudié la sensibilité de 200 personnes confrontées à dix composés odorants fréquemment présents dans la nourriture. En parallèle, ils ont analysé le niveau d’expression de chacun de leurs gènes en réponse à une odeur particulière. En d’autres termes, ils ont examiné l’effet d’une odeur sur le taux de lecture des gènes. Leurs résultats montrent que quatre des fragrances testées induisent une différence au niveau génétique chez les individus. Il s’agit de l’isobutyraldéhyde, du bêta-damascenone, la 2-heptanone et la β-ionone, des composés chimiques retrouvés respectivement dans le malt, la pomme, le fromage bleu et la rose.
Des odeurs qui modifient l’expression des gènes
Ces études ont également montré que cette disparité au niveau génétique se traduit par une différence dans la sensation ressentie.Ainsi, certaines personnes au profil d’expression génétique particulier décrivent le parfum des roses (β-ionone) comme agréable, alors que d’autres le trouve aigre. Or, la β-ionone entre dans la composition de nombreux aliments et boissons. « Nous avons été surpris de constater cette corrélation entre certaines odeurs communes et l’expression des gènes. Ainsi, lorsqu’un groupe d’amis partage un repas, chacun vit une expérience gustative particulière », explique Jeremy McRae, l'un des chercheurs.
Dans un deuxième temps, les scientifiques ont examiné en détail les gènes régulés par les odeurs. Sans surprise, ils ont montré que la majorité codait pour des récepteurs olfactifs. L’un des gènes joue un rôle dans la relation entre les sentiments et la nourriture. Selon les auteurs, il pourrait être impliqué dans la préférence de certains types d’aliments, en fonction de l’état émotionnel.
Cependant,ces résultats n’expliquent pas les différences culinaires entre les cultures. En effet, il n’existe pas de profil génétique type par pays qui viendrait expliquer la diversité des habitudes gustatives à travers le monde. L’odorat, comme tous les autres sens, est très complexe, et n’est probablement pas uniquement influencé par la génétique. Des études ont par exemple souligné que les souvenirs pouvaient influencer la façon dont les senteurs sont catégorisées. Une odeur de fromage français peut ainsi évoquer l’humidité et le moisi dans un pays non habitué à cette spécialité. »
Nos gènes entrent donc en jeu dans notre appréciation des odeurs, selon les personnes une odeur qui semble agréable pourra être considérée comme désagréable. Notre culture influe aussi sur notre perception des odeurs, notre cerveau mémorise les odeurs selon les expériences, les découvertes olfactives et gustatives. Ainsi, une odeur que l’on a aimée peut par la suite nous écœurer, cela peut se produire pour des raisons variées. Les odeurs font réagir nos souvenirs, ainsi une odeur de gâteau nous ramènera dans notre passé, c’est le phénomène de la madeleine de Proust. Notre cerveau associe les odeurs à des évènements, à des moments précis de notre histoire.
Pour votre dégoût envers le fromage, il faut rechercher dans votre histoire personnelle la raison de ce changement. Vous trouverez plus de détails sur ce point dans l’ouvrage Odeurs et émotions: le nez a ses raisons..., sous la direction de Benoist Schaal.
Pour en savoir plus :
- Et l'odorat ? : le nez sens dessus-dessous, Catherine Bouvet.
- L'odorat en question : conférence du vendredi 11 octobre 2013, Jean-Pierre Royet. (D.V.D)
- Mémoire et expériences olfactives : anthropologie d'un savoir-faire sensoriel, Joël Candau.
- Manipulations olfactives : enquête sur ces odeurs qui séduisent, guérissent, trahissent, Catherine Bouvet.
Bonne journée.
Les scientifiques se sont intéressés à cette question et ont réalisé des études en proposant des odeurs à différents participants et ont cherché les raisons pour lesquelles tous les participants ne répondaient pas de la même façon aux stimuli.
La revue La Recherche a ainsi rédigé un article sur le sujet :
«
Pour des raisons biologiques et culturelles. Parfois, la perception olfactive que l'on a d'une molécule dépend de sa concentration. Ainsi, l'indole dégage une note florale proche du jasmin lorsqu'il est dilué et une odeur fécale lorsqu'il est concentré. Cela tient probablement au fait que le panel des récepteurs olfactifs mis en jeu est d'autant plus diversifié que la concentration de la substance odorante est élevée. À l'autre extrémité de la chaîne de perception olfactive, l'interprétation d'une odeur peut elle aussi varier en fonction de la valeur hédonique qui lui est associée grâce aux liens privilégiés entre le cortex olfactif et l'amygdale, structure cérébrale qui joue un rôle clé dans les émotions. Les souvenirs associés à une odeur donnée peuvent eux aussi influencer la façon dont ces odeurs sont catégorisées. Des chercheurs ont ainsi récemment testé la perception de douze molécules en France, au Vietnam et au Congo. En faisaient partie deux molécules volatiles du fromage, les acides isovalérique et butyrique. En France, on associait bien leurs effluves à celles du fromage. Au Congo, pays récemment en guerre civile, on parlait plutôt de pourriture, de plaies, et d'hôpital. Et au Vietnam, où ces odeurs sont inhabituelles, elles évoquaient l'humidité et le moisi. Enfin, la culture intervient sur le ressenti de chacun, via les choix sémantiques qu'elle privilégie par exemple dans ses expressions imagées. C'est ainsi qu'en France une rose sentira toujours meilleur qu'un bouc.
Dès la cinquième semaine de son développement, alors qu'il ne mesure que 4 millimètres, l'embryon humain possède des structures munies de neurones olfactifs, à l'emplacement des futures fosses nasales. Et à huit semaines, les bulbes olfactifs sont proches de ceux de l'adulte. Or, le foetus est exposé à certains arômes présents dans l'alimentation maternelle, car ils passent dans le sang, traversent le placenta et parviennent dans le liquide amniotique. La barrière placentaire devenant plus perméable au cours de la grossesse, la quantité de ces molécules odorantes augmente. Et le foetus va s'en souvenir. La preuve ? Quand on lui fait sentir plusieurs liquides amniotiques, un nouveau-né se tourne immanquablement vers le sien. Dès la naissance, il fait la différence entre l'odeur du colostrum de sa mère, celui d'une autre femme et un lait artificiel. Son odorat va s'affiner avec l'expérience, par mise en mémoire puis reconnaissance des odeurs lors de rencontres successives.
Le site Futura-sciences propose les résultats d’une étude néozélandaise de 2013 affinant les réponses de l’article de La Recherche. La sensibilité variable aux odeurs serait due à nos gènes… : Le plaisir de sentir du roquefort serait inscrit dans les gènes :
« Les individus ne perçoivent pas tous les odeurs de la même façon. Des chercheurs viennent de mettre le doigt sur l'une des raisons de cette différence. Certains gènes, qui codent pour des récepteurs olfactifs responsables de la perception des arômes, seraient exprimés différemment en fonction des personnes.
Tout au long de la journée, le système olfactif perçoit des odeurs diverses et variées plus ou moins plaisantes : le café fumant du petit déjeuner, les effluves de la boulangerie, la transpiration d’une journée d’été, les relents du métro… Ces composés chimiques volatiles s’infiltrent dans les narines et se fixent sur des récepteurs olfactifs qui communiquent l’information au cerveau.
Au cours de leurs travaux, les scientifiques ont étudié la sensibilité de 200 personnes confrontées à dix composés odorants fréquemment présents dans la nourriture. En parallèle, ils ont analysé le niveau d’expression de chacun de leurs gènes en réponse à une odeur particulière. En d’autres termes, ils ont examiné l’effet d’une odeur sur le taux de lecture des gènes. Leurs résultats montrent que quatre des fragrances testées induisent une différence au niveau génétique chez les individus. Il s’agit de l’isobutyraldéhyde, du bêta-damascenone, la 2-heptanone et la β-ionone, des composés chimiques retrouvés respectivement dans le malt, la pomme, le fromage bleu et la rose.
Ces études ont également montré que cette disparité au niveau génétique se traduit par une différence dans la sensation ressentie.
Cependant,
Nos gènes entrent donc en jeu dans notre appréciation des odeurs, selon les personnes une odeur qui semble agréable pourra être considérée comme désagréable. Notre culture influe aussi sur notre perception des odeurs, notre cerveau mémorise les odeurs selon les expériences, les découvertes olfactives et gustatives. Ainsi, une odeur que l’on a aimée peut par la suite nous écœurer, cela peut se produire pour des raisons variées. Les odeurs font réagir nos souvenirs, ainsi une odeur de gâteau nous ramènera dans notre passé, c’est le phénomène de la madeleine de Proust. Notre cerveau associe les odeurs à des évènements, à des moments précis de notre histoire.
Pour votre dégoût envers le fromage, il faut rechercher dans votre histoire personnelle la raison de ce changement. Vous trouverez plus de détails sur ce point dans l’ouvrage Odeurs et émotions: le nez a ses raisons..., sous la direction de Benoist Schaal.
Pour en savoir plus :
- Et l'odorat ? : le nez sens dessus-dessous, Catherine Bouvet.
- L'odorat en question : conférence du vendredi 11 octobre 2013, Jean-Pierre Royet. (D.V.D)
- Mémoire et expériences olfactives : anthropologie d'un savoir-faire sensoriel, Joël Candau.
- Manipulations olfactives : enquête sur ces odeurs qui séduisent, guérissent, trahissent, Catherine Bouvet.
Bonne journée.
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