Question d'origine :
Sur quelles bases l'interdit de l'image est-il apparu dans l'histoire de l'humanité et comment a-t-il transformé l'image en outil de pouvoir?
Bases religieuses et politiques
Réponse du Guichet
gds_alc
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 20/05/2015 à 10h31
Bonjour,
Dans le cadre de la religion, on parle souvent d’iconoclasme pour désigner une religion interdisant l’image. Toutefois, il ne s’agit pas là du mot exact pour désigner le refus ou l’absence d’image, comme l’indique l’ouvrage de Marie-France Auzépy, L’iconoclasme (collection Que sais-je ?) :
« Le mot "iconoclasme" vient du grec et signifie le fait de casser (klaô, je casse ; klasma, bris) des images eikôn, prononcé ikôn, image). Il peut s’appliquer à l’activité isolée d’un individu qui brise une statue ou lacère un tableau, mais il désigne plus spécifiquement une religion ou un mouvement religieux hostile à la représentation de la divinité, des personnages et signes sacrés, et qui, pour cette raison, détruit leurs images. Cette destruction explique la connotation péjorative du nom "iconoclasme" comme de l’adjectif "iconoclaste", synonyme de "casseur" ».
Toutefois, Marie-France Auzépy relève qu’il faut différencier "iconoclasme" et "aniconisme". Mots proches, venant tous deux du grec (a-/an-, sans ; eikôn, image : fait de refuser une image). On peut ainsi parler de mosaïques, sculptures ou fresques aniconiques lorsqu’elles possèdent uniquement des formes géométriques ou végétales. Pour différencier ces deux noms, l’auteur ajoute :
« Certes, l’iconoclasme et l’aniconisme ne sont pas sans lien, mais la violence est propre à l’iconoclasme. Ainsi, l’on dira que l’islam est une religion aniconique, c'est-à-dire qui n’admet pas la représentation de Dieu, ni celle des êtres animés, et que les talibans afghans sont iconoclastes, parce qu’ils ont détruit de nombreuses images, dont les très célèbres Bouddhas de Bâmyân ».
Il semble que l’interdit de l’image remonte à l’Antiquité, et étonnamment en Egypte entre 1372 et 1354 av. J-C. Comme l’indique l’Association Egyptologique de Gironde (AEG), « le roi est l’image de dieu par excellence, il est son remplaçant vivant ». Peu de temps après sa montée au trône, Amenophis IV (futur Akhenaton) proclama l’existence d’un seul et unique dieu : Aton. Akhenaton fait alors fermer les temples et détruire les statues des autres dieux du panthéon. A la fin, les seules représentations qui restent d’Aton sont le disque solaire et les mains terminant les rayons du soleil.
Source : Reproduction d’une stèle en calcaire retrouvée au temple d'Aton à Akhetaton, exposée désormais au musée du Caire – papyrus-egyptien.
Concernant les autres religions monothéistes, le site de la BNF relève que l’on trouve des informations relatives au refus de l’image et de la représentation dans les textes religieux :
-L’Ancien Testament interdit la représentation de Dieu : « Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. » Exode XX, 4 – Traduction œcuménique de la Bible
-Le Coran mentionne les idoles, ces versets peuvent être perçus comme une condamnation des images : « Abraham dit à son père Azar : "Prendras-tu des idoles [asnâm] pour divinités ? Je te vois, toi et ton peuple, dans un égarement manifeste". » Coran, VI, 74 – Traduction de Denise Masson, Gallimard, "Bibliothèque de La Pléiade", 1967).
-Les recueils de hadîths (recueils de paroles du Prophète) déconseillent l’usage d’objets décorés de motifs figuratifs pouvant détourner de la prière et empêcher la venue de l’ange de la Révélation : « Les anges n’entreront pas dans une maison où il y a un chien, ni dans celle où il y a des images. » Al-Bukhârî, LXXVII, 87. Al-Sahîh (L’Authentique), l’un des deux plus grands recueils de hadîths, compilé au IXe siècle.
Le Prophète va également à l’encontre des peintres qui sont considérés comme des imitateurs de la réalité se plaçant en rivaux de Dieu : « Ceux qui seront punis avec le plus de sévérité au jour du jugement dernier sont : le meurtrier d’un prophète, celui qui a été mis à mort par un prophète, l’ignorant qui induit les autres en erreur et celui qui façonne des images et des statues. » Cité par Oleg Grabar, La Formation de l’art islamique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2000, p. 112.
Pour aller plus loin, voici une liste de documents qui pourront vous aider :
- L'Image interdite : une histoire intellectuelle de l'iconoclasme – Alain Besançon
- L’image divine et son interdiction dans les religions monothéiste – Association Egyptologique de Giron (AGS)
- L’interditction des images et l’art du palais à Byzance et dans l’islam ancien – André Grabar
- La question de l’image en Islam – Annie Vernay-Nouri (Enluminures en Islam / BNF)
- D’anciennes questions posées sur le Guichet du Savoir : L’irreprésentable et Mahomet
- Images et religions du Livre – Numéro Spécial Artpress
- L’iconoclasme – Marie-France Auzépy (Que sais-je ?)
Concernant la relation entre politique et religion, on peut considérer que ces deux éléments ont toujours été fortement liés de par l’histoire et le monde et se sont souvent influencés l’un comme l’autre. Voici une liste d’ouvrages auxquels nous vous pouvez vous référer pour approfondir cette question :
- Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion – Marcel Gauchet
- Le religieux et le politique : Douze réponses de Marcel Gauchet – Olivier Bobineau
- La question religieuse au XXIe siècle – Georges Corm
- Religion et politique – N° Spécial La Quinzaine
Dans le cadre de la religion, on parle souvent d’iconoclasme pour désigner une religion interdisant l’image. Toutefois, il ne s’agit pas là du mot exact pour désigner le refus ou l’absence d’image, comme l’indique l’ouvrage de Marie-France Auzépy, L’iconoclasme (collection Que sais-je ?) :
« Le mot "iconoclasme" vient du grec et signifie le fait de casser (klaô, je casse ; klasma, bris) des images eikôn, prononcé ikôn, image). Il peut s’appliquer à l’activité isolée d’un individu qui brise une statue ou lacère un tableau, mais il désigne plus spécifiquement une religion ou un mouvement religieux hostile à la représentation de la divinité, des personnages et signes sacrés, et qui, pour cette raison, détruit leurs images. Cette destruction explique la connotation péjorative du nom "iconoclasme" comme de l’adjectif "iconoclaste", synonyme de "casseur" ».
Toutefois, Marie-France Auzépy relève qu’il faut différencier "iconoclasme" et "aniconisme". Mots proches, venant tous deux du grec (a-/an-, sans ; eikôn, image : fait de refuser une image). On peut ainsi parler de mosaïques, sculptures ou fresques aniconiques lorsqu’elles possèdent uniquement des formes géométriques ou végétales. Pour différencier ces deux noms, l’auteur ajoute :
« Certes, l’iconoclasme et l’aniconisme ne sont pas sans lien, mais la violence est propre à l’iconoclasme. Ainsi, l’on dira que l’islam est une religion aniconique, c'est-à-dire qui n’admet pas la représentation de Dieu, ni celle des êtres animés, et que les talibans afghans sont iconoclastes, parce qu’ils ont détruit de nombreuses images, dont les très célèbres Bouddhas de Bâmyân ».
Il semble que l’interdit de l’image remonte à l’Antiquité, et étonnamment en Egypte entre 1372 et 1354 av. J-C. Comme l’indique l’Association Egyptologique de Gironde (AEG), « le roi est l’image de dieu par excellence, il est son remplaçant vivant ». Peu de temps après sa montée au trône, Amenophis IV (futur Akhenaton) proclama l’existence d’un seul et unique dieu : Aton. Akhenaton fait alors fermer les temples et détruire les statues des autres dieux du panthéon. A la fin, les seules représentations qui restent d’Aton sont le disque solaire et les mains terminant les rayons du soleil.
Source : Reproduction d’une stèle en calcaire retrouvée au temple d'Aton à Akhetaton, exposée désormais au musée du Caire – papyrus-egyptien.
Concernant les autres religions monothéistes, le site de la BNF relève que l’on trouve des informations relatives au refus de l’image et de la représentation dans les textes religieux :
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Le Prophète va également à l’encontre des peintres qui sont considérés comme des imitateurs de la réalité se plaçant en rivaux de Dieu : « Ceux qui seront punis avec le plus de sévérité au jour du jugement dernier sont : le meurtrier d’un prophète, celui qui a été mis à mort par un prophète, l’ignorant qui induit les autres en erreur et celui qui façonne des images et des statues. » Cité par Oleg Grabar, La Formation de l’art islamique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2000, p. 112.
Pour aller plus loin, voici une liste de documents qui pourront vous aider :
- L'Image interdite : une histoire intellectuelle de l'iconoclasme – Alain Besançon
- L’image divine et son interdiction dans les religions monothéiste – Association Egyptologique de Giron (AGS)
- L’interditction des images et l’art du palais à Byzance et dans l’islam ancien – André Grabar
- La question de l’image en Islam – Annie Vernay-Nouri (Enluminures en Islam / BNF)
- D’anciennes questions posées sur le Guichet du Savoir : L’irreprésentable et Mahomet
- Images et religions du Livre – Numéro Spécial Artpress
- L’iconoclasme – Marie-France Auzépy (Que sais-je ?)
Concernant la relation entre politique et religion, on peut considérer que ces deux éléments ont toujours été fortement liés de par l’histoire et le monde et se sont souvent influencés l’un comme l’autre. Voici une liste d’ouvrages auxquels nous vous pouvez vous référer pour approfondir cette question :
- Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion – Marcel Gauchet
- Le religieux et le politique : Douze réponses de Marcel Gauchet – Olivier Bobineau
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