Question d'origine :
Bonjour, Je cherche des informations sur le conflit entre le Pape et Louis XIV sur les nominations des bénéfices des abbayes urbanistes (ou querelle des "prétendantes"?). Cela doit avoir un lien avec le droit de régale et les Quatre Articles (qui concernent juste les évêchés vacants) mais je ne trouve pas de référence satisfaisante. merci à vous, bien cordialement,
Claire
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 20/06/2015 à 10h36
Vous cherchez des informations sur le conflit entre le Pape et Louis XIV ainsi que des références.
Nous vous conseillons de consulter
RÉGALE DROIT DE
Les droits du roi ou droits régaliens étaient, sous l'Ancien Régime, l'expression même de la souveraineté. L'un d'entre eux était le droit de régale. Abus consolidé en droit au VIIIe siècle, il apparaît à l'époque carolingienne. Le roi l'exerce en cas de vacance d'un siège épiscopal, prenant le diocèse sous sa protection, assurant la défense de ses biens contre toute usurpation, les administrant et s'en appropriant les revenus pour prix de sa protection. Lorsqu'un nouvel évêque aura prêté serment de fidélité au roi, celui-ci lui remettra son évêché (episcopatus), c'est-à-dire son diocèse et les biens de ce dernier, ce qu'on appelle le temporel de l'évêque. Exercée en principe par le roi, la régale est souvent usurpée par les grands féodaux dans les régions échappant à l'autorité royale. Le droit de régale semble s'être également exercé en cas de vacance d'un siège abbatial, pratique qui disparaît au XIe siècle. La régale est la contrepartie de l'intervention royale dans le processus de dévolution des biens épiscopaux. Du fait qu'au Moyen Âge la notion de bénéfice ecclésiastique allie intimement le temporel et le spirituel, le roi, considéré comme un personnage ecclésiastique par l'onction du sacre, tendra à élargir le domaine de la régale aux questions spirituelles. De ce fait, à l'époque moderne, on distingue la régale temporelle (le roi détenant le bénéfice pendant la vacance) et la régale spirituelle (le roi nommant pendant cette vacance aux bénéfices qui dépendent du siège épiscopal et qui seraient à pourvoir). Cette dernière, qui constitue un cas particulier, n'est d'abord appliquée qu'à certains évêchés. Le Parlement décide en 1608 de l'étendre à l'ensemble du royaume, décision inappliquée du fait des protestations du clergé. En 1673, Louis XIV rappelle la décision de 1608 et en ordonne de nouveau l'application dans tout le royaume. La régale spirituelle est alors acceptée par la quasi-unanimité des évêques, mais refusée par le pape. L'assemblée du clergé de 1682 rédige en réponse la Déclaration du clergé de France sur la puissance ecclésiastique et la puissance séculière, ou déclaration des Quatre Articles, où sont mis en forme les principes du gallicanisme des évêques français. Après un conflit de dix ans, le pape accepte la régale spirituelle en 1693. Cette « affaire de la régale », qui marque la victoire du roi et sa mainmise sur l'épiscopat, confirme également le déclin de la régale temporelle. En effet, si, au Moyen Âge, elle constituait une source occasionnelle mais appréciable de revenus (le roi retardant parfois, dans un but purement lucratif, l'élection des nouveaux évêques), son importance pécuniaire décroît à l'époque moderne, car le roi abandonne ses profits, par l'intermédiaire de la caisse des économats, aux nouveaux convertis, à l'éducation d'enfants protestants dans la religion catholique, à la réparation des églises. De l'usage fait par Louis XIV du droit de régale est née dès cette époque l'expression de régalisme, système gallican qui constituera, au XVIIIe siècle, la doctrine de défense de l'État contre la papauté de nombreux pays méditerranéens et sera l'une des composantes du joséphisme.
Frédéric BLUCHE, « RÉGALE DROIT DE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 juin 2015.
Dans le chapitre "Gallicanisme et ultramontanisme aux XVIe et XVIIe siècles" un extrait permettant de mieux saisir ce que sont les Les quatre articles :
En vertu du droit de régale – qui existait dans la majeure partie du royaume, le Midi excepté –, le souverain, pendant la vacance des évêchés, pouvait percevoir leurs revenus et nommer aux bénéfices de collation épiscopale ne comportant pas de charge d'âmes. En fait Louis XIII, en 1641, avait renoncé aux revenus des évêchés vacants – régale temporelle –, mais maintenu d'autant plus son droit de nommer aux bénéfices devenus libres en période de vacance épiscopale – régale spirituelle. En 1673, Louis XIV étendit ce « droit royal essentiel et inaliénable », avec effet rétroactif, à tout son royaume. Sur cent vingt évêques français, deux seulement, qui étaient de sympathies jansénistes, Pavillon et Caulet, protestèrent et firent appel à Rome : l'austère et strict Innocent XI refusa de consentir à cette nouvelle « invasion » du pouvoir laïc. D'où un conflit qui conduisit au bord de la rupture. L'assemblée générale du clergé français de 1680 se rangea du côté du roi. Celle de 1681-1682, mécontente de l'« ingérence » du pape dans les affaires de l'Église de France, qu'elle tenait pour une violation du concordat de 1516, proclama officiellement les « libertés de l'Église gallicane » en quatre articles qui, rédigés par Bossuet, reprenaient un rapport doctrinal de la Sorbonne établi en 1663. On y affirmait :
« Les papes n'ont reçu de Dieu qu'un pouvoir spirituel. Les rois et les princes ne sont soumis dans les choses temporelles à aucune puissance ecclésiastique ; ils ne peuvent donc pas être déposés en vertu du pouvoir des chefs de l'Église et leurs sujets ne peuvent pas être déliés du serment de fidélité.
« La plénitude de puissance du Siège apostolique est limitée par les décrets de Constance sur l'autorité des conciles généraux qui ont une valeur durable et non pas seulement pour l'époque du schisme.
« L'usage de la puissance pontificale est réglé par les canons de l'Église ; mais, à côté d'eux, les principes et les coutumes de l'Église gallicane qui existent depuis toujours doivent demeurer en vigueur.
« Dans les décisions sur les questions de foi, le pape a la part principale, mais sa décision n'est pas irréformable, à moins que n'intervienne le consentement de l'Église. »
Les parlements enregistrèrent les Quatre Articles : ce qui signifiait leur enseignement obligatoire dans les facultés de théologie et les séminaires. Innocent XI protesta. Plus tard, en 1690, Alexandre VIII les déclara nuls et sans valeur, ainsi que l'édit royal sur le droit de régale, sans toutefois frapper la déclaration de 1682 d'une censure théologique. Rome refusa l'investiture canonique à tous ceux qui avaient participé à l'assemblée de 1681-1682 et que Louis XIV proposa pour l'épiscopat. Le roi, de son côté, interdit aux évêques qu'il nommerait de demander l'investiture pontificale. Au bout de six ans, trente-cinq diocèses se trouvaient privés d'évêques. Toutefois, les difficultés extérieures de la France à partir de 1690 et les dispositions plus conciliantes de Rome permirent d'aboutir à l'accord de 1693. L'enseignement des Quatre Articles ne fut plus imposé ; les seize candidats à l'épiscopat qui avaient pris part à l'assemblée de 1682 envoyèrent au pape une lettre individuelle d'excuses ; l'extension de la régale subsista. La doctrine gallicane continua d'être exposée dans les séminaires et acceptée dans les thèses de théologie. Soutenue au XVIIIe siècle par les parlements, elle fit alors école en Allemagne, en Autriche, en Toscane, aux Pays-Bas. Elle ne cessa de marquer la vie politique et religieuse de la France durant toute la période qui s'étend de la mort de Louis XIV à la révolution de 1830.
Extrait de
Jean DELUMEAU, « GALLICANISME », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 juin 2015.
Vous pouvez trouver dans de nombreux ouvrages sur Louis XIV des analyses de cet épisode. Nous vous conseillons notamment
- Le règne de louis XIV, d’Olivier Chaline, P 157 et suivante
- Louis XIV, d’Ernest Lavisse, le Gallicanisme, p 384 à 398
- Les origines religieuses de la révolution française Louis XIV, de Dale K. Van Kley, P. 67 et suivantes.
Si vous avez besoin d’une approche encore plus experte de la question , vous pouvez vous référer à :
Les assemblées du clergé et Louis XIV, de 1670 à 1693, de Pierre Blet.
Ce livre est à consulter sur place à la bibliothèque.
Vous pouvez lire une recension de Raymond Darricau : Pierre Blet. Les assemblées du clergé et Louis XIV, de 1670 à 1693. In: Revue d'histoire de l'Église de France. Tome 60. N°164, 1974. pp. 116-119. sur le site Persée, 20 juin 2015
Vous trouvez un chapitre de ce livre sur :
Google Books
Pour terminer, nous vous renvoyons à une source :
Archim.
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