Question d'origine :
Bonjour, j'aimerai savoir pourquoi les fabriques de fromages en Savoie et Haute Savoie s'appellent des fruitières
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 11/03/2016 à 10h01
L'origine du mot est sujet à controverse : pour les uns, fruitière vient de « fruit » : il est le lieu où les paysans mettent le « fruit de leur travail » en commun, ou alors font « fructifier » leur bien ; pour d'autres, il serait dérivé du français médiéval ou du fribourgeois fretière, de la même famille que « fromage » (Dans Wikipedia).
Nous avons consulté plusieurs dictionnaires étymologiques du français mais sans succès.
Le Dictionnaire savoyard publié sous les auspices de la Société florimontane par A Constantin et J. Désormaux, réimpression de l’édition de 1902 indique :
Fruitière, sf. : établissement où l’on fait le fromage. La fruitière-école de Pringy. Même mot en Franche-Comté. Cf. V. Hugo (Les Misérables, I, p. 190) : « Ils ont, dans le pays de Pontarlier, une industrie toute patriarcale et toute charmante. Ce sont leurs fromageries qu’ils appellent fruitières. »
« M. de Rochas (De l’utilité d’un Glossaire topographique, p. 17) fait remarquer que fret dans le patois de Fribourg signifiant un fromage, fruitière doit être une corruption de frétière. Cette étymologie est, en effet, bien préférable à celle de fruit. » (Littré, Supplément).
Dans Nos fruitières, nos fruitiers, éd. 1989, Louis Vuichard renvoie à une brochure éditée par la FNCL, Fédération nationale des coopératives laitières, dans laquelle il est dit :
« C’est incontestablement dans les Monts du Jura qu’il faut situer le berceau de la Coopérative laitière. Etait-il suisse ou français ce berceau ? Les deux versants ont leurs partisans, tous historiens ou spécialistes sérieux, tous convaincus de posséder des preuves irréfutables.
Pour les partisans de la naissance suisse, c’est l’étymologie qui doit emporter la certitude : le mot « fret » signifie « fromage », en patois fribourgeois et les associations fromagères sont appelées « fretières ». Or la région de Fribourg est la patrie du fromage de gruyère, dont le nom est celui d’une localité du canton. Les Franc-Comtois auraient donc – toujours d’après la thèse suisse – adopté le fromage et le nom « fretière » devenu par déformation « fruitière ».
On s’en doute, les Français réfutent absolument cette argumentation. Ils voient dans le mot « fruitière » un dérivé du latin « fructus » qui signifie fruit. Dans la plupart des chartes latines, traitant de l’amodiation des pâturages, les fromages dus par les exploitants sont désignés par le terme « fructus » ; fruitière n’aurait donc aucune origine commune avec la « fretière » suisse.
La thèse française affirme d’autre part que les fruitières existaient déjà dans le Doubs en 1264 et qu’il est fort probable que gruyère et fruitières furent importés en Suisse par les Franc-comtois exilés. Elle affirme enfin que le terme « gruyère » est d’origine française, plus précisément comtoise, inspiré par les « gruyers » qui, à l’époque féodale, étaient chargés de la surveillance des forêts et pâturages ».
Pour nous, Savoyards, nous n’avons jamais douté de l’origine du mot « fruitière » et toujours volontairement ignoré la thèse fribourgeoise. Nous avons pourtant jugé bon d’en signaler la controverse, si bien résumée dans ladite brochure.
Pour appuyer la provenance du mot « fructus » « fruit » et donc de fruitière, nous en avons eu l’indiscutable confirmation, quand, visitant une cave coopérative des vins d’Arbois, nous avons constaté que sa dénomination était : Fruitière Vinicole d’Arbois (donc le fruit de la vigne des associés). Il faut encore signaler qu’en fin du siècle dernier, un éminent professeur d’agriculture dans un rapport au conseil général, dit textuellement : « dans le Jura et le Doubs, on « fruite » en société.
Nous voilà donc tous d’accord pour appeler « fruitière » le lieu où se travaille notre lait, comme « la société fruitière » qui a le souci de construire, d’entretenir et de mettre à disposition les locaux appropriés aux fabrications qu’exploitaient et exploitent encore ceux qu’on appelle les fruitiers. (…..)
Vous pourriez consulter également : Histoire des fruitières du Revermont, de 1840 à nos jours / par André Abbiateci, édité en 1994. Un extrait :
Entre 1800 et 1870, de nombreuses fruitières se créent dans le Pays de Gex, dans les montagnes du Haut-Bugey et dans le Valromey. Les agriculteurs de ces régions orientent leurs activités vers l’élevage laitier en adoptant un modèle d’organisation né au Moyen Age dans le Jura central, la fruitière. Le mot ne désigne pas encore obligatoirement un bâtiment spécialisé, à savoir le chalet où se fabrique le fromage. La fruitière c’est l’association de plusieurs producteurs de lait qui se regroupent pour produire un fromage dont la fabrication nécessite beaucoup plus de lait que les vaches d’un seul éleveur ne peuvent fournir ; ce fromage, c’est le plus souvent le gruyère, mais il existe aussi des fruitières à bleu et des fruitières mixtes. (……)
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