Parentalité
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 13/04/2016 à 17h56
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Question d'origine :
L'apprentissage du monde chez l'enfant doit il se faire en s'éloignant de plus en plus du ventre maternel ?
Réponse du Guichet
gds_et
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 15/04/2016 à 13h44
Bonjour,
Faire l’apprentissage de l’autonomie et de l’indépendance, acquérir la confiance en soi nécessaire pour s’épanouir dans le monde extérieur, est un long cheminement qui commence dès la naissance. Pour les parents, il s’agit de trouver le juste équilibre entre rassurer et encourager. C’est ce qu’explique Claude Halmos dans son article : Enfants : leur apprendre à nous quitter :
La route commence à la naissance. Véritable épreuve pour le petit d’homme qui doit à la fois quitter le corps de sa mère, et passer d’un espace aquatique au milieu aérien où nulle survie n’est possible sans le travail éprouvant de la respiration. S’il est accueilli par des parents qui l’aident à franchir le pas, la tendresse et la chaleur de leurs gestes, de leurs voix, les mots qu’ils disent pour nommer sa personne et le monde lui fabriquent un "contenant" nouveau mais aussi rassurant que l’était le ventre maternel. Le changement se fait dans la continuité et la sécurité. Il peut "se retrouver", tisser un lien entre ce qu’il était avant – in utero – et ce qu’il est désormais. Si, à l’inverse, il arrive dans un monde vide de présences et de mots, si son corps est violenté, cette première séparation devient pour lui synonyme de souffrance et d’insécurité. Et si nul par la suite ne l’aide, elle peut, prenant valeur de modèle, l’amener à aborder avec angoisse toutes celles qui suivront.
La route se poursuit avec le sevrage, qui contraint le bébé à renoncer au corps à corps avec sa mère. Bien des pathologies de la séparation renvoient à cette étape qui ne peut se passer bien qu’à trois conditions. Si, dans la période qui précède, la relation a été "suffisamment bonne" : on ne peut séparer que ce qui a été uni. Si le moment choisi est, pour les deux protagonistes, le bon : ni trop tôt, ni trop tard. Et si le passage s’effectue sans douleur : si la mère peut, telle un alchimiste, transmuer en mots la chaleur et le bonheur du corps à corps, faire de la parole un lieu de rencontre riche et joyeux. Si ce n’est pas le cas, la séparation devient pour l’enfant synonyme de perte irrémédiable de l’autre, mais aussi de lui-même que cette "rupture" laisse sans repères.
Ensuite vient la station debout, la marche, et ce vertige enivrant – ou paralysant – à s’éprouver, dans l’espace, corps autonome. Puis le moment où, les mains ayant appris à faire seules les gestes de la vie, l’enfant devient capable, pour reprendre les mots de Françoise Dolto, de "s’auto-materner" et de "s’auto-paterner" (en s’appropriant le rôle rassurant et soutenant de ses parents, l’enfant devient une “bonne mère” et un “bon père” pour lui-même), etc. La vie d’un enfant ressemble donc à une course d’obstacles. Les occasions de chute ne manquent pas. D’autant qu’il faut leur ajouter les séparations et les abandons traumatiques que peut imposer la vie : décès d’un parent, départ inexpliqué d’une nourrice… C’est toujours avec le poids – inconscient – de ces multiples dérapages que les jeunes adultes abordent le départ du domicile parental, qui signe la fin de leur enfance.
Les armer pour la vie
Mais un tel départ implique aussi que les voyageurs en partance se sentent capables d’affronter l’extérieur. Or, cette confiance en eux-mêmes manque à certains. Soit parce que, ayant vécu coupés du dehors dans une famille trop protectrice, ils ne peuvent se le représenter que comme une jungle inconnue et hostile. Soit parce que, leur éducation ne leur ayant pas donné l’occasion de s’affronter aux difficultés, ils n’ont pas pu se prouver qu’ils pouvaient les résoudre et acquérir de ce fait une représentation positive de leurs capacités. Une éducation ne peut permettre à un enfant de se sentir armé pour la vie qu’à deux conditions.
1) Si la porte de la famille est en permanence ouverte sur la vie :
• si les repères éducatifs donnés par les parents sont les mêmes que ceux qui ont cours dans la société. Permettre dans la famille des choses interdites dehors – frapper, voler, etc. – creuse entre l’intérieur et l’extérieur un fossé qui peut à terme devenir infranchissable.
• si l’interdit de l’inceste est clairement posé et respecté. La croyance, inconsciente, en la possibilité de se marier avec papa ou maman constitue, même à un âge avancé, l’un des freins essentiels à l’envol de nombreux jeunes gens.
• si la succession des générations est comprise et acceptée, car c’est elle qui donne un sens au départ : « Je quitte mes parents comme eux ont quitté les leurs. » Les parents "copains" qui jouent à être aussi jeunes que leurs enfants sont un frein à leur émancipation.
• et si les parents n’ont pas un besoin, inconscient, trop grand de garder leurs enfants.
2) Si la marche arrière est interdite
Il faut également que l’enfant soit encouragé, voir poussé, à franchir cette porte. Pour cela, les parents doivent, dans l’éducation qu’ils lui donnent, ne pas se contenter de le suivre mais le précéder : évaluer à chaque étape ce dont il est capable et l’inviter à le faire. C’est la seule solution pour que l’enfant comprenne que l’on croit en ses capacités, et surtout pour lutter contre la tendance qu’il peut avoir à "faire du surplace". Il faut aussi qu’ils favorisent son autonomie. Sur le plan psychologique, en respectant ses désirs et ses opinions. Et sur le plan de la réalité, c’est-à-dire la possibilité qu’il a :
• de faire les choses seul dès qu’il en a l’âge (à 6 ans, ne pas savoir lacer ses chaussures est dévalorisant).
• de les penser seul (bien des jeunes gens terrifiés à l’idée d’avoir à organiser seuls leur vie matérielle, sont en fait d’anciens enfants à qui l’on a dit trop longtemps : « Va te laver les dents », « Pense à ton cartable », etc.).
• de régler seul ses problèmes avec les autres. Apprendre à un enfant à se défendre dans la cour de récréation est formateur. Aller voir la maîtresse pour qu’elle le prenne sous son aile est invalidant.
• d’assurer seul le financement de certaines choses qu’il désire (d’où l’intérêt de l’argent de poche), etc.
Voici en complément plusieurs ouvrages qui vous permettront d’approfondir le sujet :
• L'autonomie, mode d'emploi : comment lui donner envie de devenir grand Etty Buzyn
L'auteur montre en quoi, entre abandon et surprotection, l'autonomie de l'enfant est un compromis qui évolue à mesure que celui-ci grandit, mais dont la mesure est une condition de son épanouissement.
• L'autonomie : conseils et astuces au quotidien Madeleine Deny
Comment encourager son enfant à faire seul ? Comment l'aider à faire ses propres choix ? Comment le préparer à bien vivre les premières séparations ? Comment lui apprendre à s'organiser dans son travail ? Un livre futé, truffé de conseils pour aider les parents à accompagner positivement et durablement leur enfant sur le chemin de l'autonomie. Pour chaque âge, des situations quotidiennes analysées pour dédramatiser et bien réagir. Des astuces et des conseils " testés et approuvés " pour trouver des solutions. Les réponses précises d'experts à toutes vos questions... sans oublier beaucoup d'humour et de tendresse, les meilleurs alliés d'une vie de famille réussie !
• Comment aider l'enfant à devenir lui-même ? : guide de voyage à l'intention du parent François de Singly
François de Singly s'insurge ici contre les propos éducatifs tenus par certains experts, psychologues ou psychanalystes, qui fustigent l'éducation libérale au nom d'une séparation stricte des rôles entre parents et enfants, d'une restauration d'une autorité sans partage et sans explications, d'une conception unilatérale de la transmission et de l'obéissance. À ces injonctions, relayées avec ferveur dans les médias, l'auteur oppose ce qu'il appelle plaisamment le rôle du " parent voyagiste ", qui accompagne le voyage de l'enfant vers l'âge adulte. La plupart des parents ne sont pas dépourvus de ressources dans cette tâche, qui reste la tâche fondamentale de toute éducation : conduire l'enfant à l'autonomie.
• Détache-moi ! : se séparer pour grandir Professeur Marcel Rufo
L'auteur explique que pour bien grandir l'enfant doit apprendre à se séparer des personnes et des objets qu'il affectionne : ventre maternel, nounou, jouet, doudou, etc. Toute séparation est une épreuve dont il doit sortir grandi. Il décrit en quoi consiste le métier de parents dans ce processus de détachement menant à l'autonomie.
Bonne journée.
Faire l’apprentissage de l’autonomie et de l’indépendance, acquérir la confiance en soi nécessaire pour s’épanouir dans le monde extérieur, est un long cheminement qui commence dès la naissance. Pour les parents, il s’agit de trouver le juste équilibre entre rassurer et encourager. C’est ce qu’explique Claude Halmos dans son article : Enfants : leur apprendre à nous quitter :
La route commence à la naissance. Véritable épreuve pour le petit d’homme qui doit à la fois quitter le corps de sa mère, et passer d’un espace aquatique au milieu aérien où nulle survie n’est possible sans le travail éprouvant de la respiration. S’il est accueilli par des parents qui l’aident à franchir le pas, la tendresse et la chaleur de leurs gestes, de leurs voix, les mots qu’ils disent pour nommer sa personne et le monde lui fabriquent un "contenant" nouveau mais aussi rassurant que l’était le ventre maternel. Le changement se fait dans la continuité et la sécurité. Il peut "se retrouver", tisser un lien entre ce qu’il était avant – in utero – et ce qu’il est désormais. Si, à l’inverse, il arrive dans un monde vide de présences et de mots, si son corps est violenté, cette première séparation devient pour lui synonyme de souffrance et d’insécurité. Et si nul par la suite ne l’aide, elle peut, prenant valeur de modèle, l’amener à aborder avec angoisse toutes celles qui suivront.
La route se poursuit avec le sevrage, qui contraint le bébé à renoncer au corps à corps avec sa mère. Bien des pathologies de la séparation renvoient à cette étape qui ne peut se passer bien qu’à trois conditions. Si, dans la période qui précède, la relation a été "suffisamment bonne" : on ne peut séparer que ce qui a été uni. Si le moment choisi est, pour les deux protagonistes, le bon : ni trop tôt, ni trop tard. Et si le passage s’effectue sans douleur : si la mère peut, telle un alchimiste, transmuer en mots la chaleur et le bonheur du corps à corps, faire de la parole un lieu de rencontre riche et joyeux. Si ce n’est pas le cas, la séparation devient pour l’enfant synonyme de perte irrémédiable de l’autre, mais aussi de lui-même que cette "rupture" laisse sans repères.
Ensuite vient la station debout, la marche, et ce vertige enivrant – ou paralysant – à s’éprouver, dans l’espace, corps autonome. Puis le moment où, les mains ayant appris à faire seules les gestes de la vie, l’enfant devient capable, pour reprendre les mots de Françoise Dolto, de "s’auto-materner" et de "s’auto-paterner" (en s’appropriant le rôle rassurant et soutenant de ses parents, l’enfant devient une “bonne mère” et un “bon père” pour lui-même), etc. La vie d’un enfant ressemble donc à une course d’obstacles. Les occasions de chute ne manquent pas. D’autant qu’il faut leur ajouter les séparations et les abandons traumatiques que peut imposer la vie : décès d’un parent, départ inexpliqué d’une nourrice… C’est toujours avec le poids – inconscient – de ces multiples dérapages que les jeunes adultes abordent le départ du domicile parental, qui signe la fin de leur enfance.
Mais un tel départ implique aussi que les voyageurs en partance se sentent capables d’affronter l’extérieur. Or, cette confiance en eux-mêmes manque à certains. Soit parce que, ayant vécu coupés du dehors dans une famille trop protectrice, ils ne peuvent se le représenter que comme une jungle inconnue et hostile. Soit parce que, leur éducation ne leur ayant pas donné l’occasion de s’affronter aux difficultés, ils n’ont pas pu se prouver qu’ils pouvaient les résoudre et acquérir de ce fait une représentation positive de leurs capacités. Une éducation ne peut permettre à un enfant de se sentir armé pour la vie qu’à deux conditions.
1) Si la porte de la famille est en permanence ouverte sur la vie :
• si les repères éducatifs donnés par les parents sont les mêmes que ceux qui ont cours dans la société. Permettre dans la famille des choses interdites dehors – frapper, voler, etc. – creuse entre l’intérieur et l’extérieur un fossé qui peut à terme devenir infranchissable.
• si l’interdit de l’inceste est clairement posé et respecté. La croyance, inconsciente, en la possibilité de se marier avec papa ou maman constitue, même à un âge avancé, l’un des freins essentiels à l’envol de nombreux jeunes gens.
• si la succession des générations est comprise et acceptée, car c’est elle qui donne un sens au départ : « Je quitte mes parents comme eux ont quitté les leurs. » Les parents "copains" qui jouent à être aussi jeunes que leurs enfants sont un frein à leur émancipation.
• et si les parents n’ont pas un besoin, inconscient, trop grand de garder leurs enfants.
2) Si la marche arrière est interdite
Il faut également que l’enfant soit encouragé, voir poussé, à franchir cette porte. Pour cela, les parents doivent, dans l’éducation qu’ils lui donnent, ne pas se contenter de le suivre mais le précéder : évaluer à chaque étape ce dont il est capable et l’inviter à le faire. C’est la seule solution pour que l’enfant comprenne que l’on croit en ses capacités, et surtout pour lutter contre la tendance qu’il peut avoir à "faire du surplace". Il faut aussi qu’ils favorisent son autonomie. Sur le plan psychologique, en respectant ses désirs et ses opinions. Et sur le plan de la réalité, c’est-à-dire la possibilité qu’il a :
• de faire les choses seul dès qu’il en a l’âge (à 6 ans, ne pas savoir lacer ses chaussures est dévalorisant).
• de les penser seul (bien des jeunes gens terrifiés à l’idée d’avoir à organiser seuls leur vie matérielle, sont en fait d’anciens enfants à qui l’on a dit trop longtemps : « Va te laver les dents », « Pense à ton cartable », etc.).
• de régler seul ses problèmes avec les autres. Apprendre à un enfant à se défendre dans la cour de récréation est formateur. Aller voir la maîtresse pour qu’elle le prenne sous son aile est invalidant.
• d’assurer seul le financement de certaines choses qu’il désire (d’où l’intérêt de l’argent de poche), etc.
Voici en complément plusieurs ouvrages qui vous permettront d’approfondir le sujet :
• L'autonomie, mode d'emploi : comment lui donner envie de devenir grand Etty Buzyn
L'auteur montre en quoi, entre abandon et surprotection, l'autonomie de l'enfant est un compromis qui évolue à mesure que celui-ci grandit, mais dont la mesure est une condition de son épanouissement.
• L'autonomie : conseils et astuces au quotidien Madeleine Deny
Comment encourager son enfant à faire seul ? Comment l'aider à faire ses propres choix ? Comment le préparer à bien vivre les premières séparations ? Comment lui apprendre à s'organiser dans son travail ? Un livre futé, truffé de conseils pour aider les parents à accompagner positivement et durablement leur enfant sur le chemin de l'autonomie. Pour chaque âge, des situations quotidiennes analysées pour dédramatiser et bien réagir. Des astuces et des conseils " testés et approuvés " pour trouver des solutions. Les réponses précises d'experts à toutes vos questions... sans oublier beaucoup d'humour et de tendresse, les meilleurs alliés d'une vie de famille réussie !
• Comment aider l'enfant à devenir lui-même ? : guide de voyage à l'intention du parent François de Singly
François de Singly s'insurge ici contre les propos éducatifs tenus par certains experts, psychologues ou psychanalystes, qui fustigent l'éducation libérale au nom d'une séparation stricte des rôles entre parents et enfants, d'une restauration d'une autorité sans partage et sans explications, d'une conception unilatérale de la transmission et de l'obéissance. À ces injonctions, relayées avec ferveur dans les médias, l'auteur oppose ce qu'il appelle plaisamment le rôle du " parent voyagiste ", qui accompagne le voyage de l'enfant vers l'âge adulte. La plupart des parents ne sont pas dépourvus de ressources dans cette tâche, qui reste la tâche fondamentale de toute éducation : conduire l'enfant à l'autonomie.
• Détache-moi ! : se séparer pour grandir Professeur Marcel Rufo
L'auteur explique que pour bien grandir l'enfant doit apprendre à se séparer des personnes et des objets qu'il affectionne : ventre maternel, nounou, jouet, doudou, etc. Toute séparation est une épreuve dont il doit sortir grandi. Il décrit en quoi consiste le métier de parents dans ce processus de détachement menant à l'autonomie.
Bonne journée.
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