Question d'origine :
Bonjour, de retour d'un voyage à Lisbonne et l'an dernier à Séville, j'ai découvert" les azulejos" qui habillent des murs entiers et aussi racontent des scènes de vie à la période du XVI° siècle.N'ayant pas vu le musée de Lisbonne qui leur est consacré, je suis intriguée de leur fabrication et comment étaient réalisées ces fresques.
Pouvez-vous me répondre?
Cordialement.
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 24/01/2017 à 12h09
Bonjour
L’azulejo désigne ces fresques faites de carreaux de faïence décorés de motif divers et variés. Il est spécifique à l’art espagnol et portugais.
Mercado dos Lavradores (Madeira)
By H. Zell (Own work) [GFDL or CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
Museu Nacional do Azulejo (Lisbonne)
By Alvesgaspar (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
« Le terme azulejo (prononcé azoulejou) est employé au Portugal depuis le début du XVIe siècle pour faire référence au carreau émaillé. Repris de l’espagnol, il venait du mot arabe azzelij – pierre plate, lisse – par lequel les Orientaux désignaient au départ les mosaïques romano-byzantines du Proche-Orient et d’Afrique du Nord. Ces dernières furent imitées à l’aide de glaçures sur céramique dans les techniques mudéjar , parvenues avec les artisans musulmans dans les centres ibériques de Malaga, Séville (Triana), Valence (Manises, Paterna) ou encore Talavera de ma Reina Bien que le mot portugais pour « bleu » - azul – ait pour origine un vocable persan désignant le lapis-lazuli, le terme azulejo ne se rapporte jamais à la couleur seule mais aux reflets d’une surface qui peut être animée de différentes nuances. […]
La technique mudéjar
On distingue trois types de techniques mudéjar , liés au répertoire ornemental de goût musulman, essentiellement linéaire et végétal.
Les alicatados désignent des parties monochromes, coupées selon des formes géométriques et émaillées de couleur diverses. Juxtaposés sur une surface murale, ces éléments colorés composent une sorte de mosaïque. Une telle méthode exigeait un labeur considérable, donc extrêmement coûteux. Elle fut rapidement remplacée par les deux types suivants. Dans la technique de la corda seca (ou cuerda seca en espagnol), une sorte de cloisinné, les lignes du motif sont tracés sur l’argile à demi sèche et les sillons ainsi obtenus sont remplis d’une pâte à base d’oxyde de manganèse et d’huile de lin. La cuisson révèle un dessin noir, qui sert également à séparer les divers émaux posés sur une même pièce, les empêchant de se mélanger. Avec le procédé aresta ( arista en espagnol) ou cuenca , la séparation des champs colorés est obtenue au moyen des arêtes et des creux produits en imprimant un négatif du modèle sur l’argile fraîche. […]
Dans tous les cas, il faut avoir un mélange particulièrement homogène et chargé de silice qui agit comme dégraissant et comme stabilisateur. Après une première cuisson, la glaçure est étendue sous forme fluide ; la couelur provient de l’adjonction d’oxydes métalliques de cobalt pour le bleu, de cuivre pour le vert, de manganèse pour le brun noir, de fer pour le jaune, ou d’étain pour le blanc, sur une base d’oxyde de plomb qui a pour effet d’abaisser la température de fusion du mélange. […]
La technique de la majolique
Vers le milieu du XVIe siècle, les artisans italiens exportent la nouvelle technique de la faïence « majolique » en Flandres, en France, en Espagne et au Portugal. […]
Sur les pièces de céramique déjà cuites – le biscuit – est étendu un mélange liquide quoique assez épais d’oxyde d’étain et de plomb, de sable quartzeux, de sel de mer et de soude. Une seconde cuisson tire alors de l’argile la silice qu’elle contient. Elle vient se mélanger et se solidifier en glaçure à la surface. […]
Les couleurs sont données exclusivement par des oxydes métalliques. Les diverses combinaisons et alliages sont délicats et difficiles à préparer, pour abaisser le point de fusion de l’ensemble, si bien que la palette se limite à cinq couleurs principales : bleu de cobalt, vert de cuivre, brun, violet ou noir de manganèse, jaune d’antimoine et rouge orange de fer. […]
On appelle « couleurs de grand feu » les mélanges colorés appliqués directement sur l’argile encore crue. Comme elles sont cuites en même temps que la glaçure, elles doivent résister à des températures d’au moins huit cent cinquante degrés. »
Azulejos du Portugal / Rioletta Sabo, Jorge Nuno Falcato et Nicolas Lemonnier
« Pourtant, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, l'azulejo a de bien plus lointaines origines. Arrivée en Espagne par le biais de la conquête arabe musulmane, cette technique est déjà attestée en Mésopotamie, dans l'Empire perse, dès le Ier millénaire avant J.-C. […]
1. Origine et diffusion des azulejos
L'utilisation de la céramique en plaques de revêtement remonte aux civilisations anciennes du Moyen-Orient (Babylone, la Perse aux environs du Ier millénaire). Mais le terme azulejos désigne d'une manière plus précise les plaques de revêtement à décor émaillé utilisées d'abord à Samarra au ixe siècle par les potiers musulmans. Par la suite, cette mode se répandit en Mésopotamie, en Perse, et jusqu'en Tunisie où l'on peut encore admirer les grands carreaux à décor lustré qui ornent le mihrab de mosquée de Kairouan (xe s.). La diffusion de ce type de décor s'est faite d'Orient en Occident par l'Afrique du Nord et par l'Espagne, c'est-à-dire le long de ce que l'on appelle la « route de la faïence » (H. P. Fourest). Dès le xe siècle, la corniche du mirhab de Cordoue est ornée de plaques émaillées à décor brun et vert. À partir du xive siècle, l'Espagne chrétienne l’adopte et contribue, surtout aux xve et xvie siècles, à répandre les carreaux de céramique émaillée dans toute l'Europe. Le terme espagnol azulejo semble avoir été adopté à cette période pour désigner ce nouveau type de technique. […]
3. Les centres de production
Jusqu'au xvie siècle, les grands centres producteurs d'azulejos sont situés en Orient, à Rayy, Kāchān, Sultānabād, Rakka, Hamā, Damas, Iznik et Fuṣtạ̄t. En Espagne, on trouve des centres de production d'azulejos en Andalousie, à Málaga, Séville et Grenade ; en Castille, à Tolède et Talavera de la Reina et, dans le Levante, à Teruel, Manises, Barcelone, Manresa et, plus tard, à Alcora. En France, pour les premières faïences à décor brun et vert datant du xive siècle, on connaît actuellement Saint-Quentin-la-Poterie et peut-être Narbonne. On assiste ensuite à une véritable floraison de centres faïenciers bien répertoriés en Espagne, en Allemagne, en Hollande, en Italie... C'est sous la forme du décor peint de l'azulejo que s'est répandu en Europe le décor architectonique du carreau émaillé. »
Azulejos / Colette Crouzet (in Encyclopaedia Universalis)
L’Institut Camões, qui a pour misson de promouvoir la culture portaugaise, proposait en 2000 une exposition sur les azulejos : L’art de l’azulejo au Portugal. Vous retrouverez sur le site consacré à l’exposition de plus amples informations sur les azulejos au fil des siècles ; tout comme l’ouvrage Métamorphoses de l’azur : l’art de l’azulejo dans le monde latin.
Bonne journée
L’azulejo désigne ces fresques faites de carreaux de faïence décorés de motif divers et variés. Il est spécifique à l’art espagnol et portugais.
Mercado dos Lavradores (Madeira)
By H. Zell (Own work) [GFDL or CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
Museu Nacional do Azulejo (Lisbonne)
By Alvesgaspar (Own work) [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons
« Le terme azulejo (prononcé azoulejou) est employé au Portugal depuis le début du XVIe siècle pour faire référence au carreau émaillé. Repris de l’espagnol, il venait du mot arabe azzelij – pierre plate, lisse – par lequel les Orientaux désignaient au départ les mosaïques romano-byzantines du Proche-Orient et d’Afrique du Nord. Ces dernières furent imitées à l’aide de glaçures sur céramique dans les techniques mudéjar , parvenues avec les artisans musulmans dans les centres ibériques de Malaga, Séville (Triana), Valence (Manises, Paterna) ou encore Talavera de ma Reina Bien que le mot portugais pour « bleu » - azul – ait pour origine un vocable persan désignant le lapis-lazuli, le terme azulejo ne se rapporte jamais à la couleur seule mais aux reflets d’une surface qui peut être animée de différentes nuances. […]
On distingue trois types de techniques mudéjar , liés au répertoire ornemental de goût musulman, essentiellement linéaire et végétal.
Les alicatados désignent des parties monochromes, coupées selon des formes géométriques et émaillées de couleur diverses. Juxtaposés sur une surface murale, ces éléments colorés composent une sorte de mosaïque. Une telle méthode exigeait un labeur considérable, donc extrêmement coûteux. Elle fut rapidement remplacée par les deux types suivants. Dans la technique de la corda seca (ou cuerda seca en espagnol), une sorte de cloisinné, les lignes du motif sont tracés sur l’argile à demi sèche et les sillons ainsi obtenus sont remplis d’une pâte à base d’oxyde de manganèse et d’huile de lin. La cuisson révèle un dessin noir, qui sert également à séparer les divers émaux posés sur une même pièce, les empêchant de se mélanger. Avec le procédé aresta ( arista en espagnol) ou cuenca , la séparation des champs colorés est obtenue au moyen des arêtes et des creux produits en imprimant un négatif du modèle sur l’argile fraîche. […]
Dans tous les cas, il faut avoir un mélange particulièrement homogène et chargé de silice qui agit comme dégraissant et comme stabilisateur. Après une première cuisson, la glaçure est étendue sous forme fluide ; la couelur provient de l’adjonction d’oxydes métalliques de cobalt pour le bleu, de cuivre pour le vert, de manganèse pour le brun noir, de fer pour le jaune, ou d’étain pour le blanc, sur une base d’oxyde de plomb qui a pour effet d’abaisser la température de fusion du mélange. […]
Vers le milieu du XVIe siècle, les artisans italiens exportent la nouvelle technique de la faïence « majolique » en Flandres, en France, en Espagne et au Portugal. […]
Sur les pièces de céramique déjà cuites – le biscuit – est étendu un mélange liquide quoique assez épais d’oxyde d’étain et de plomb, de sable quartzeux, de sel de mer et de soude. Une seconde cuisson tire alors de l’argile la silice qu’elle contient. Elle vient se mélanger et se solidifier en glaçure à la surface. […]
Les couleurs sont données exclusivement par des oxydes métalliques. Les diverses combinaisons et alliages sont délicats et difficiles à préparer, pour abaisser le point de fusion de l’ensemble, si bien que la palette se limite à cinq couleurs principales : bleu de cobalt, vert de cuivre, brun, violet ou noir de manganèse, jaune d’antimoine et rouge orange de fer. […]
On appelle « couleurs de grand feu » les mélanges colorés appliqués directement sur l’argile encore crue. Comme elles sont cuites en même temps que la glaçure, elles doivent résister à des températures d’au moins huit cent cinquante degrés. »
Azulejos du Portugal / Rioletta Sabo, Jorge Nuno Falcato et Nicolas Lemonnier
« Pourtant, contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, l'azulejo a de bien plus lointaines origines. Arrivée en Espagne par le biais de la conquête arabe musulmane, cette technique est déjà attestée en Mésopotamie, dans l'Empire perse, dès le Ier millénaire avant J.-C. […]
L'utilisation de la céramique en plaques de revêtement remonte aux civilisations anciennes du Moyen-Orient (Babylone, la Perse aux environs du Ier millénaire). Mais le terme azulejos désigne d'une manière plus précise les plaques de revêtement à décor émaillé utilisées d'abord à Samarra au ixe siècle par les potiers musulmans. Par la suite, cette mode se répandit en Mésopotamie, en Perse, et jusqu'en Tunisie où l'on peut encore admirer les grands carreaux à décor lustré qui ornent le mihrab de mosquée de Kairouan (xe s.). La diffusion de ce type de décor s'est faite d'Orient en Occident par l'Afrique du Nord et par l'Espagne, c'est-à-dire le long de ce que l'on appelle la « route de la faïence » (H. P. Fourest). Dès le xe siècle, la corniche du mirhab de Cordoue est ornée de plaques émaillées à décor brun et vert. À partir du xive siècle, l'Espagne chrétienne l’adopte et contribue, surtout aux xve et xvie siècles, à répandre les carreaux de céramique émaillée dans toute l'Europe. Le terme espagnol azulejo semble avoir été adopté à cette période pour désigner ce nouveau type de technique. […]
Jusqu'au xvie siècle, les grands centres producteurs d'azulejos sont situés en Orient, à Rayy, Kāchān, Sultānabād, Rakka, Hamā, Damas, Iznik et Fuṣtạ̄t. En Espagne, on trouve des centres de production d'azulejos en Andalousie, à Málaga, Séville et Grenade ; en Castille, à Tolède et Talavera de la Reina et, dans le Levante, à Teruel, Manises, Barcelone, Manresa et, plus tard, à Alcora. En France, pour les premières faïences à décor brun et vert datant du xive siècle, on connaît actuellement Saint-Quentin-la-Poterie et peut-être Narbonne. On assiste ensuite à une véritable floraison de centres faïenciers bien répertoriés en Espagne, en Allemagne, en Hollande, en Italie... C'est sous la forme du décor peint de l'azulejo que s'est répandu en Europe le décor architectonique du carreau émaillé. »
Azulejos / Colette Crouzet (in Encyclopaedia Universalis)
L’Institut Camões, qui a pour misson de promouvoir la culture portaugaise, proposait en 2000 une exposition sur les azulejos : L’art de l’azulejo au Portugal. Vous retrouverez sur le site consacré à l’exposition de plus amples informations sur les azulejos au fil des siècles ; tout comme l’ouvrage Métamorphoses de l’azur : l’art de l’azulejo dans le monde latin.
Bonne journée
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