Question d'origine :
Bonjour cher guichet,
Je souhaite utiliser pour un ouvrage sur lequel je travaille cette citation : "Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé". Il semblerait qu'elle soit de Marc Aurèle, peut être dans son ouvrage dont le titre en français est Pensées pour moi-même...
Cependant, comme je souhaite être précis sur mes sources, je recherche l'origine de cette citation, mais sans succès. Je viens donc humblement te demander si tu peux m'indiquer à la fois la source du texte original et le nom du traducteur ou de la traductrice.
Dans l'attente de ta réponse éclairée, je te souhaites, cher guichet, une excellente journée.
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 06/03/2019 à 11h44
Bonjour,
Nous n’avons pu trouver l’origine de cette citation dans aucune des éditions des œuvres de Marc Aurèle que nous avons pu consulter.
Nous l’avons pourtant trouvée, dans des ouvrages de management et de développement personnel, sur des sites répertoriant des citations de sagesse, ou même récitée par un psychologue de renom, ainsi formulée :
« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changéet le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre. »
Aucun traducteur ni aucun ouvrage-source n’étant jamais cité, nous avons poursuivi nos recherches sur différentes bases de données universitaires (cairn.info, persee.fr, etc), sans succès, ce qui nous a semblé étrange vu la notoriété et l’autorité du philosophe – et puis nous avons fini par tomber sur un article du site LundiMatin, le seul à tenter de remonter à la source de la citation… et selon lequel celle-ci, bien que d’inspiration stoïcienne, n’a rien à voir avec Marc Aurèle ! Il s’agirait d’une « Prière de la sérénité (d’origine obscure) » (et chrétienne) :
« Deus, dona mihi serenitatem accipere res quae non possum mutare, fortitudinem mutare res quae possum, atque sapientiam differentiam cognoscere.
[Mon Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses qui peuvent l’être et la sagesse d’en connaître la différence.]
Cet extrait de la prière a pu être ainsi laïcisé :
Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être, mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre.
On le voit, une pensée morale qui nourrit le principe religieux de la résignation trouve désormais un nouvel emploi sous la forme d’un slogan managérial ou d’une devise anti-déprime tout en étant attribuée à un penseur païen dont la réflexion subversive élaborée tend à s’estomper. Car le stoïcisme n’est pas l’école de la résignation mais celle de la noblesse et de la liberté de l’âme, se délestant de l’opinion. La partie I du Manuel d’Épictète pose d’emblée l’enjeu philosophique : maîtrise des représentations, justement à partir de la distinction : « Il y a des choses qui dépendent de nous ; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas » (première phrase du Manuel d’Épictète, éd. citée, I, p. 207). Le penseur invite à faire le départ entre le lieu de la liberté (à explorer) et celui de l’entrave, afin de s’attaquer à la servitude à la fois affective et idéologique. Pour ce qui ne dépend pas de nous, la réponse est prête : « Cela ne me concerne pas » (traduit par É. Bréhier dans l’édition Pléiade, Les Stoïciens, Gallimard, Paris, 1962 : « Voilà qui n’est rien pour moi », p. 1112). »
Sur l’ « origine obscure » de la prière de la sérénité, nous ne nous prononcerons pas. Wikipédia l’attribue au « théologien américain Reinhold Niebuhr (1892–1971) », non sans faire remarquer que « Cette prière a été attribuée de façon erronée à différents auteurs dont l'empereur Marc Aurèle […] à Boèce, à François d'Assise ou à Friedrich Christoph Oetinger alias Docteur Theodor Wilhelm (1906-2005) »…
On ne prête décidément qu’aux riches.
Bonne journée.
Nous l’avons pourtant trouvée, dans des ouvrages de management et de développement personnel, sur des sites répertoriant des citations de sagesse, ou même récitée par un psychologue de renom, ainsi formulée :
« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé
Aucun traducteur ni aucun ouvrage-source n’étant jamais cité, nous avons poursuivi nos recherches sur différentes bases de données universitaires (cairn.info, persee.fr, etc), sans succès, ce qui nous a semblé étrange vu la notoriété et l’autorité du philosophe – et puis nous avons fini par tomber sur un article du site LundiMatin, le seul à tenter de remonter à la source de la citation…
« Deus, dona mihi serenitatem accipere res quae non possum mutare, fortitudinem mutare res quae possum, atque sapientiam differentiam cognoscere.
[Mon Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses qui peuvent l’être et la sagesse d’en connaître la différence.]
Cet extrait de la prière a pu être ainsi laïcisé :
Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être, mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre.
On le voit, une pensée morale qui nourrit le principe religieux de la résignation trouve désormais un nouvel emploi sous la forme d’un slogan managérial ou d’une devise anti-déprime tout en étant attribuée à un penseur païen dont la réflexion subversive élaborée tend à s’estomper. Car le stoïcisme n’est pas l’école de la résignation mais celle de la noblesse et de la liberté de l’âme, se délestant de l’opinion. La partie I du Manuel d’Épictète pose d’emblée l’enjeu philosophique : maîtrise des représentations, justement à partir de la distinction : « Il y a des choses qui dépendent de nous ; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas » (première phrase du Manuel d’Épictète, éd. citée, I, p. 207). Le penseur invite à faire le départ entre le lieu de la liberté (à explorer) et celui de l’entrave, afin de s’attaquer à la servitude à la fois affective et idéologique. Pour ce qui ne dépend pas de nous, la réponse est prête : « Cela ne me concerne pas » (traduit par É. Bréhier dans l’édition Pléiade, Les Stoïciens, Gallimard, Paris, 1962 : « Voilà qui n’est rien pour moi », p. 1112). »
Sur l’ « origine obscure » de la prière de la sérénité, nous ne nous prononcerons pas. Wikipédia l’attribue au « théologien américain Reinhold Niebuhr (1892–1971) », non sans faire remarquer que « Cette prière a été attribuée de façon erronée à différents auteurs dont l'empereur Marc Aurèle […] à Boèce, à François d'Assise ou à Friedrich Christoph Oetinger alias Docteur Theodor Wilhelm (1906-2005) »…
On ne prête décidément qu’aux riches.
Bonne journée.
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