Question d'origine :
Bonjour,
Dans un communiqué de presse du 10/12/2012 (http://bit.ly/2bNB3WQ), La Banque Mondiale affiche en gros titre que "Les technologies de l'information et des communications sont en train de révolutionner le développement en Afrique". A côté, beaucoup de de chercheurs et d'observateurs restent dubitatifs en voyant les disparités, les clivages sociaux, les rôles déstabilisants des TIC dans les systèmes politiques et économiques actuels.
Les TIC ont-il structuré, renforcé les territoires ou l'ont-ils plutôt déstabilisé, fragilisé ? Existe-t-il un bilan mondial, par continent, au niveau d'un pays, d'une communauté qui permette de se faire une idée de la question ?
Cordialement
Réponse du Guichet
gds_se
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 24/08/2016 à 07h47
Bonjour
Le communiqué de presse Les technologies de l’information et des communications sont en train de révolutionner le développement en Afrique revient sur le développement des réseaux internet et de téléphonie mobile dans les pays du continent africain ainsi que sur leurs multiples applications : agriculture, services bancaires, santé, etc.
Il serait difficile de dire que les technologies de l’information et de la communication soient, à elles seules, facteurs de développement pour les pays ; même si elles jouent un rôle non négligeable dans ce processus :
1.1. Les obstacles tenaces qui s’opposent à l’admission des TIC comme facteurs de développement en Afrique
Deux obstacles s’opposent traditionnellement à l’admission des TIC comme facteurs de développement en Afrique. En premier lieu, se dresse l’argument des urgences du continent qui veut que la priorité soit accordée aux besoins classiques (nourriture, eau potable, santé publique, éducation, routes, etc.) [Anne Cécile Robert, 2000]. En second lieu, la difficulté particulière à mesurer le poids économique et social des TIC dans le développement.
1.1.1. L’argument du luxe improductif que constitueraient les TIC au regard des nombreuses priorités de développement en Afrique
Assez fréquemment, l’actualité se rapportant à l’Afrique est marquée par des faits de calamités (famine, maladies, coups d’état sanglants, guerres civiles, catastrophes naturelles, etc.). Dans un tel contexte de misère permanente, il n’est pas du tout étonnant que les planificateurs du développement et les décideurs politiques africains, dans la hiérarchisation de leurs projets de développement, accordent peu d’importance aux technologies de l’information et de la communication qu’ils considèrent, après tout, comme des besoins vraiment secondaires, voire superflus, selon un président africain cité par Jacques Bonjawo [2011, p.17]. Et ce, paradoxalement, en dépit de l’existence dans la plupart des pays d’un ministère spécialement dédié à ce secteur, censé en faire la promotion parce que supposé important.
Comment, en effet, avoir la volonté réelle d’initier des projets et de mobiliser des ressources pour le développement d’infrastructures encore perçues comme un luxe improductif alors que se posent dans le même temps des problèmes sensibles et jugés prioritaires comme la santé, la nourriture, l’eau potable, l’éducation, l’électrification ou encore les routes ? Face à de tels défis, il apparaît presque légitime pour maints Africains de développer une vision négative, voire hostile, vis-à-vis de ces TIC qu’ils apprennent en fait à découvrir. Aussi, plutôt que de les considérer comme une véritable opportunité de développement, les considèrent-ils comme inutiles, voire intrinsèquement inaptes au développement et donc ne méritant pas que les États y consacrent des investissements conséquents et ce, malgré les discours flatteurs visant à faire croire à une adhésion politique à un projet de société concernant les TIC (cf. citation précédente). […]
1.1.2. La difficulté particulière à mesurer le poids économique et social des TIC dans le développement. Un obstacle réel mais surmontable
De façon concrète, il est difficile de percevoir le rôle des TIC dans le développement alors que l’on parvient à mesurer statistiquement les incidences de développement de secteurs comme l’agriculture, la santé, même la recherche scientifique. Dans chacun de ces secteurs, on s’en rend compte respectivement à travers l’accroissement des rendements agricoles consécutif à l’usage des intrants, l’amélioration de l’espérance de vie, les résultats opérationnels dans différents domaines industriels ainsi que dans les stratégies de développement économique et de défense des États. La perception du rôle des TIC est rendue complexe par la difficulté même à mesurer le poids économique du secteur. Aussi, la manifestation des TIC sur le plan macroéconomique apparaît-elle pour beaucoup d’économistes comme quelque chose de nature paradoxale (voir ci-après). Ce sentiment de paradoxe découle probablement des réflexions de Robert Merton Solow3, qui observait en 1987 que l’ère de l’informatique était visible partout, sauf dans les statistiques sur la productivité (« We see the computer age everywhere except in the productivity statistics »). Cette antinomie fut rapidement baptisée « paradoxe de la productivité » ou « paradoxe de Solow », lequel traduit le fait que l’essor de l’informatique n’aurait pas entraîné, contrairement aux espoirs entretenus, un regain de croissance durant la période 1970-1990.
Pourtant, selon d’autres analystes économiques, ce paradoxe n’en serait pas vraiment un. Au nombre de ceux-ci, on peut citer Stephen Cohen et John Zysman [2001, pp. 34-35], deux professeurs de l’université américaine de Berkeley en Californie, qui ont par ailleurs coprésidé le Berkeley Round Table on International Economy4. Pour ces deux chercheurs, la conséquence de l’introduction des ordinateurs est déterminante, notamment par leurs implications dans les formes d’organisation des entreprises. Ils précisent toutefois que c’est moins le nombre d’ordinateurs que la modification globale que ceux-ci induisent dans le fonctionnement de l’économie qui accroît la productivité à travers un certain nombre de paramètres : mobilité géographique de la main-d’œuvre, flexibilité par rapport au type d’emploi, création d’entreprises, déplacement des investissements d’une nouveauté à une autre, évolution des organisations. Cette transformation organisationnelle générale serait à son tour génératrice de gains de productivité que l’on constaterait de manière assez nette dans les secteurs et les pays où l’informatisation et les TIC sont très répandues dans les activités.
1.2. Le changement de paradigme impose une vision plus positive du rôle des TIC dans le développement
Ce changement de paradigme se traduit par le rôle croissant de l’information dans les rouages de la société et de l’économie modernes [Toffler, 1991 ; UIT, 1982 ; Samara, 1999].
La société de l’information se caractérise par la réorganisation de la société autour de la production, du traitement, de la diffusion et de la consommation intensive de l’information dans pratiquement toutes les activités humaines. Cette réorganisation fait nécessairement appel à des réseaux et services de technologies de l’information et de la communication. Quant à l’économie de l’information (parfois désignée « nouvelle économie » ou encore « net économie »), elle se définit comme étant une nouvelle structure économique mondiale dans laquelle la production de biens et services d’information est prédominante dans la création de richesses et d’emplois. Ces réalités renvoient aux concepts de société du savoir et d’économie du savoir. Ces deux dynamiques concomitantes sont portées par les TIC qui ont accéléré le passage à une société et une économie fondées sur l’immatériel. Dans un tel contexte, les nouveaux facteurs de productivité et de compétitivité deviennent la créativité, le savoir, l’intelligence et l’expertise. L’on s’aperçoit donc que les enjeux de développement liés aux TIC sont réels pour peu qu’on sache les rechercher. Dès lors, une vision plus positive du rôle des TIC dans le développement peut s’apprécier à différents niveaux:
a) Les TIC rendent possible un accès plus facile et moins coûteux à l’information à un moment où la maîtrise de celle-ci est devenue un facteur capital du développement et où la capacité à y accéder, à la manipuler et à la diffuser conditionne la faisabilité et la durabilité du développement socioéconomique.
b) Les TIC donnent aux pays africains la possibilité d’une plus grande intégration économique, commerciale et culturelle dans le monde, à condition bien entendu que ces pays en soient parfaitement conscients et qu’ils consentent les investissements nécessaires devant leur permettre d’en saisir les opportunités.
c) Les réseaux télématiques offrent un gain de productivité et de compétitivité à travers la modification du système de management des entreprises. En effet, les échanges modernes sont fondés sur les paramètres de « réponse rapide », de « temps réel », de « concurrence basée sur le temps », etc. Les pays africains (principalement l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb) qui parviennent à respecter ces critères grâce à l’existence de bonnes infrastructures de TIC sont devenus plus compétitifs dans la mondialisation des échanges.
d) Au plan de l’aménagement du territoire, la localisation des entreprises et des populations dans les zones fragiles (enclavement, déshéritement naturel, marginalisation due à l’éloignement par rapport aux capitales) passe impérativement aujourd’hui par la capacité de ces zones à proposer un environnement moderne et attractif fondé sur la circulation de l’information, organisée à partir de réseaux et services de télématiques performants. En influençant l’organisation et la dynamique des territoires et de ce fait, la localisation des activités et des hommes, les TIC sont devenues une nécessité sociale, un atout économique et un enjeu politique et stratégique de premier plan.
e) Une administration électronique permettrait à nos États d’être plus efficaces et de mieux servir les citoyens grâce à :
• une circulation plus rapide de l’information sous forme numérique,
• une communication et un partage de l’information entre les directions centrales et les services décentralisés,
• une dématérialisation de certaines procédures administratives (télé-procédures via des réseaux dédiés ou via l’Internet).
« Les TIC au service du développement en Afrique ». Simple slogan, illusion ou réalité ? / Alain François Loukou
De plus, et bien qu’elle tende à se réduire, la fracture numérique Nord – Sud existe toujours :
La nature de la fracture numérique s’est modifiée au fil du temps, en raison à la fois de l’évolution rapide de la technologie et du caractère extrêmement innovant de nouvelles applications des TIC. Quel est le meilleur moyen de fournir un accès à Internet, comment promouvoir au mieux un tel accès, et pour quelles utilisations, sont autant de questions qui deviennent primordiales. Cette évolution rapide du paysage numérique impose donc une approche globale faisant des TIC non seulement une infrastructure, mais aussi un outil de développement économique.
L’évolution de l’accès aux TIC et de l’utilisation de ces technologies est marquée par cinq grandes tendances apparues entre 2005 et 2010, qui ont eu de profondes incidences sur l’investissement, l’adoption et le potentiel de développement des TIC :
a) Progrès en matière d’accès universel à la téléphonie mobile ;
b) Mise en place de réseaux à haut débit ;
c) Informatique en nuage (infonuagique) ;
d) Internet mobile et applications mobiles ;
e) Réseaux sociaux et contenu généré par les utilisateurs.
Les abonnements de téléphonie mobile dans le monde sont passés, depuis 2005, de 2,2 milliards à 6,8 milliards, soit aujourd’hui presque un abonnement par personne dans le monde. La croissance rapide des réseaux et des appareils mobiles a également réduit les écarts en matière d’accès de base à Internet, même si le coût de cet accès reste parfois élevé.
Deux cinquièmes des ménages au niveau mondial disposent déjà d’un accès à Internet. La plupart des ménages dans les pays développés ont désormais accès au haut débit, mais cela reste rare dans les pays en développement où le téléphone mobile représente l’accès le plus courant à Internet. L’UIT estime que 77 % des individus dans les pays développés, mais seulement 31 % dans les pays en développement et 16 % dans les pays d’Afrique subsaharienne, utilisent désormais Internet
Des investissements considérables sont consacrés à la mise en place de réseaux internationaux, nationaux et locaux à haut débit dans la plupart des régions, ce qui accroît notablement la connectivité. Pour les pays en développement comme pour les pays développés, la connectivité internationale est désormais principalement assurée par des câbles sous-marins à haut débit. Le haut débit mobile a été le segment de marché où la croissance a été la plus rapide, les abonnements dans les pays en développement ayant doublé entre 2011 et 2013. […]
La croissance des réseaux sociaux en ligne est devenue un puissant facteur d’adoption et d’utilisation d’Internet dans tous les pays, y compris les pays en développement. Le réseau le plus populaire, Facebook, compterait quelque 1,25 milliard d’utilisateurs et est consulté par environ 40 % des personnes qui utilisent Internet chaque jour. La popularité des réseaux sociaux et d’autres services interactifs «Web 2.0» a modifié l’expérience initiale de nombreux utilisateurs en matière d’Internet, pour lesquels l’interactivité l’emporte désormais sur la recherche d’informations.
Au cours des cinq dernières années, on a observé une fracture grandissante concernant l’utilisation de TIC plus pointues, en particulier le haut débit, qui est aujourd’hui considéré comme un facteur fondamental de croissance économique. Les pays à revenu intermédiaire pourront probablement rattraper leur retard à court ou à moyen terme, mais cela sera beaucoup plus difficile pour les PMA. Cette fracture internationale se retrouve au niveau national entre régions plus développées et régions moins développées, et entre groupes sociaux aisés et groupes sociaux défavorisés ou marginalisés.
Les technologies de l’information et de la communication pour un développement économique et social équitable / Conseil économique et social des Nations Unies
Quelques états des lieux, sur la question des TIC et du développement des pays :
• Les technologies de l’information et de la communication et le développement social au Sénégal : un état des lieux / Olivier Sagna (Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social)
• Les technologies de l’information et de la communication (TIC) : une chance pour le développement du monde arabe / Kamel Taoui (in Géographie, économie, société)
• Les TIC : une chance pour l’Afrique ? / Ahmed Dahmani
• Rapport 2014 sur l’état de la francophonie numérique / Organisation internationale de la Francophonie
Des ouvrages abordant ce thème :
• Révolution numérique dans les pays en développement : l’exemple africain / Jacques Bonjawo
• On entend l’arbre tomber mais pas la forêt pousser : croire en l’économie de demain / Nicolas Bouzou
Bonne lecture
Le communiqué de presse Les technologies de l’information et des communications sont en train de révolutionner le développement en Afrique revient sur le développement des réseaux internet et de téléphonie mobile dans les pays du continent africain ainsi que sur leurs multiples applications : agriculture, services bancaires, santé, etc.
Il serait difficile de dire que les technologies de l’information et de la communication soient, à elles seules, facteurs de développement pour les pays ; même si elles jouent un rôle non négligeable dans ce processus :
Deux obstacles s’opposent traditionnellement à l’admission des TIC comme facteurs de développement en Afrique. En premier lieu, se dresse l’argument des urgences du continent qui veut que la priorité soit accordée aux besoins classiques (nourriture, eau potable, santé publique, éducation, routes, etc.) [Anne Cécile Robert, 2000]. En second lieu, la difficulté particulière à mesurer le poids économique et social des TIC dans le développement.
1.1.1. L’argument du luxe improductif que constitueraient les TIC au regard des nombreuses priorités de développement en Afrique
Assez fréquemment, l’actualité se rapportant à l’Afrique est marquée par des faits de calamités (famine, maladies, coups d’état sanglants, guerres civiles, catastrophes naturelles, etc.). Dans un tel contexte de misère permanente, il n’est pas du tout étonnant que les planificateurs du développement et les décideurs politiques africains, dans la hiérarchisation de leurs projets de développement, accordent peu d’importance aux technologies de l’information et de la communication qu’ils considèrent, après tout, comme des besoins vraiment secondaires, voire superflus, selon un président africain cité par Jacques Bonjawo [2011, p.17]. Et ce, paradoxalement, en dépit de l’existence dans la plupart des pays d’un ministère spécialement dédié à ce secteur, censé en faire la promotion parce que supposé important.
Comment, en effet, avoir la volonté réelle d’initier des projets et de mobiliser des ressources pour le développement d’infrastructures encore perçues comme un luxe improductif alors que se posent dans le même temps des problèmes sensibles et jugés prioritaires comme la santé, la nourriture, l’eau potable, l’éducation, l’électrification ou encore les routes ? Face à de tels défis, il apparaît presque légitime pour maints Africains de développer une vision négative, voire hostile, vis-à-vis de ces TIC qu’ils apprennent en fait à découvrir. Aussi, plutôt que de les considérer comme une véritable opportunité de développement, les considèrent-ils comme inutiles, voire intrinsèquement inaptes au développement et donc ne méritant pas que les États y consacrent des investissements conséquents et ce, malgré les discours flatteurs visant à faire croire à une adhésion politique à un projet de société concernant les TIC (cf. citation précédente). […]
1.1.2. La difficulté particulière à mesurer le poids économique et social des TIC dans le développement. Un obstacle réel mais surmontable
De façon concrète, il est difficile de percevoir le rôle des TIC dans le développement alors que l’on parvient à mesurer statistiquement les incidences de développement de secteurs comme l’agriculture, la santé, même la recherche scientifique. Dans chacun de ces secteurs, on s’en rend compte respectivement à travers l’accroissement des rendements agricoles consécutif à l’usage des intrants, l’amélioration de l’espérance de vie, les résultats opérationnels dans différents domaines industriels ainsi que dans les stratégies de développement économique et de défense des États. La perception du rôle des TIC est rendue complexe par la difficulté même à mesurer le poids économique du secteur. Aussi, la manifestation des TIC sur le plan macroéconomique apparaît-elle pour beaucoup d’économistes comme quelque chose de nature paradoxale (voir ci-après). Ce sentiment de paradoxe découle probablement des réflexions de Robert Merton Solow3, qui observait en 1987 que l’ère de l’informatique était visible partout, sauf dans les statistiques sur la productivité (« We see the computer age everywhere except in the productivity statistics »). Cette antinomie fut rapidement baptisée « paradoxe de la productivité » ou « paradoxe de Solow », lequel traduit le fait que l’essor de l’informatique n’aurait pas entraîné, contrairement aux espoirs entretenus, un regain de croissance durant la période 1970-1990.
Pourtant, selon d’autres analystes économiques, ce paradoxe n’en serait pas vraiment un. Au nombre de ceux-ci, on peut citer Stephen Cohen et John Zysman [2001, pp. 34-35], deux professeurs de l’université américaine de Berkeley en Californie, qui ont par ailleurs coprésidé le Berkeley Round Table on International Economy4. Pour ces deux chercheurs, la conséquence de l’introduction des ordinateurs est déterminante, notamment par leurs implications dans les formes d’organisation des entreprises. Ils précisent toutefois que c’est moins le nombre d’ordinateurs que la modification globale que ceux-ci induisent dans le fonctionnement de l’économie qui accroît la productivité à travers un certain nombre de paramètres : mobilité géographique de la main-d’œuvre, flexibilité par rapport au type d’emploi, création d’entreprises, déplacement des investissements d’une nouveauté à une autre, évolution des organisations. Cette transformation organisationnelle générale serait à son tour génératrice de gains de productivité que l’on constaterait de manière assez nette dans les secteurs et les pays où l’informatisation et les TIC sont très répandues dans les activités.
Ce changement de paradigme se traduit par le rôle croissant de l’information dans les rouages de la société et de l’économie modernes [Toffler, 1991 ; UIT, 1982 ; Samara, 1999].
La société de l’information se caractérise par la réorganisation de la société autour de la production, du traitement, de la diffusion et de la consommation intensive de l’information dans pratiquement toutes les activités humaines. Cette réorganisation fait nécessairement appel à des réseaux et services de technologies de l’information et de la communication. Quant à l’économie de l’information (parfois désignée « nouvelle économie » ou encore « net économie »), elle se définit comme étant une nouvelle structure économique mondiale dans laquelle la production de biens et services d’information est prédominante dans la création de richesses et d’emplois. Ces réalités renvoient aux concepts de société du savoir et d’économie du savoir. Ces deux dynamiques concomitantes sont portées par les TIC qui ont accéléré le passage à une société et une économie fondées sur l’immatériel. Dans un tel contexte, les nouveaux facteurs de productivité et de compétitivité deviennent la créativité, le savoir, l’intelligence et l’expertise. L’on s’aperçoit donc que les enjeux de développement liés aux TIC sont réels pour peu qu’on sache les rechercher. Dès lors, une vision plus positive du rôle des TIC dans le développement peut s’apprécier à différents niveaux:
a) Les TIC rendent possible un accès plus facile et moins coûteux à l’information à un moment où la maîtrise de celle-ci est devenue un facteur capital du développement et où la capacité à y accéder, à la manipuler et à la diffuser conditionne la faisabilité et la durabilité du développement socioéconomique.
b) Les TIC donnent aux pays africains la possibilité d’une plus grande intégration économique, commerciale et culturelle dans le monde, à condition bien entendu que ces pays en soient parfaitement conscients et qu’ils consentent les investissements nécessaires devant leur permettre d’en saisir les opportunités.
c) Les réseaux télématiques offrent un gain de productivité et de compétitivité à travers la modification du système de management des entreprises. En effet, les échanges modernes sont fondés sur les paramètres de « réponse rapide », de « temps réel », de « concurrence basée sur le temps », etc. Les pays africains (principalement l’Afrique du Sud et les pays du Maghreb) qui parviennent à respecter ces critères grâce à l’existence de bonnes infrastructures de TIC sont devenus plus compétitifs dans la mondialisation des échanges.
d) Au plan de l’aménagement du territoire, la localisation des entreprises et des populations dans les zones fragiles (enclavement, déshéritement naturel, marginalisation due à l’éloignement par rapport aux capitales) passe impérativement aujourd’hui par la capacité de ces zones à proposer un environnement moderne et attractif fondé sur la circulation de l’information, organisée à partir de réseaux et services de télématiques performants. En influençant l’organisation et la dynamique des territoires et de ce fait, la localisation des activités et des hommes, les TIC sont devenues une nécessité sociale, un atout économique et un enjeu politique et stratégique de premier plan.
e) Une administration électronique permettrait à nos États d’être plus efficaces et de mieux servir les citoyens grâce à :
• une circulation plus rapide de l’information sous forme numérique,
• une communication et un partage de l’information entre les directions centrales et les services décentralisés,
• une dématérialisation de certaines procédures administratives (télé-procédures via des réseaux dédiés ou via l’Internet).
« Les TIC au service du développement en Afrique ». Simple slogan, illusion ou réalité ? / Alain François Loukou
De plus, et bien qu’elle tende à se réduire, la fracture numérique Nord – Sud existe toujours :
La nature de la fracture numérique s’est modifiée au fil du temps, en raison à la fois de l’évolution rapide de la technologie et du caractère extrêmement innovant de nouvelles applications des TIC. Quel est le meilleur moyen de fournir un accès à Internet, comment promouvoir au mieux un tel accès, et pour quelles utilisations, sont autant de questions qui deviennent primordiales. Cette évolution rapide du paysage numérique impose donc une approche globale faisant des TIC non seulement une infrastructure, mais aussi un outil de développement économique.
L’évolution de l’accès aux TIC et de l’utilisation de ces technologies est marquée par cinq grandes tendances apparues entre 2005 et 2010, qui ont eu de profondes incidences sur l’investissement, l’adoption et le potentiel de développement des TIC :
a) Progrès en matière d’accès universel à la téléphonie mobile ;
b) Mise en place de réseaux à haut débit ;
c) Informatique en nuage (infonuagique) ;
d) Internet mobile et applications mobiles ;
e) Réseaux sociaux et contenu généré par les utilisateurs.
Les abonnements de téléphonie mobile dans le monde sont passés, depuis 2005, de 2,2 milliards à 6,8 milliards, soit aujourd’hui presque un abonnement par personne dans le monde. La croissance rapide des réseaux et des appareils mobiles a également réduit les écarts en matière d’accès de base à Internet, même si le coût de cet accès reste parfois élevé.
Deux cinquièmes des ménages au niveau mondial disposent déjà d’un accès à Internet. La plupart des ménages dans les pays développés ont désormais accès au haut débit, mais cela reste rare dans les pays en développement où le téléphone mobile représente l’accès le plus courant à Internet. L’UIT estime que 77 % des individus dans les pays développés, mais seulement 31 % dans les pays en développement et 16 % dans les pays d’Afrique subsaharienne, utilisent désormais Internet
Des investissements considérables sont consacrés à la mise en place de réseaux internationaux, nationaux et locaux à haut débit dans la plupart des régions, ce qui accroît notablement la connectivité. Pour les pays en développement comme pour les pays développés, la connectivité internationale est désormais principalement assurée par des câbles sous-marins à haut débit. Le haut débit mobile a été le segment de marché où la croissance a été la plus rapide, les abonnements dans les pays en développement ayant doublé entre 2011 et 2013. […]
La croissance des réseaux sociaux en ligne est devenue un puissant facteur d’adoption et d’utilisation d’Internet dans tous les pays, y compris les pays en développement. Le réseau le plus populaire, Facebook, compterait quelque 1,25 milliard d’utilisateurs et est consulté par environ 40 % des personnes qui utilisent Internet chaque jour. La popularité des réseaux sociaux et d’autres services interactifs «Web 2.0» a modifié l’expérience initiale de nombreux utilisateurs en matière d’Internet, pour lesquels l’interactivité l’emporte désormais sur la recherche d’informations.
Au cours des cinq dernières années, on a observé une fracture grandissante concernant l’utilisation de TIC plus pointues, en particulier le haut débit, qui est aujourd’hui considéré comme un facteur fondamental de croissance économique. Les pays à revenu intermédiaire pourront probablement rattraper leur retard à court ou à moyen terme, mais cela sera beaucoup plus difficile pour les PMA. Cette fracture internationale se retrouve au niveau national entre régions plus développées et régions moins développées, et entre groupes sociaux aisés et groupes sociaux défavorisés ou marginalisés.
Les technologies de l’information et de la communication pour un développement économique et social équitable / Conseil économique et social des Nations Unies
Quelques états des lieux, sur la question des TIC et du développement des pays :
• Les technologies de l’information et de la communication et le développement social au Sénégal : un état des lieux / Olivier Sagna (Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social)
• Les technologies de l’information et de la communication (TIC) : une chance pour le développement du monde arabe / Kamel Taoui (in Géographie, économie, société)
• Les TIC : une chance pour l’Afrique ? / Ahmed Dahmani
• Rapport 2014 sur l’état de la francophonie numérique / Organisation internationale de la Francophonie
Des ouvrages abordant ce thème :
• Révolution numérique dans les pays en développement : l’exemple africain / Jacques Bonjawo
• On entend l’arbre tomber mais pas la forêt pousser : croire en l’économie de demain / Nicolas Bouzou
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