Question d'origine :
Bonjour,
quel est le style architecturale de la Gare des Brotteaux. Elle est définie dans les manuels comme "Art nouveau", or, à part l'usage du verre et de l'acier, il n'y a aucun décors floraux ou typique de ce courant. Les décorations, blasons des villes et allégories ne semblent pas Art nouveau (contrairement à la Brasserie des Brotteaux) mais semble "classique"..comment définir le style récurant pour les gares construites vers 1900?académique? ecclectique? historisant?
Merci d'avance
Mga
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 10/06/2020 à 16h00
Bonjour,
Il n'est peut-être pas judicieux de vouloir rattacher précisément la gare des Brotteaux à un courant architectural précis. Selon le site patrimoine.auvergnerhonealpes.fr, à l'instar de la tour Eiffel, c'estplus d'une oeuvre d'ingénieur que d'architecte qu'il s'agit :
« L´ingénieur qui conçut la gare fut chargé de la construction de la charpente métallique et de la disposition des différentes parties du bâtiment des voyageurs. Le rôle de l´architecte sest borné à donner « un style » à l´édifice en dessinant les plans détaillés de la décoration. L´ingénieur Victor Louis RASCOL est né à Paris en 1845. En 1865, il est admis à l´Ecole des Ponts et chaussées. En 1884, la compagnie PLM le charge entre autre de la rectification des lignes et de la suppression des passages à niveau à l´intérieur de la ville de Lyon. L´architecte Paul d´ARBAUT est né à Angers en 1851, élève de l´Ecole des Beaux-Arts en 1876, domicilié à Paris, il est attaché aux travaux de la société PLM, et c´est à ce titre que la compagnie fait appel à lui.
La gare de Lyon-Brotteauxse classe parmi les gares « à étages » . Son grand axe est orienté nord-sud. Elle comprend la « halle » à l´est, charpente métallique qui couvre les quais, le bâtiment des voyageurs à l´ouest où se trouvent tous les services à l´usage du passager, puis dans un autre bâtiment, les bureaux administratifs, la lampisterie, la chaufferie, enfin les messageries où les trains de marchandises déposent leurs colis. […] »
Nous n’avons pas trouvé de nom générique pour le style des gares construites autour de 1900. Un article de Jean Pelletier par exemple, « La gare de la Part-Dieu à Lyon : un équipement décisif du centre directionnel de Lyon », parue en 1985 dans Géocarrefour et lisible sur Persée, ne s’engage pas trop en parlant de «style monumental matérialisé par une façade très architecturée et une salle des Pas-Perdus décorée de fresques »
De son côté la Mairie du 6e arrondissement dans une page de présentation se borne à souligner que « Si l’architecture reste d’une grande sobriété, l’influence de l’Art nouveau est surtout sensible dans la décoration (ferronnerie des portes d’entrée, des balcons, des verrières et vitraux dans certaines allées) » ainsi que dans quelques immeubles construits postérieurement autour de la gare – dont on découvrira quelques exemples sur le site https://www.architecture-art-deco.fr.
Si l’influence de l’Art nouveau est ici limitée, c’est, d’après un article du Progrès, en raison d’un esprit très lyonnais :
« [L’ancienne gare des Brotteaux est] Un opulent bâtiment élevé entre 1904 et 1908, dans les arabesques architecturales, les volutes sculptées et les grandes baies vitrées qui scellent alors le style à la mode : l’Art Nouveau .
Discrétion lyonnaise
À Lyon, ville par tradition discrète dans tous les domaines, le mouvement de l’Art Nouveau ne va pas susciter des élans architecturaux comme à Paris où Nancy. Les façades des nouveaux immeubles récupèrent les éléments décoratifs mais restent le plus souvent d’une facture toute classique. Dans le quartier de Perrache, l’imposant hôtel Terminus , devenu aujourd’hui hôtel Mercure Lyon Centre Château Perrache , restauré en 2015, joue les témoins toujours en activité. En revanche, dans plusieurs des immeubles construits à la fin du XIXe siècle autour de la nouvelle préfecture du Rhône, par exemple avenue de Saxe, l’Art Nouveau est discrètement présent, surtout sous forme de vitraux. Mais dans la partie privée, derrière les sobres façades. »
D’après un site consacré à l’édifice, au-delà des modes et des courants, c’est surtout de la gare d’Orsay que celle des Brotteaux s’inspire. Un édifice plus volontiers qualifié de « moderniste » que d’Art nouveau :
« La gare et son hôtel, construits en deux ans, furent inaugurés pour l'exposition Universelle, le 14 juillet 1900. A l'extérieur, Laloux masqua les structures métalliques de la gare par une façade en pierre de style éclectique. A l'intérieur, le modernisme s'imposa: plans inclinés et monte-charges pour les bagages, ascenseurs pour les voyageurs, seize voies en sous-sol, les services d'accueil au rez-de-chaussée, la traction électrique. Le grand hall de 32 m de haut, 40 m de large et 138 m de long était précédé le long du quai d'un vestibule et d'un porche ouvert. »
(Source : musee-orsay.fr)
D’une manière générale, la question du style des gares construites aux XIXe et XXe siècle a répondu à une telle spécificité (de fonction, de contraintes techniques, mais pas seulement) qu’on peut difficilement l’intégrer dans les débats architecturaux de l’époque. A l’entrée « GARES, architecture » de l’Encyclopaedia universalis, Karen Bowie remarque avec humour :
« L'étude de l'architecture ferroviaire a été marquée par l'épineuse question de la notion de « style ». D'une part, les styles architecturaux historiques ont énormément préoccupé les architectes du xixe siècle, et cette préoccupation se retrouve dans l'éclectisme ou dans l'historicisme des gares de cette période. D'autre part, on a pu, plus récemment, tenter de définir un style pour toute l'architecture du xixe siècle à partir des gares en tant que type de bâtiment : « l'éclectisme pittoresque » inventé par C. L. V. Meeks, dont les concepts ont influencé à des degrés différents bon nombre des discussions ultérieures.
Avant la Seconde Guerre mondiale, la variété des solutions architecturales et formelles trouvées pour exprimer la nature et la fonction des gares est étonnante : elle va de l'exotisme et de l'extravagance des gares balnéaires aux grands blocs de bureaux conçus pour certaines gares qui sont aussi le siège des compagnies ferroviaires. Toute la panoplie des styles historiques, éclectiques ou originaux de l'architecture de cette période y est représentée, du néo-classicisme des célèbres propylées de la gare d'Euston (Londres, 1837) au néo-gothique de l'hôtel de la gare de Saint Pancras (Londres, 1868-1874) ; des gares « beaux-arts » de Paris, New York et Buenos Aires au style monumental et scandinave, précurseur de l'art déco, de la gare d'Helsinki (1913-1914).
[…]
Le choix du style était aussi lié aux formes considérées comme appropriées aux gares. Les architectes tâtonnèrent pour trouver parmi les motifs existants une forme susceptible d'exprimer la fonction inédite de ces ensembles. Le motif de l'arc de triomphe, par exemple, qui depuis l'Antiquité sert à marquer les portes des villes, fut très populaire tout au long du xixe siècle. On le retrouve de façon plus ou moins marquée dans d'innombrables façades, et notamment, à Budapest, dans celle de la gare de l'Est de Julius Rochlitz (1881). Vers la fin du siècle, la tour d'horloge eut également un grand succès, comme à la gare de Lyon à Paris, cette évocation à la fois de la puissance, de la rapidité et de la ponctualité des chemins de fer étant considérée comme le symbole même de la gare... d'autant plus que la normalisation même du temps, le Greenwich Mean Time permettant d'appliquer la même heure à toutes les villes et à toutes les régions d'une même zone horaire, fut instaurée précisément pour répondre aux besoins opérationnels des chemins de fer.
Certaines formes caractéristiques dérivaient d'éléments fonctionnels. Selon Richards et MacKenzie, les tours de guet nécessaires dans les premières gares, quand la communication télégraphique n'était pas encore totalement au point, sont aussi à l'origine des tours d'horloge (ainsi que des coupoles, lanternes et autres flèches).
[…]
De façon générale, les styles architecturaux et la typologie des gares expriment la politique des maîtres d'ouvrage qui les firent construire. Les gares devaient souvent mettre en valeur, par leur monumentalité et par leur prestige, l'identité et la puissance de leur compagnie ferroviaire. L'iconographie de l'ornementation sculptée évoque souvent l'étendue du réseau de la compagnie en représentant par des statues allégoriques ou des écussons les emblèmes des diverses villes desservies. »
Pour aller plus loin :
- François Poupardin, « Les bâtiments voyageurs édifiés le long de la ligne impériale », Revue d’histoire des chemins de fer, 2008, sur openedition.org
- Karen Bowie, « De la gare du XIXe siècle au lieu-mouvement, évolution ou rupture? », Les Annales de la recherche urbaine, 1996, sur Persée
- Fiche de la gare des Brotteaux sur Mérimée, la base de données des monuments historiques de France.
Bonne journée.
Il n'est peut-être pas judicieux de vouloir rattacher précisément la gare des Brotteaux à un courant architectural précis. Selon le site patrimoine.auvergnerhonealpes.fr, à l'instar de la tour Eiffel, c'est
« L´ingénieur qui conçut la gare fut chargé de la construction de la charpente métallique et de la disposition des différentes parties du bâtiment des voyageurs. Le rôle de l´architecte sest borné à donner « un style » à l´édifice en dessinant les plans détaillés de la décoration. L´ingénieur Victor Louis RASCOL est né à Paris en 1845. En 1865, il est admis à l´Ecole des Ponts et chaussées. En 1884, la compagnie PLM le charge entre autre de la rectification des lignes et de la suppression des passages à niveau à l´intérieur de la ville de Lyon. L´architecte Paul d´ARBAUT est né à Angers en 1851, élève de l´Ecole des Beaux-Arts en 1876, domicilié à Paris, il est attaché aux travaux de la société PLM, et c´est à ce titre que la compagnie fait appel à lui.
La gare de Lyon-Brotteaux
Nous n’avons pas trouvé de nom générique pour le style des gares construites autour de 1900. Un article de Jean Pelletier par exemple, « La gare de la Part-Dieu à Lyon : un équipement décisif du centre directionnel de Lyon », parue en 1985 dans Géocarrefour et lisible sur Persée, ne s’engage pas trop en parlant de «
De son côté la Mairie du 6e arrondissement dans une page de présentation se borne à souligner que « Si l’architecture reste d’une grande sobriété, l’influence de l’Art nouveau est surtout sensible dans la décoration (ferronnerie des portes d’entrée, des balcons, des verrières et vitraux dans certaines allées) » ainsi que dans quelques immeubles construits postérieurement autour de la gare – dont on découvrira quelques exemples sur le site https://www.architecture-art-deco.fr.
Si l’influence de l’Art nouveau est ici limitée, c’est, d’après un article du Progrès, en raison d’un esprit très lyonnais :
« [L’ancienne gare des Brotteaux est] Un opulent bâtiment élevé entre 1904 et 1908, dans les arabesques architecturales, les volutes sculptées et les grandes baies vitrées qui scellent alors le style à la mode : l’
Discrétion lyonnaise
À Lyon, ville par tradition discrète dans tous les domaines, le mouvement de l’Art Nouveau ne va pas susciter des élans architecturaux comme à Paris où Nancy. Les façades des nouveaux immeubles récupèrent les éléments décoratifs mais restent le plus souvent d’une facture toute classique. Dans le quartier de Perrache, l’imposant hôtel Terminus , devenu aujourd’hui hôtel Mercure Lyon Centre Château Perrache , restauré en 2015, joue les témoins toujours en activité. En revanche, dans plusieurs des immeubles construits à la fin du XIXe siècle autour de la nouvelle préfecture du Rhône, par exemple avenue de Saxe, l’Art Nouveau est discrètement présent, surtout sous forme de vitraux. Mais dans la partie privée, derrière les sobres façades. »
D’après un site consacré à l’édifice, au-delà des modes et des courants, c’est surtout de la gare d’Orsay que celle des Brotteaux s’inspire. Un édifice plus volontiers qualifié de « moderniste » que d’Art nouveau :
« La gare et son hôtel, construits en deux ans, furent inaugurés pour l'exposition Universelle, le 14 juillet 1900. A l'extérieur, Laloux masqua les structures métalliques de la gare par une façade en pierre de style éclectique. A l'intérieur, le modernisme s'imposa: plans inclinés et monte-charges pour les bagages, ascenseurs pour les voyageurs, seize voies en sous-sol, les services d'accueil au rez-de-chaussée, la traction électrique. Le grand hall de 32 m de haut, 40 m de large et 138 m de long était précédé le long du quai d'un vestibule et d'un porche ouvert. »
(Source : musee-orsay.fr)
D’une manière générale, la question du style des gares construites aux XIXe et XXe siècle a répondu à une telle spécificité (de fonction, de contraintes techniques, mais pas seulement) qu’on peut difficilement l’intégrer dans les débats architecturaux de l’époque. A l’entrée « GARES, architecture » de l’Encyclopaedia universalis, Karen Bowie remarque avec humour :
« L'étude de l'architecture ferroviaire a été marquée par l'épineuse question de la notion de « style ». D'une part, les styles architecturaux historiques ont énormément préoccupé les architectes du xixe siècle, et cette préoccupation se retrouve dans l'éclectisme ou dans l'historicisme des gares de cette période. D'autre part, on a pu, plus récemment, tenter de définir un style pour toute l'architecture du xixe siècle à partir des gares en tant que type de bâtiment : « l'éclectisme pittoresque » inventé par C. L. V. Meeks, dont les concepts ont influencé à des degrés différents bon nombre des discussions ultérieures.
Avant la Seconde Guerre mondiale, la variété des solutions architecturales et formelles trouvées pour exprimer la nature et la fonction des gares est étonnante : elle va de l'exotisme et de l'extravagance des gares balnéaires aux grands blocs de bureaux conçus pour certaines gares qui sont aussi le siège des compagnies ferroviaires. Toute la panoplie des styles historiques, éclectiques ou originaux de l'architecture de cette période y est représentée, du néo-classicisme des célèbres propylées de la gare d'Euston (Londres, 1837) au néo-gothique de l'hôtel de la gare de Saint Pancras (Londres, 1868-1874) ; des gares « beaux-arts » de Paris, New York et Buenos Aires au style monumental et scandinave, précurseur de l'art déco, de la gare d'Helsinki (1913-1914).
[…]
Le choix du style était aussi lié aux formes considérées comme appropriées aux gares. Les architectes tâtonnèrent pour trouver parmi les motifs existants une forme susceptible d'exprimer la fonction inédite de ces ensembles. Le motif de l'arc de triomphe, par exemple, qui depuis l'Antiquité sert à marquer les portes des villes, fut très populaire tout au long du xixe siècle. On le retrouve de façon plus ou moins marquée dans d'innombrables façades, et notamment, à Budapest, dans celle de la gare de l'Est de Julius Rochlitz (1881). Vers la fin du siècle, la tour d'horloge eut également un grand succès, comme à la gare de Lyon à Paris, cette évocation à la fois de la puissance, de la rapidité et de la ponctualité des chemins de fer étant considérée comme le symbole même de la gare... d'autant plus que la normalisation même du temps, le Greenwich Mean Time permettant d'appliquer la même heure à toutes les villes et à toutes les régions d'une même zone horaire, fut instaurée précisément pour répondre aux besoins opérationnels des chemins de fer.
Certaines formes caractéristiques dérivaient d'éléments fonctionnels. Selon Richards et MacKenzie, les tours de guet nécessaires dans les premières gares, quand la communication télégraphique n'était pas encore totalement au point, sont aussi à l'origine des tours d'horloge (ainsi que des coupoles, lanternes et autres flèches).
[…]
De façon générale, les styles architecturaux et la typologie des gares expriment la politique des maîtres d'ouvrage qui les firent construire. Les gares devaient souvent mettre en valeur, par leur monumentalité et par leur prestige, l'identité et la puissance de leur compagnie ferroviaire. L'iconographie de l'ornementation sculptée évoque souvent l'étendue du réseau de la compagnie en représentant par des statues allégoriques ou des écussons les emblèmes des diverses villes desservies. »
Pour aller plus loin :
- François Poupardin, « Les bâtiments voyageurs édifiés le long de la ligne impériale », Revue d’histoire des chemins de fer, 2008, sur openedition.org
- Karen Bowie, « De la gare du XIXe siècle au lieu-mouvement, évolution ou rupture? », Les Annales de la recherche urbaine, 1996, sur Persée
- Fiche de la gare des Brotteaux sur Mérimée, la base de données des monuments historiques de France.
Bonne journée.
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