Question d'origine :
Bonjour Je souhaite savoir quels étaient les rites funéraires, comment se déroulaient en enterrement au Moyen Age, plus précisément au XIII ème siècle dans le petite noblesse ou chez les artisans, commerçants. Merci! Bien cordialement D. LEVENEZ
Réponse du Guichet
gds_ctp
- Département : Equipe du Guichet du Savoir
Le 16/08/2021 à 13h26
Bonjour,
Les funérailles font l'objet d'une très grande attention pour les hommes et les femmes du XIIIè siècle. Les conditions en sont soigneusement fixées par testament et il n'est pas rare que des sommes d'argent très importantes (prélevées sur l'héritage) y soient consacrées. Pour approcher le sujet, nous vous conseillons l'ouvrage La mort au Moyen Age, XIIIe-XVIe siècle [Livre] / Danièle Alexandre-Bidon.
On y apprend qu'au XIIIè siècle, la toilette funéraire était effectuée par des femmes appartenant en général au cercle familiale ou au personnel de maison, bien qu'un barbier soit parfois chargé de raser le mort lorsqu'il s'agissait d'un homme. La toilette effectuée avec de l'eau et du vin (servant de désinfectant), le corps était ensuite enserré dans un linceul cousu de bas en haut. Les enfants morts avant l'âge de la communions étaient enterrés les bras le long du corps, tandis que les adultes étaient placés les mains jointes, soit en position de prière, soit de manière à cacher leur sexe, car les roturiers étaient enterrés nus - il n'était d'ailleurs pas rare, à l'époque, que des laïcs, "même mariés", prennent l'habit monastique sur leur lit de mort - ce que certains historiens interprètent comme une croyance en un "pouvoir propitiatoire" des vêtements de moine ou de pèlerin pour mieux être accueillis au paradis.
Si les femmes ont charge de la toilette et de la mise en bière, elles sont en revanche exclues des funérailles en tant que tel. Il leur est interdit de porter le cercueil et absentes - ou reléguées tout au bout - de la procession menant à l'église.
Il faut remarquer que le XIIIè siècle voit une forme de lutte l'influence entre l'Eglise et les familles pour le soin prodigué au défunt - ainsi, la veillée mortuaire tendra à se dérouler à l'église, après inhumation, et à être assurée par des moines ou des nonnes plutôt que par des proches. La veillée est donc suivie d'une messe des morts, ce qui pose de fréquents problèmes d'organisation, puisqu'une telle messe ne peut être dite que le matin, et ne doit pas empiéter sur certaines fêtes religieuses importantes, telles que Pâques. De plus, la personne ne doit pas être morte assassinée ou en couches, "de peur que le sang ne souilles le pavé du Temple de Dieu" ! Durant la messe des morts, le cercueil est recouvert d'un drap d'or (destiné à resservir) ou d'un poêle funéraire surmonté de bougies. De la paille est parfois "épandue dans l'église", en signe d'humilité. Durant la procession qui suit, une tension s'exerce encore entre les autorités ecclésiastiques, qui n'autorisent que la marche lente en psalmodiant, et des pratiques rituelles traditionnelles, comme l'aspersion d'eau sur le cercueil. Les porteurs du cercueil, pendant la procession, sont traités avec de grands égards :
Les porteurs, toujours des laïcs, sont des amis, voire de parfaits étrangers à qui l'on accorde dix jours d'indulgence en échange de leur peine [...]. Il peut s'agir des membres de la confrérie du défunt, qui doivent statutairement ce devoir funèbre avant de banqueter ensuite en leur honneur. A ceux-là, on remet, prélevé sur le testament du défunt, de quoi faire "pitance" et "aller boire ensemble" [...].
Le curé, les enfants de choeur et ceux du défunt avance devant le cercueil, et, derrière, vont les clercs et les pauvres - en effet, pour assurer leur salut, beaucoup de gens prévoient des distributions d'argent dans leur testament, et demandent que le plus de clercs possible assistent à leurs funérailles. Encore une fois, cette assemblée est presque exclusivement masculine, même lorsque le défunt est une défunte. Sauf si le testament réclame la présence de "pauvres filles" ou "pauvres femmes", sans doute demandées dans le rôle de pleureuses... Quoi qu'il en soit, la procession est censée être réalisée dans le recueillement, avec "trois haltes dans le parcours". Le testament peut porter une mention interdisant de sonner les cloches de l'église, par humilité encore, mais dans d'autre cas, le futur défunt espérera qu'on fasse grand bruit, car :
Le convoi funèbre est un rite social autant que religieux : nobles et notables souhaitent que leur dépouille soit estimée autant que le corps vivant l'a été et qu'elle soit traitée "honorablement", selon sa condition sociale, entourée de coûteux flambeaux et parée de luxueuses étoffes. La vie s'arrête quand un puissant est enterré, les boutiques ferment lorsque le maire de la ville est porté au cimetière.
Lorsque le corps est déposé dans la fosse, l'absolution est prononcé, puis on l'asperge d'eau bénite "comme il l'a été à son baptême." Puis les présents partagent un repas souvent réclamé par les testateurs eux-mêmes comme "agréable et non triste", au cours duquel la mémoire du défunt est évoqué, sans faire l'impasse sur ses défauts. Le ton peut être plaisant, voire grivois, le rire ayant fonction de conjurer la peur de la mort.
On a vu que les défunts étaient placés sur le dos. Cela correspond à un impératif religieux : ils doivent regarder vers le ciel. Aussi les personnes atteintes d'un handicap, considérées comme moralement contrefaites, sont-elles souvent sur le côté. Les cercueils, eux, non systématiquement utilisés, peuvent être en bois ou en métal, fleuris ou tapissés de paille, et comporter des pots et des vases remplis d'encens ou d'eau bénite.
Le lieu d'inhumation fait également l'objet d'une grande attention. Selon Pascal Moreaux dans son article "Quelques aspects de l'histoire funéraire dans la civilisation judéo-chrétienne en France", Etudes sur la mort, 2004, consultable sur Cairn en bibliothèque, à partir du XIè siècle, nobles et personnages aisés - dont sans doutes certains artisans et marchands - jouiront du privilège de se faire enterrer au sein de l'église, au plus près des reliques - moyennant quelques donations à l'institution. En revanche, les pauvres bénéficieront de moins en moins de sépultures individuelles :
Avec le temps et la surmortalité due aux grandes épidémies du Moyen Âge, l’Église qui a la charge «des corps et des âmes» va être confrontée à de graves problèmes de place et d’effectifs pour organiser les funérailles et les lieux de sépultures.
Pour faire face à ces milliers de morts au cours des épidémies de pestes dévastatrices du Moyen Âge et pouvoir disposer de gens pour les enterrements, l’Église va encourager la création des sociétés de charitables, sorte d’associations mutualistes qui se chargeront, bénévolement, au moyen de cotisations, non seulement des aspects matériels des funérailles mais aussi, en partie, de leur caractère spirituel. Les corporations de métiers créeront également des sociétés charitables. Plusieurs exercent encore aujourd’hui en France.
La sépulture va devenir collective pour la plupart de ces fidèles. En effet, les pauvres de loin les plus nombreux de la population, étaient enterrés en fosses communes dans le cimetière, en terre bénie autour de l’église et des établissements hospitaliers.
La fosse commune d’une dizaine de mètres de profondeur pouvait contenir jusqu’à 2000 cadavres avec un simple linceul et entassés par lits recouverts d’une fine couche de terre. Puis on recommençait jusqu’à ce que la fosse soit pleine.
Lorsque les fosses communes devaient être à nouveau réutilisées, les ossements étaient placés dans les charniers, sorte de cloîtres qui entouraient les cimetières et comportant des planchers sous toiture. Dans les églises, les combles servaient également de charniers où les restes mortels finissaient de se consumer.
Les charniers pouvaient êtres décorés par des fresques appelées «danses des morts ou danses macabres».
Pour continuer avec ce sujet passionnant, nous vous renvoyons aux ouvrages suivants :
- Entre paradis et enfer [Livre] : mourir au Moyen Âge, 600-1600 : [exposition, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, du 2 décembre 2010 au 24 avril 2011] / sous la direction de Sophie Balace...
- Vivre et mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Age [Livre]
- Inhumations et édifices religieux au Moyen âge entre Loire et Seine [Livre] : [table ronde tenue à la Maison de la recherche en sciences humaines de l'Université de Caen en octobre 2003] / [organis...
- Essais sur l'histoire de la mort en Occident [Livre] : du Moyen Âge à nos jours / Philippe Aries
- À réveiller les morts [Livre] : la mort au quotidien dans l'Occident médiéval / sous la dir. de Danièle Alexandre-Bidon et Cécile Treffort... ; [publ. par le Centre interuniversitaire d'histoire et...
Bonne journée.
Les funérailles font l'objet d'une très grande attention pour les hommes et les femmes du XIIIè siècle. Les conditions en sont soigneusement fixées par testament et il n'est pas rare que des sommes d'argent très importantes (prélevées sur l'héritage) y soient consacrées. Pour approcher le sujet, nous vous conseillons l'ouvrage La mort au Moyen Age, XIIIe-XVIe siècle [Livre] / Danièle Alexandre-Bidon.
On y apprend qu'au XIIIè siècle, la toilette funéraire était effectuée par des femmes appartenant en général au cercle familiale ou au personnel de maison, bien qu'un barbier soit parfois chargé de raser le mort lorsqu'il s'agissait d'un homme. La toilette effectuée avec de l'eau et du vin (servant de désinfectant), le corps était ensuite enserré dans un linceul cousu de bas en haut. Les enfants morts avant l'âge de la communions étaient enterrés les bras le long du corps, tandis que les adultes étaient placés les mains jointes, soit en position de prière, soit de manière à cacher leur sexe, car les roturiers étaient enterrés nus - il n'était d'ailleurs pas rare, à l'époque, que des laïcs, "même mariés", prennent l'habit monastique sur leur lit de mort - ce que certains historiens interprètent comme une croyance en un "pouvoir propitiatoire" des vêtements de moine ou de pèlerin pour mieux être accueillis au paradis.
Si les femmes ont charge de la toilette et de la mise en bière, elles sont en revanche exclues des funérailles en tant que tel. Il leur est interdit de porter le cercueil et absentes - ou reléguées tout au bout - de la procession menant à l'église.
Il faut remarquer que le XIIIè siècle voit une forme de lutte l'influence entre l'Eglise et les familles pour le soin prodigué au défunt - ainsi, la veillée mortuaire tendra à se dérouler à l'église, après inhumation, et à être assurée par des moines ou des nonnes plutôt que par des proches. La veillée est donc suivie d'une messe des morts, ce qui pose de fréquents problèmes d'organisation, puisqu'une telle messe ne peut être dite que le matin, et ne doit pas empiéter sur certaines fêtes religieuses importantes, telles que Pâques. De plus, la personne ne doit pas être morte assassinée ou en couches, "de peur que le sang ne souilles le pavé du Temple de Dieu" ! Durant la messe des morts, le cercueil est recouvert d'un drap d'or (destiné à resservir) ou d'un poêle funéraire surmonté de bougies. De la paille est parfois "épandue dans l'église", en signe d'humilité. Durant la procession qui suit, une tension s'exerce encore entre les autorités ecclésiastiques, qui n'autorisent que la marche lente en psalmodiant, et des pratiques rituelles traditionnelles, comme l'aspersion d'eau sur le cercueil. Les porteurs du cercueil, pendant la procession, sont traités avec de grands égards :
Les porteurs, toujours des laïcs, sont des amis, voire de parfaits étrangers à qui l'on accorde dix jours d'indulgence en échange de leur peine [...]. Il peut s'agir des membres de la confrérie du défunt, qui doivent statutairement ce devoir funèbre avant de banqueter ensuite en leur honneur. A ceux-là, on remet, prélevé sur le testament du défunt, de quoi faire "pitance" et "aller boire ensemble" [...].
Le curé, les enfants de choeur et ceux du défunt avance devant le cercueil, et, derrière, vont les clercs et les pauvres - en effet, pour assurer leur salut, beaucoup de gens prévoient des distributions d'argent dans leur testament, et demandent que le plus de clercs possible assistent à leurs funérailles. Encore une fois, cette assemblée est presque exclusivement masculine, même lorsque le défunt est une défunte. Sauf si le testament réclame la présence de "pauvres filles" ou "pauvres femmes", sans doute demandées dans le rôle de pleureuses... Quoi qu'il en soit, la procession est censée être réalisée dans le recueillement, avec "trois haltes dans le parcours". Le testament peut porter une mention interdisant de sonner les cloches de l'église, par humilité encore, mais dans d'autre cas, le futur défunt espérera qu'on fasse grand bruit, car :
Le convoi funèbre est un rite social autant que religieux : nobles et notables souhaitent que leur dépouille soit estimée autant que le corps vivant l'a été et qu'elle soit traitée "honorablement", selon sa condition sociale, entourée de coûteux flambeaux et parée de luxueuses étoffes. La vie s'arrête quand un puissant est enterré, les boutiques ferment lorsque le maire de la ville est porté au cimetière.
Lorsque le corps est déposé dans la fosse, l'absolution est prononcé, puis on l'asperge d'eau bénite "comme il l'a été à son baptême." Puis les présents partagent un repas souvent réclamé par les testateurs eux-mêmes comme "agréable et non triste", au cours duquel la mémoire du défunt est évoqué, sans faire l'impasse sur ses défauts. Le ton peut être plaisant, voire grivois, le rire ayant fonction de conjurer la peur de la mort.
On a vu que les défunts étaient placés sur le dos. Cela correspond à un impératif religieux : ils doivent regarder vers le ciel. Aussi les personnes atteintes d'un handicap, considérées comme moralement contrefaites, sont-elles souvent sur le côté. Les cercueils, eux, non systématiquement utilisés, peuvent être en bois ou en métal, fleuris ou tapissés de paille, et comporter des pots et des vases remplis d'encens ou d'eau bénite.
Le lieu d'inhumation fait également l'objet d'une grande attention. Selon Pascal Moreaux dans son article "Quelques aspects de l'histoire funéraire dans la civilisation judéo-chrétienne en France", Etudes sur la mort, 2004, consultable sur Cairn en bibliothèque, à partir du XIè siècle, nobles et personnages aisés - dont sans doutes certains artisans et marchands - jouiront du privilège de se faire enterrer au sein de l'église, au plus près des reliques - moyennant quelques donations à l'institution. En revanche, les pauvres bénéficieront de moins en moins de sépultures individuelles :
Avec le temps et la surmortalité due aux grandes épidémies du Moyen Âge, l’Église qui a la charge «des corps et des âmes» va être confrontée à de graves problèmes de place et d’effectifs pour organiser les funérailles et les lieux de sépultures.
Pour faire face à ces milliers de morts au cours des épidémies de pestes dévastatrices du Moyen Âge et pouvoir disposer de gens pour les enterrements, l’Église va encourager la création des sociétés de charitables, sorte d’associations mutualistes qui se chargeront, bénévolement, au moyen de cotisations, non seulement des aspects matériels des funérailles mais aussi, en partie, de leur caractère spirituel. Les corporations de métiers créeront également des sociétés charitables. Plusieurs exercent encore aujourd’hui en France.
La sépulture va devenir collective pour la plupart de ces fidèles. En effet, les pauvres de loin les plus nombreux de la population, étaient enterrés en fosses communes dans le cimetière, en terre bénie autour de l’église et des établissements hospitaliers.
La fosse commune d’une dizaine de mètres de profondeur pouvait contenir jusqu’à 2000 cadavres avec un simple linceul et entassés par lits recouverts d’une fine couche de terre. Puis on recommençait jusqu’à ce que la fosse soit pleine.
Lorsque les fosses communes devaient être à nouveau réutilisées, les ossements étaient placés dans les charniers, sorte de cloîtres qui entouraient les cimetières et comportant des planchers sous toiture. Dans les églises, les combles servaient également de charniers où les restes mortels finissaient de se consumer.
Les charniers pouvaient êtres décorés par des fresques appelées «danses des morts ou danses macabres».
Pour continuer avec ce sujet passionnant, nous vous renvoyons aux ouvrages suivants :
- Entre paradis et enfer [Livre] : mourir au Moyen Âge, 600-1600 : [exposition, Bruxelles, Musées royaux d'art et d'histoire, du 2 décembre 2010 au 24 avril 2011] / sous la direction de Sophie Balace...
- Vivre et mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Age [Livre]
- Inhumations et édifices religieux au Moyen âge entre Loire et Seine [Livre] : [table ronde tenue à la Maison de la recherche en sciences humaines de l'Université de Caen en octobre 2003] / [organis...
- Essais sur l'histoire de la mort en Occident [Livre] : du Moyen Âge à nos jours / Philippe Aries
- À réveiller les morts [Livre] : la mort au quotidien dans l'Occident médiéval / sous la dir. de Danièle Alexandre-Bidon et Cécile Treffort... ; [publ. par le Centre interuniversitaire d'histoire et...
Bonne journée.
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