Existe il encore de véritables philantropes ?
CIVILISATION
+ DE 2 ANS
Le 06/12/2005 à 16h49
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Question d'origine :
Bonjour nobles gens qui répondez à ces questions !
A part vous, existe t'il encore des philantropes, ou groupes de philantropes, et qui sont ils ?
Et plus précisément en France...
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 08/12/2005 à 15h17
PHILANTHROPE, subst.
A. 1. Cour. Personne qui oeuvre pour le bien de ses semblables, pour l'amélioration de leur condition, de leur sort, qui vient en aide aux déshérités.
2. P. ext. Personne qui agit avec désintéressement, qui rend service, sans chercher à tirer profit de ses actes.
TLFI : Trésor de la Langue Française Informatisé.
Si l'on s’en tient à ces définitions, on pourrait dire que les associations oeuvrant dans le social, les ONG, les personnes privées faisant des dons (cf Bénévolat : mode d’emploi, guide des associations caritatives et organisations humanitaires françaises et internationales) sont les philanthropes du XXIe siècle.
D'autre part les riches entrepreneurs, qui font don d’une partie de leur fortune ou les entreprises qui s’engagent dans le mécénat pourraient être considérés comme des philanthropes.
L’ article Philanthropie de L’Encyclopédie L’Agora, et particulièrement le texte en lien de Marc Chevrier : Générosité des anciens, pingrerie des modernes déplore la diminution de la générosité « civique ». Mais le Special Report Philanthropy 2004, qui liste les plus grands philanthropes (personnes privées et sociétés) actuels selon le Businessweek on line et place Bill et Melinda Gates en «tête» du "Top 10", semble contredire sa vision…
Sur les philanthropes américains voir aussi l’article la Nouvelle philanthropie capitaliste dans la revue L’Homme, n° 167-168, qui rend compte de l’ouvrage Les Nouveaux riches : un ethnologue dans la Silicon Valley et le site des Businessangels.
Bien sûr, si le désintéressement est pour vous la base de la philanthropie …
Mais votre question ne peut faire l’économie d’un rappel historique que vous trouverez dans l’ouvrage Philanthropies et politiques sociales en Europe : XVIIIe-XXe siècles.
Il propose une définition « Le terme de philanthropie admet une double acception. Désignant générique, il qualifie l’ensemble des œuvres sociales, caritatives et humanitaires d’initiative privée, qu’elles soient ou non confessionnelles. Au sens spécifique, en revanche, sont dites « philanthropiques », par opposition aux fondations religieuses, des œuvres pluralistes, œuvres neutres ou interconfessionnelles sans finalité missionnaire. »
Il rappelle aussi l’origine des grands mouvements philanthropiques : « L’évolution des modèles nationaux situe au cours du premier XIXe siècle la dynamique d’un mouvement de fondations d’une ampleur sans précédent […]Dangereuse à l’ordre social, la condition de classes populaires rebelles aux lois morales et religieuses impose patronage, éducation, régénération. […] De ces actions confessionnelles se distinguent les œuvres se réclamant d’une philanthropie issue des Lumières et de « sentiments d’humanité » transcendant les particularismes religieux. […] la démarche philanthropique des Lumières, par son affirmation d’autonomie et son rejet de toute tutelle confessionnelle ou politique, anticipe sur ce que seront les grandes œuvres humanitaires de la fin du XXe siècle. »
La suite de l’introduction et les études de cas présentés montrent la difficulté d’accorder à tous ces mouvements la certitude du pur désintéressement : « bénéfices de carrière », « valeur d’affirmation sociale », « valeur émancipatrice pour les femmes, « moyens d’intégration et promotion sociales», les manifestations philanthropiques n’incluent pas, historiquement, la gratuité de la démarche. « Toutes ces élites libérales paraissent d’abord soucieuses d’améliorer le sort des populations précaires ou à risque […]. Cependant, dans le contexte de la grande crise européenne du dernier quart du siècle (le XIXe), elles sont aussi animées par la volonté de juguler un danger social et politique. […] Vingt à trente ans plus tard, en France, la République inaugure sa politique sociale publique sans renier ses origines démocratiques et en insistant sur les valeurs de solidarité. Mais elle s’efforce aussi, ce faisant, de couper l’herbe sous le pied aux revendications révolutionnaires. »
L’ouvrage s’attache donc à montrer à la fois l’importance et les limites de la philanthropie, tout en essayant de mieux cerner ses rapports et ses différences avec l’action sociale, la politique sociale. Il souligne ainsi un déclin de la philanthropie de nos jours, tout en montrant qu’elle imprègne tout le champ du social, qu’il soit privé ou public. Vous voyez qu’il est difficile de définir le « véritable philanthrope ».
Pour approfondir ce « passé philanthropique » en France, vous pouvez lire Usage et pratiques de la philanthropie : Pauvreté, action sociale et lien social, à Paris, au cours du premier XIXe siècle, de Catherine Duprat, en 2 vol. dont le compte-rendu, par Jean-Jacques Yvorel, est accessible en ligne dans la Revue d’histoire du XIXe siècle, 1999-19. L'auteure y montre aussi le rôle ambigu de la philanthropie, entre progrès social et ordre social, et explicite ses rapports avec la charité.
Enfin, votre question ne peut s’envisager non plus sans étudier de plus près la problématique du « don », sur laquelle on n’observe pas de réels consensus entre penseurs. Don, intérêt et désintéressement, d’Alain Caillé présente différentes options et résume aussi la démarche de la Revue du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales). En voici une partie de 4ème de couv. :
« Avant l'explicitation d'un "paradigme du don" (ici esquissé), qui aura été le travail principal des dix dernières années de La Revue du MAUSS, il fallait s'expliquer en profondeur sur ce qui fait problème dans l'" axiomatique de l'intérêt " et dans l'utilitarisme ou, à l'inverse, dans l'an-utilitarisme d'un Jacques Derrida. C'est que la recherche d'un don absolument pur et désintéressé est aussi illusoire et démobilisatrice, pour la pensée comme pour l'action, que la réduction de toute action aux calculs intéressés qui sont censés l'inspirer. Ce n'est qu'une fois clairement prémuni des séductions de ces deux frères ennemis qu'il est possible de commencer à avancer pour de bon. »
A lire aussi son Anthropologie du don et ces quelques autres titres. Il faudrait par ailleurs commencer par le fondateur Essai sur le don, de Marcel Mauss, téléchargeable.
Quant à nous, il serait tout aussi illusoire de nous croire absolument purs et désintéressés que de nous croire animés par d'obscurs calculs d'intérêt...
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