Question d'origine :
Pouvez-vous me dire pourquoi Lyon a la réputaion (semble-t-il justifié) d'être une ville froide. En gros pourquoi les lyonnais sont ils remfermés ?
Merci.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 30/09/2005 à 14h49
De tous temps, les lyonnais ont accueillis des étrangers dans leur ville.
Il est vrai que l’extrême réserve de nos concitoyens a souvent été assimilée, quelque fois à tort, à une certaine «froideur». Si l’on trouve des traces de cette méprise dès le XIXe siècle, il semble toutefois difficile de lui donner une origine.
Bruno Benoit a récemment abordé le problème dans son ouvrage sur La Lyonnitude :
"Lyon serait une ville où il ne fait pas bon vivre et les Lyonnais des gens froids. Ces représentations de Lyon et de ses habitants, déjà présentes sous la plume de Stendhal dans les années 1830, ont la vie dure. En effet, le sondage commandé par la Ville de Lyon en juin 1999 révèle que pour 36% de l'échantillon national sondé, les Lyonnais sont figés et très traditionnels, le pourcentage grimpant à 58,7% quand ce sont les habitants de l'agglomération lyonnaise qui s'expriment, ce qui prouve que Lyon et les Lyonnais sont encore plus mal perçus localement que nationalement. Qu'en est-il réellement du mythe affirmant que Lyon est une ville peu accueillante ? La lyonnitude serait-elle synonyme de froideur, de rejet des étrangers et de repli communautaire ?
Certes à Lyon, l'étranger est celui qui «n'est pas d'ici» et l'ici peut être très proche comme très lointain. Cependant, de tous temps, particulièrement durant les périodes de prospérité que sont les deux premiers siècles de notre ère - les Romains ne sont-ils pas les premiers étrangers ! -, l'époque de la Renaissance et depuis le XVIIIe siècle, Lyon a accueilli des étrangers, qu'ils soient des hommes d'argent ou des hommes de Dieu, qu'ils soient simples compagnons ou riches marchands, qu'ils soient originaires des campagnes proches ou de lointaines contrées, qu'ils soient hommes ou femmes.
[…] Le mythe qui résiste au temps et qui veut que Lyon soit une ville peu accueillante s’alimente auprès de ceux qui ne prennent pas le temps de comprendre cette ville et ses habitants en fonction d’une histoire originale ou qui se contentent de reproduire à l’envi quelques descriptions trouvées sous la plume caricaturale d’auteurs parlant non de Lyon, mais du quartier d’Ainay. A leur décharge, il faut dire que Lyon et les Lyonnais font peu d’efforts pour communiquer avec l’extérieur et expliquer leur lyonnitude. Le plus souvent, ils se contentent d’affirmer leur singularité, ce qui est le plus souvent interprété comme une attitude hautaine, entraînant de la part des non-Lyonnais une attitude de rejet."
On trouvera également trace de cette question dans un texte rédigé par le journaliste Petrus Sambardier (Les Arts à Lyon, 15 octobre 1926; BM Lyon, cote 952182), où l’auteur tente de faire passer comme une vertu ce qui apparaît quelque fois comme une froideur :
"Le Lyonnais, paraît-il, est cafard. On a même découvert récemment que Molière avait rencontré ici le type de Tartufe. Je vous fais grâce des récits inspirés par la sombre hypocrisie lyonnaise : extérieur austère à Lyon et fredaines à Paris; vie édifiante le jour et débauche la nuit; quart de Vichy au cabaret et ribottes [lire débauches] à domicile. J'en passe.
Je prétends, sans paradoxe - et réserve faite de quelques cas nullement particuliers à Lyon -, je prétends que ces accusations témoignent de la vertu lyonnaise de discrétion.
Le Lyonnais n'est pas fanfaron du vice. […] Le Lyonnais croit préférable de ne pas étaler ce dont il n'est pas fier. Cette discrétion, de vertu, ne deviendrait vice que si le gone faisait sermon et reproches à qui il plaît d'afficher ses débordements. À celui qui est indulgent pour autrui - et les prêcheurs de morale sont rares chez nous - ne refusez pas de mettre un manteau sur ses misères. Du reste, ce n'est pas seulement par respect de la morale que le Lyonnais tient ses petits écarts sous le boisseau, c'est par l'exercice d'une seconde vertu : le désir de ne pas se faire remarquer. Le Lyonnais a la passion des demi-teintes. Il redoute tout éclat. S'il pouvait laisser son visage au logis, il le ferait, afin de n'être pas remarqué dans la rue. Telles démarches qui, dans une autre ville, ont pour objet de «se faire voir», ne sont accomplies à Lyon que pour «ne pas se faire remarquer». Exemple : combien de Lyonnaises ne fréquentent les sociétés à concerts et à conférences que pour ne pas causer scandale par leur abstention.
«Lyon est la ville des allées de traboule», s'écrient avec horreur les contempteurs de notre discrétion. Et puis !... N'a-t-on pas placé au milieu de toute allée de traboule un portique en fer, très bas, très étroit, qui empêche les voleurs de soie de s'ensauver par là avec leur ballot sur l'épaule? La traboule ne sert qu'aux usages honnêtes. Elle permet, dites-vous, d'entrer au café par l'allée. En quoi cette pratique est-elle blâmable? «Mieux vaut bon vin par l'allée que piquette sur façade» a dit Bossuet. Et puis, par ainsi, le patron ne voit pas son employé entrer au cabaret, ni l'employé entrer son patron. Ils se rencontrent à l'intérieur et feignent honnêtement de ne pas se voir. Respect de la liberté d'autrui, autre vertu.
[…] La crainte de se faire remarquer est souvent le mobile de tels actes que les profanes attribuent à d'autres sentiments. Remarquez à la vogue quelle peine éprouvent les lutteurs à recueillir les sous qui doivent leur donner la force de commencer leurs exercices. Avarice des spectateurs ? Non ! Les décimes ne tombent pas sur le tapis parce que, dans la crainte de se faire remarquer, personne n'ose jeter le premier sou.
Il faut toujours en revenir à cette définition du Lyonnais donnée par Puitspelu au mot «soyeux» : «Des gens raisonnables qui n'aiment pas à faire de l'esbroufe ni, manifestement, à payer trop cher».
Ne pas faire de l'esbroufe, n'est-ce pas une vertu? Votre grand-papa vous a certainement raconté ceci : «Les fabricants avaient leur demeure d'été à Saint-Rambert ou Saint-Cyr. Ils venaient chaque matin à Lyon en voiture à deux chevaux. Mais ils s'arrêtaient toujours quai de Serin ou de Bondy, remisaient et achevaient le voyage à pied. Plus un Lyonnais est bien dans ses affaires, plus il geint».
[…] On aurait tort d'attribuer à la parcimonie la réserve parfois gênante que les Lyonnais observent à l'égard des inconnus, surtout si ces derniers sont bien habillés.
[…] Il y a, dans cet abord réfrigérant du Lyonnais, une vertu : l'amour de son indépendance. L’on n'a pas peur que l'arrivant inconnu vous dépouille : on redoute vaguement qu'il ne vous ennuie. Mais lorsque le Lyonnais rompt la quarantaine par la proposition d'un pot, la cordialité coule."
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