Question d'origine :
Pouvez vous me dire, s'il vous plaît si les virus actuels sont issus de souche stables et de ce fait, le rique de mutation est mineur.
Ou si, comme le virus de la grippe aviaire ou comme le SIDA, le virus change de forme régulièrement?
D'avance merci
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 28/10/2005 à 08h19
Dès la fin du XIXème siècle, l’existence du monde des virus est suspectée. Mais il faut attendre l’arrivée des microscopes électroniques, à partir de 1930, pour enfin les visualiser. Les techniques de culture cellulaire puis de biologie moléculaire précisent ensuite leurs stratégies de réplication et sont à l’origine des progrès thérapeutiques dans le domaine des antiviraux.
Les virus sont les seuls micro-organismes – ils mesurent entre 12 et 300 nanomètres (millièmes de micron) – qui ne possèdent qu’un seul acide nucléique, ARN ou ADN. A la limite de la matière inerte et de la matière vivante, ils n’ont pas de métabolisme propre et doivent donc, obligatoirement, détourner à leur profit la « machinerie » cellulaire des personnes qu’ils infectent. Toute leur stratégie consiste à se maintenir suffisamment longtemps chez leurs hôtes naturels, afin de réaliser un cycle biologique complet, de se reproduire. Un virus peut avoir un spectre d’hôtes restreint à une seule espèce : c’est le cas du virus de la variole ou celui de l’hépatite B, qui n’infectent que l’homme. Pour d’autres, au contraire, le spectre d’hôtes peut-être plus large : c’est le cas du virus de la fièvre jaune, rencontré chez le singe, l’homme et le moustique.
Si les virus sont en quête de cellules accueillantes, ils doivent toutefois faire preuve de coopération. Comme tout agent pathogène, ils sont en permanence soumis à la pression de sélection de l’hôte, qui s’exprime essentiellement à travers la réponse immunitaire. De sa capacité d’adaptation dépendront les relations stables entre un virus et son hôte naturel. Ainsi l’évolution sélectionne les virus qui sont les plus à même de se maintenir au cours du temps c’est à dire de s’adapter en même temps que leur hôte évolue. Cette faculté d’adaptation repose notamment sur la plasticité génétique.
Pour les virus ADN, il existe deux sources de variabilité : les mutations ponctuelles (très rares, en raison de l’existence d’un mécanisme de relecture de l’ADN qui permet de corriger la plupart des erreurs de transcription) et les recombinaisons. Les virus ARN possèdent quant à eux une variabilité génétique plus ou moins importante, liée à des mutations ponctuelles, des recombinaisons et des réassortiments génétiques entre différentes souches. Quoi qu’il en soit, c’est cette variabilité génétique plus ou moins marquée qui permet aux virus d’échapper à la pression immunitaire de l’individu et/ou de la collectivité, et leur confère un avantage évolutif majeur.
Nous savons de nos jours qu’une espèce virale est constituée d’une kyrielle de sous-populations complexes et diversifiées En effet, les virus, en particulier ceux dont le génome est à ARN, présentent un taux de mutation très élevé. A titre d’exemple, la comparaison de la souche virale isolée chez le premier malade de l’hôtel Métropole de Hong Kong, qui fut à l’origine de la diffusion du SRAS, avec celles des autres malades contaminés dans ce même hôtel, révèle un total de 94 changements d’acides aminés. Les conséquences de cette rapide évolution en termes d’immunité, et notamment de développement d’un vaccin, sont pour l’instant inconnues.
A la suite d’une infection humaine, la quantité de virus atteint rapidement plusieurs milliards de particules virales. Il en résulte qu’un sujet est porteur d’une extraordinaire diversité de sous-populations virales. Chez un individu donné, un équilibre s’établit parmi toutes ces sous-populations : l’une d’entre elles devient dominante, mais il suffit que le virus soit transmis à un autre hôte pour qu’émerge une nouvelle sous-population dominante. On conçoit ainsi le franchissement d’une barrière d’espèce est facilité par la sélection d’une sous-population virale qui, lorsqu’elle rencontre les conditions favorables, peut s’adapter à un nouvel hôte.
Les virus n’évoluent pas seulement par mutation. Certains d’entre eux (virus à génome segmenté) peuvent échanger une partie de leur génome avec des virus de la même espèce. Tel est le cas du virus de la grippe. Celui-ci possède un génome comportant huit segments d’ARN. Lorsque deux virus grippaux différents infectent un même hôte, il peut se produire, lors de la réplication et de l’assemblage du virus, un mélange des différents segments ; Le virus final comporte bien huit segments spécifiques, mails ils peuvent provenir des deux virus « parentaux ». On conçoit ainsi le potentiel évolutif extraordinaire que possède ce type de virus. Dans le cas de la grippe, la co-infection d’une même cellule peut aboutir en théorie à un total de 256 combinaisons possibles !
Les virus à génome entier ont, quant à eux, la possibilité d’échanger une partie de leur information génétique, lors de leur réplication, avec d’autres virus, voire avec des éléments cellulaires. On parle alors de recombinaison génétique.
(extrait du document : Le mystère des épidémies aux éditions Pasteur.)
Vaste question : les "nouveaux virus" peuvent en effet être associés à d'anciennes maladies, et les "nouvelles" maladies virales sont le plus souvent provoquées par d'anciens virus.
Toujours est-il que les progrès de la surveillance et du diagnostic ont mis au jour un certains nombre de virus, qu'on peut donc qualifier de "virus nouvellement découverts" : c'est le cas de nombreux virus des fièvres hémorragiques dont les Hantavirus, ou encore de l'herpès virus 6 (HHV-6) identifié en 1986, et déclaré en 1988 responsable d'une maladie de l'enfance très commune, la roséole (exanthem subitum), pourtant décrite dès 1910 et existant probablement depuis bien plus longtemps. On pourrait encore citer de nombreux exemples de maladies connues depuis longtemps dont l'agent a été identifié récemment.
Ces virus ont donc été détectés car les techniques d'analyses biologiques et moléculaires sont de plus en plus performantes, mais ne sont pas "nouveaux" : aucun virus ne peut être généré spontanément.
On peut cependant parler dans certains cas de "virus d'évolution nouvelle", qui descendent généralement de parents déjà existant dans la nature. Ils "émergent" suite, par exemple, à des mutations ou à des recombinaisons entre des virus existants qui peuvent engendrer des souches plus virulentes, ou bien parce que les conditions dans lesquelles ils ont existé pendant des millions d'années ont été modifiées : une perturbation écologique, souvent liée aux activités humaines, ou encore l'expansion de la population mondiale qui perturbe des écosystèmes autrefois stables et favorise les contacts entre les animaux porteurs de virus pathogènes et les humains, ou la transmission d'homme à homme.
L'étude des "virus émergents" en tant que tels est relativement récente. Le premier colloque scientifique consacré à ce sujet s'est en effet tenu à Washington en 1989, sous l'égide du Pr Stephen Morse, de la Rockefeller University. Et le livre qui lui fit suite fut publié en 1993.
La pandémie de SIDA due au VIH, triste pionnier des virus émergents , -qu'il soit "ancien" ou "nouveau" virus -, a rappelé la permanence de la menace infectieuse. Puis l'évolution de la virologie - grâce au développement de certaines techniques moléculaires - a permis d'étudier toute une gamme de viroses émergentes ou ré-émergentes. En octobre 1995, l'OMS a créé une division de "Surveillance et de Contrôle des Maladies Emergentes et autres Maladies Transmissibles". Depuis, on découvert de nombreux virus comme le virus Nipah (1998) ou celui, plus médiatisé, responsable du SRAS (fin 2002). Sans aucun doute, la surveillance va contribuer dans les années à venir à sortir de l'ombre encore bien d'autres maladies aujourd'hui inconnues, qui seront étiquetées "émergentes".
(source : Dossier de l'Institut Pasteur.)
Et pour en savoir encore plus :
- Grippe & épidémies, un dossier entre Science et Société proposé par la Mission culture scientifique et technique de l'Université Louis Pasteur de Strasbourg.
- D'où viennent-ils ?, un article extrait du journal du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).
Des documents consultables dans les Bibliothèques de Lyon :
- Virologie humaine de Leslie Collier et John Oxford.
- Les nouveau virus : les tueurs les plus discrets de la planète du Dr Evelyne Moulin.
- Les virus émergents de Jean-Pierre Saluzzo, Pierre Vidal et Jean-Paul Gonzalez.
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