Question d'origine :
bonjour,
y a - il un rapport entre yoga et boudhisme, si oui lequel ?
Quelles sont les ressemblances et différences ?
merci
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 10/12/2005 à 09h17
D’après les textes consultés, si on peut trouver au yoga et au bouddhisme des origines communes, des emprunts réciproques et des pratiques méditatives assez proches, ce sont bien deux « voies » différentes. Cependant, il est quasiment impossible de résumer les apports, les ressemblances, les différences, tant ils dépendent aussi des différentes sortes de yoga et des différentes écoles bouddhistes.
Vous pouvez consulter :
Le yoga, par Pierre Feuga et Tara Michaël
« Le terme « yoga » est connu, employé quotidiennement un peu partout, souvent de façon impropre […]. Nombre de textes fondamentaux se rapportant au yoga ont été traduits et sont même accessibles au grand public. Les manuels de vulgarisation abondent. Des articles de journaux nous vantent les bienfaits du yoga ou, au contraire, nous avertissent de ses dangers le confondant avec quelque pratique aberrante affublée frauduleusement du même nom et répandue dans telle ou telle secte […]. Le plus regrettable dans cette vogue – qui n’a évidemment pas que des aspects négatifs – est l’esprit réducteur qui s’y manifeste. […]Ainsi, le yoga, jadis quête de la délivrance, voie conçue pour mener l’être humain à l’épanouissement de toutes ses potentialités puis au dépassement de son « humanité » même, est-il trop souvent réduit aujourd’hui à une simple gestuelle anxiolytique, un ensemble de recettes « anti-stress » ou un moyen, comme on dit, de « se sentir bien dans sa peau ».(p.5-6)
« Ce sont surtout les procédés psychophysiologiques qui méritent le nom de yoga, surtout quand ils se donnent pour fin l’ « union de l’être individuel (jivatman) avec le principe suprême (Paratman) ». Or une telle union ne saurait s’obtenir sans une unification préalable de toutes les facultés physiques, psychiques et intellectuelles de l’être humain. Dés lors on voit que le terme yoga connote aussi bien le but que le moyen pour parvenir à ce but. L’homme accompli en yoga (le yogin ou yogi) est à la fois « uni » (au Principe suprême) et « unifié » en soi-même. » (p.11-12)
Le chapitre « Yoga et jaïnisme » constate :
« On a souvent relevé les affinités qui existent entre le jaïnisme et le bouddhisme ancien : ces deux hétérodoxies – du point de vue brahmanique – surgissent pareillement au VI siècle de notre ère, dans un climat de renouveau spirituel […] ; elles émanent de la même région (le nord-est de l’Inde) et du même milieu aristocratique et guerrier – donc non sacerdotal, voire antisacerdotal ; elles rejettent avec une égale énergie l’autorité des Vedas, l’existence (ou la nécessité) de toute divinité suprême ; religions sans Dieu, elles fondent néanmoins des communautés monastiques […] ; elle s’appuie sur la même doctrine – inconnue dans les hymnes védiques et les premières upanisad – du samsara, de la transmigration indéfinie des êtres à travers les cycles de l’existence […]. Toutes deux, sans conteste, doivent beaucoup au yoga et, d’une certaine manière, ne s’explique pas sans lui. ».
Enfin vous pouvez lire en entier le chapitre V. Yoga et bouddhisme, dont voici quelques extraits :
« On dit que le prince Siddharta Gautama […] se mit à l’école de deux maîtres […]. Le premier enseignait une forme ancienne de samkhya ; le second était un yogin. Le futur bouddha s’est donc ainsi trouvé, dés le début de sa quête, en contact avec deux doctrines qui devaient plus tard faire partie de des « six points de vue » orthodoxes (darsana) de l’hindouisme et entre lesquelles il existe une affinité évidente, puisqu’on les considère comme les deux faces – l’une théorique, l’autre pratique – du même enseignement. […] il est possible qu’il ait emprunté au samkhya la mode de raisonnement analytique que l’on décèle dans l’exposé des « quatre nobles vérités » et des « douze conditions « […], tout comme la certitude que la Libération s’obtient, non par des rites, mais par la connaissance (prajna). Du yoga il a pu retenir l’idée complémentaire que cette connaissance, pour conduire au nirvana, doit être « réalisée » au moyen d’une discipline méditative (samadhi). Mais si l’Eveillé a su tenir le juste milieu entre gnôsis et praxis, il n’en est pas toujours allé de même de ses disciples ni des nombreuses écoles qui ont jalonné l’histoire du bouddhisme. Pour s’en tenir à l’ « Ecole des Anciens » (Theravada), nommée souvent « Petit Véhicule » (Hinayana), on remarque de bonne heure que ces deux tendances à privilégier soit la compréhension intellectuelle, soit l’expérience yogique se sont affrontées […]. Et force est de constater que le canon pâli, dans son ensemble, reste peu favorable aux yogin. ». Les auteurs montrent ensuite les similitudes entre la méditation bouddhique et celle des maîtres hindous, notamment le va-et-vient du souffle. Cependant, « ce qui caractérise le yoga bouddhique, c’est cette union intime de la connaissance et de sa réalisation. ». Enfin, le paragraphe suivant souligne la dimension que prend le yoga avec « le Grand Véhicule ». « Un des deux principaux courants mahâyâniques lui devra même son nom : Yogacara, que l’on traduit par « exercice du yoga », mais ce terme désigne en fait toute pratique méditative permettant d’accéder à la carrière de bodhisattva. » Ils évoquent ensuite le bouddhisme tantrique, qui utilise les pratiques du kundalini-yoga hindou.
Dans L’Inde classique : manuel des études indiennes, au paragraphe 1459 intitulé « Yoga et bouddhisme », on peut lire « Un certain nombre de notions des Yogasutra semble d’origine bouddhique (Kern, Senart, etc.). Le non-savoir (avidya) par exemple est une notion commune au Yoga et au bouddhisme en même temps d’ailleurs qu’au Vedanta. Plus précisément, dans le yoga comme dans le bouddhisme (Kern), c’est l’avidya qui trouble l’esprit et lui fait prendre pour le permanent l’impermanent (anitya), pour la pureté l’impureté (asuci), pour la bonheur le malheur (duhka), pour doué d’âme ce qui n’en a pas (anatman). Les klesa du yoga sont aussi ceux du bouddhisme. Aux bhumi comme étapes spirituelles du yogin et aux dhyana et samadhi correspondent des bhumi, des dhyana et des samadhi bouddhiques qui ne sont, toutefois, pas toujours identiques. Ces corrélations et nombres d’autres peuvent tenir à des emprunts des Yogasutras aux textes bouddhiques, mais elles expriment bien plutôt une communauté générale de technique entre le Yoga et le bouddhisme, bien antérieurement à la rédaction des Yogasutras. Le Yoga, longtemps avant d’être l’objet de l’exposé dogmatique des Yogasutra, a prêté à toutes les religions ou mieux à toutes les sagesses de l’Inde. Il est loin d’être exclusivement brahmanique, il a une importance générale, car c’est dans toute la civilisation indienne qu’il est une technique universellement utilisable de maîtrise de soi. »
Vous apprendrez d’ailleurs dans ce Manuel tout ce qu’il faut savoir sur le bouddhisme et le yoga, les origines, les textes, les écoles, les pratiques. A lire aussi le chapitre sur le Yoga tantrique.
Voir aussi :
- les auteurs cités par le Manuel ci-dessus : Histoire du bouddhisme dans l'Inde, de Heinrich Kern, "Bouddhisme et yoga", de Emile Sénart dans Revue de l’histoire des religions, novembre 1900.
- ces livres sur le Samkhya (antique doctrine de l’Inde complémentaire du yoga et proche du bouddhisme).
- l’ouvrage Yoga, de Tara Michaël,
- cette Histoire du yoga en Occident
et pour des aperçus de praticiens enseignants :
Le yoga bouddhique
Yoga and buddhism.
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