Question d'origine :
Bonjour à tous,
J'aimerais savoir s'il existe des précédents en matière de caricature religieuse, concernant soit des personnages emblématiques (Mahomet, Moïse, Bouddha...) ou des figures divines (Jésus, Yahvé, Dieu, Allah, Marie...) dans les journaux européens et surtout français des siècles passés ? Si oui, comment ces dessins ont-ils été reçus par l'opinion publique ?
Par ailleurs, je souhaiterais savoir si la polémique actuelle porte sur le fait qu'il est interdit de représenter le prophète ou sur la manière dont il est représenté (ou les 2).
Un grand merci à vous tous qui oeuvrez pour la connaissance !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 09/02/2006 à 15h58
Essayons de cerner votre sujet : vous parlez de journaux européens des siècles derniers. Les deux derniers évidemment, car il faut attendre le 19e siècle pour parler de presse au sens moderne, les innovations techniques ayant permis des parutions à plusieurs milliers d’exemplaires.
Avant cette période ont circulé bien évidemment feuilles volantes, libelles, occasionnels et autres canards illustrés, plus ou moins sous le manteau, l’illustration ayant évidemment un impact particulièrement intense sur des populations qui n’étaient jusque là que faiblement alphabétisées.
Référons nous maintenant à la Grande Encyclopédie
Tracés le plus souvent sur les murs, avec la pointe d’un stylet par des mains inexpérimentées, les dessins témoignent combien populaire était à Rome le goût de la satire. Quelques uns sont de véritables caricatures. Ainsi, cette grossière figure, au nez allongé, qui représente un triomphateur romain. Ainsi, surtout, le fameux graffito découvert dans un jardin, près du Mont Palatin par le P.
Garucci. Le dieu des chrétiens y apparaît sur la croix avec une tête d’âne, et ayant à ses pieds l’un de ses adorateurs. La légende ne laisse aucun doute sur l’intention satirique : « Alaxamène, adore ton Dieu ! » Représenter le Christ avec une tête d’âne, était une raillerie familière aux païens comme nous l’apprennent Minucius Félix et Tertullien…
Le Moyen Age ne nous fournit également que des ébauches de caricatures. D’ailleurs l’Eglise est une surveillante jalouse. C’est seulement à son ombre, dans les œuvres qu’elle crée ou qu’elle autorise, que la caricature se glissera timidement, faisant grimacer ses personnages sous le porche et sur les vitraux des cathédrales ou dans les miniatures des livres d’heures, comme celui du Duc de Berry. Les sujets qu’elle affectionne, processions d’ânes et de porcs, singes revêtus du froc et de la mitre, renards déguisés en moines et prêchant des poules, ce sont les sujets des fabliaux…
Voici le XVIe siècle et l’imprimerie ! La gravure est née depuis un siècle. Bientôt, la caricature sera en possession de ses principaux moyens d’expression….
Au XVIe siècle, en France, on ne rit encore qu’avec privilège du roi. La Réforme soulève des passions dont il semble que la caricature pourrait s’emparer mais au début, l’autorité royale est encore toute puissante…Rabelais cependant qui est hardi et bien en cour, osera retracer au crayon les faces lippues, les bedaines rebondies, ou les visages émaciés des moines et papelards de son Pantagruel (1565).L’excentricité du dessin éloigne tout soupçon de ressemblance avec le modèle…
Le XVIIIe siècle commence par un éclat de rire. C’est le siècle de la caricature universelle. La caricature politique y est encore à peu près nulle. La lutte des jansénistes et des jésuites inspire quelques estampes. Mais en revanche, la caricature des mœurs s’ébauche…
Jusqu’ici, la caricature est un passe-temps aristocratique. La révolution en fait un moyen de propagande…On célèbre le triomphe du Tiers, la prise de la Bastille, comme en témoignent les nombreuses pièces du musée Carnavalet. On fustige les religieuses, on représente Louis XVI en cochon…
L’agitation politique qui règne au XIX siècle, l’instabilité des institutions fournirent aux caricaturistes une nourriture abondante…
Le plus grand de tous les caricaturistes fut certainement Honoré Daumier…. Avec lui, la caricature adhéra à l’histoire, devint la chronique la plus sûre de son époque.
A partir de 1877, L’Eglise et la république se déchirent et en 1905, c’est la séparation des Eglises et de L’Etat
Dans La république et l’image, images d’une querelle, les auteurs font revivre ce débat passionnant au travers de nombreux dessins parus dans les journaux de l’époque tels que l’Assiette au beurre, La Lanterne, le Grelot etc., une presse libérée par la loi du 29 juillet 1881.
A consulter aussi :
- A bas la calotte de Guillaume Doizy
- A la charge, la caricature en France de 1789 à 2000 de Bertrand Tillier.
- Histoire de France par la caricature par Annie Duprat.
- Usages de l'image au XIXe siècle (vous en trouverez un résumé dans Decitre.fr)
Cet aperçu rapide de la caricature au travers des siècles sur des supports divers met en évidence le caractère essentiellement politique et anticlérical de celle-ci.
Vous pouvez aussi vous reporter à l'interview de Jean-Noël Jeanneney, historien, président de la Bibliothèque nationale de France, dans le Nouvel Observateur du 9 février 2006 ; (p.58) Nous vous enverrons cet article par mail.
Dans le même numéro, vous trouverez également une interview de Régis Debray, agrégé de philosophie et directeur de publication de "Médium", sur ce sujet.
Le n°6 de Medium consacre d'ailleurs un dossier à "la croyance, l'outrage et la foi".
Pour la seconde partie de votre question, veuillez vous reporter à cette réponse.
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