ad hominem ou ad personam ?
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 15/03/2007 à 14h54
2851 vues
Question d'origine :
Bonjour,
je souhaiterais connaître la signification exacte de l'expression "argumentation ad hominem". Elle me semble le plus souvent employée pour désigner un argument qui attaque la personne elle-même et non ses idées. Cependant, d'autres personnes m'ont certifié qu'il s'agissait là d'une "argumentation ad personnam", l'argumentation "ad hominem" désignerait alors un mode d'argumentation consistant à adopter le mode de pensée de l'adversaire pour faire apparaître ses contradictions.
Qu'en est-il exactement (quel emploi pour l'une et l'autre de ces deux expressions ?) et quelle est la différence au niveau éthymologique entre "ad hominem" et "ad personnam" qui permette d'expliquer et de retenir leur signification respective ? Et enfin, existe-t-il une référence faisant autorité, à laquelle renvoyer ceux qui sont dans l'erreur ?
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 16/03/2007 à 14h11
Voici deux définitions (parmi d'autres) permettant de différencier les deux notions :
-
L'argument ad hominem ou argumentum ad hominem est une locution latine qui désigne le fait de confondre un adversaire en lui opposant ses propres paroles ou ses propres actes. Il sert fréquemment de sophisme consistant à discréditer la personne qui défend des arguments plutôt que les arguments eux-mêmes. Les arguments ad hominem ne sont pas toujours du registre des insultes.
Typiquement un argument ad hominem est construit comme suit :
1/ A affirme la proposition B.
2/ Affirmer que A n'est pas crédible (pour des raisons liées à ses paroles, à ses actes) quand il dit B.
3/ Donc la proposition B est fausse.
C'est une des techniques les plus utilisées en rhétorique.
Ad personam
Les attaques personnelles consistent assez souvent à insulter son adversaire (souvent de manière excessive), mais il peut aussi s'agir d'évoquer des faits gênants pour le locuteur non liés aux arguments. Évidemment ceci est fallacieux car la personnalité de l'auteur n'influe pas sur la validité et la logique des arguments.
« Jacques a tort quand il prétend que Dieu n'existe pas car c'est un fieffé gredin. »
En revanche, l'exposé de motifs inconscients par lesquels un interlocuteur pourrait se refuser à admettre une thèse, par exemple en raison d'intérêts personnels ou familiaux contraires, ne constitue pas un sophisme ad personam. Il porte en effet sur une explication de perception et non sur la démonstration du fond de la chose alléguée.
Circonstanciel
Les arguments ad hominem circonstanciels sont ceux consistant à mettre en avant des faits relatifs au passé ou aux convictions d'une personne pour discréditer son point de vue. Il consiste souvent à affirmer que la personnalité du locuteur biaise l'argument :
« Jacques a tort quand il prétend que Dieu n'existe pas car c'est un ancien prisonnier. »
Tout argument ad hominem n'est pas toujours une attaque personnelle comme le montre l'exemple suivant :
« Jean prétend que l'on peut tuer sous le coup de la colère, mais ce n'est pas possible : il ne perd jamais son sang-froid. »
« Le président a annoncé qu'il était important que le président de la République ne puisse être poursuivi dans l'exercice de ses fonctions, car il est lui même potentiellement inculpable. Il faut donc modifier la loi pour pouvoir poursuivre le président. »
Qu'on soutienne ou non la proposition de ce dernier exemple, il faut bien voir qu'ici, elle part d'un argument ad hominem, donc d'un sophisme. Voir aussi Post hoc, ergo propter hoc.
Tu quoque
Tu quoque signifie « toi aussi ». Il s'agit de jeter l'opprobre sur la personne en raison de choses qu'elle a faites ou dites par le passé, en révélant une incohérence de ses actes ou propositions antérieures avec les arguments qu'elle défend :
« Comment Voltaire peut-il prétendre parler de l'égalité des Hommes alors qu'il avait investi dans le commerce des esclaves ? »
« Comment peut-on lire ce que Jean-Jacques Rousseau peut écrire sur l'éducation des enfants alors qu'il a abandonné les siens ? »
L'argument ad hominem tel qu'il a été défini n'est qu'un sophisme s'il sert à démontrer la fausseté de la proposition présentée. Il est un outil utilisé quotidiennement à bon escient s'il sert à juger de la crédibilité de cette proposition. Il est bien sûr difficile de distinguer ces deux utilisations.
Supposons qu'un juge ait devant lui deux témoins.
Le premier (ayant fait l'objet d'une condamnation par le passé) affirme A.
Le second (sans casier judiciaire) affirme B, incompatible avec A.
En l'absence de preuves irréfutables dans un sens ou dans l'autre (ce qui est le cas le plus fréquent), lequel croira-t-il? Probablement le second. Est-ce suffisant pour condamner ou relâcher l'accusé?
Les arguments ad hominem font partie des manœuvres dilatoires appelées chiffon rouge (en anglais red herring, ou manœuvre de diversion). La méthode appelée empoisonner le puits est une sous-catégorie de ce type d'arguments.
-
Argumentum ad hominem (ou argumentation sur la personne) tend à invalider une autre argumentation en dicréditant la personne qui la soutient, à la limite en déniant à cette personne le droit à la parole sur le sujet en question. Trois stratégies discursives se cachent dans cet argument:
a/ la mise en doute des connaissances, de l'intelligence ou de la bonne foi de l'autre partie;
b/ l'attaque personnelle indirecte, liée aux circonstances, qui jette le soupçon sur les motifs de l'autre partie;
c/ la découverte d'une contradiction entre les idées de l'autre partie et ses actions passées ou présentes.
L'argumentation sur la personne a une nature réfutative.
Cette réfutation sur la personne sera valable dans deux cas au moins, qui relèvent de deux formes différentes du principe de contradiction: (a) il est légitime d'exiger de son adversaire que ses actes soient en accord avec ses paroles, que ses paroles soient non contradictoires et (b ) que les croyances qu'il défend soient cohérentes.
Il faudra distinguer la réfutation ad hominem de 'l'argument ad personam' ou 'l'attaque personnelle'.
À noter que certains arguments sur la personne sont apparentés à l'argument d'autorité:
(i) X affirme que A.
(ii) Argument sur la personne: le fait que X soutienne A motive le rejet de A.
(iii) Argument d'autorité: le fait que X soutienne A est utilisé pour imposer A.
Pour l'étymologie des 2 termes, voir :
-
Ad personam
Expression qui signifie littéralement: "en direction de la personne. C'est-à-dire "à l'endroit de la personne", "à l'égard de la personne". Cf. ad hominem.
Ad hominem
Expression qui signifie littéralement: "en direction de l'homme". C'est-à-dire "à l'égard de l'homme". Elle est composée de la préposition ad qui indique une direction vers laquelle on tend et du substantif homo = homme à l'accusatif (hominem).
ou
-
Ad hominem signifie vers l'homme, ad personam, vers la personne, et ad rem, vers la chose.
L'argument ad hominem vise tout particulièrement l'opinion d'une personne ou d'un groupe en particulier, les préjugés de la personne de l'adversaire ou de la personne à qui l'on parle; l'argument ad personam vise la personne elle-même de l'adversaire en lui opposant ses actes ou ses déclarations, en la mettant en contradiction avec elle-même.
Quand vous parler de "référence faisant autorité", voulez-vous parler d'une personne ou d'un livre ?
DANS NOS COLLECTIONS :
Ça pourrait vous intéresser :
Commentaires 0
Connectez-vous pour pouvoir commenter.
Se connecter