Adhésion syndicale en France
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 11/04/2007 à 19h53
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Question d'origine :
La France est, en Europe, le pays qui compte le moins de syndiqués.
On dit parfois que c'est parce l'adhésion n'y est pas obligatoire, contrairement à d'autres pays européens.
J'aimerais connaître les différents modes de syndicalisation en Europe.
Merci pour votre réponse.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 13/04/2007 à 09h34
Voici l'analyse faite par Jean-Marie Pernot chercheur à l’IRES et auteur du livre
Du nombre toujours plus grand de PME, à la généralisation des contrats précaires, en passant par la méfiance affichée par les jeunes, les syndicats ont beaucoup de mal à maintenir leurs effectifs. Malgré l’existence de services associés à la syndicalisation dans de nombreux Etats de l’Union, le pourcentage de salariés affiliés diminue partout en Europe, depuis une quinzaine d’années. L’Association Réalités du Dialogue Social (RDS) recevait pour débattre de cette évolution, lors d’un déjeuner le 10 mai à la Maison de l’Europe, Jean-Marie Pernot.
Dans "Syndicats : lendemains de crise ?", Jean-Marie Pernot avait pour objectif premier de décrire la situation du syndicalisme français. Celui-ci possède, d’après l’auteur, une série de caractéristiques qui le distingue des autres syndicalismes européens et en explique la crise actuelle, tant au niveau de l’efficacité syndicale que du taux de syndicalisation.
M. Pernot donne trois raisons majeures aux problèmes que connaît le monde syndical, en France. Première observation : les syndicats entretiennent, en permanence, des rapports conflictuels, à tel point que l’auteur qualifie les relations intersyndicales de "guerre de tous contre tous".
Un reproche est ensuite fait à l’absence de confiance dans la négociation collective et, a contrario, à l’omniprésence de l’Etat dans les relations sociales : "Les syndicats ont plus confiance dans la loi que dans la négociation collective. Le manque de culture de la négociation collective est un vrai problème en France et ce n'est pas uniquement la responsabilité des syndicats. Il a toujours manqué, en face, des employeurs pour négocier. Eux aussi ont toujours trouvé plus pratique d'obtenir par l'Etat des choses qu'ils auraient dû autrement négocier avec les syndicats".
Enfin, l’affiliation à un syndicat ne repose, en France, que sur "la conviction et le don de soi". Contrairement aux autres pays européens, la syndicalisation n’ouvre la voie à aucun avantage matériel (mutuelle, indemnisation du chômage etc.).
Mais cette dernière singularité est, en réalité, un indicateur que "le syndicalisme français n’a fait qu’anticiper et radicaliser une crise" à laquelle ses homologues européens sont également confrontés. Car la France n’est pas la seule à voir son taux de syndicalisation baisser. Une étude menée par l’Observatoire européen des relations industrielles fait ainsi état d’une baisse presque générale de syndicalisation, entre 1993 et 2003, qui va de -5 à -15 points, pour les pays de l’Union à 15, plus la Norvège. Pourtant, aucun de ces pays n’est descendu au record peu enviable de la France qui, avec 9% de syndiqués, occupe toujours – et de loin – la dernière place en Europe occidentale.
A l’autre extrémité, se détachent les syndicats nordiques (ainsi que la Belgique), dont le taux de syndicalisation demeure supérieur à 70%.
Mais ces avantages ne sont que des "amortisseurs". Ils n’empêchent pas ces pays de connaître " des tendances communes à l’ensemble de l’Europe". Des forces opposées tirent, en effet, le taux de syndicalisation vers le bas, telles que l’affaiblissement de la confédération des syndicats ouvriers (en particulier au Danemark), le développement des contrats de travail à durée déterminée ou la désaffection des jeunes.
En revanche, Jean-Marie Pernot salue la féminisation du syndicalisme nordique : "Un féminisme actif a permis la présence des femmes dans tous les domaines de la représentation". En outre, depuis 2003, "il y a plus de femmes que d’hommes dans trois des quatre pays nordiques", les Danoises ne constituant "que" 49% des syndiqués de leur pays.
"Cette féminisation de la présence syndicale explique, autant que la délivrance de services, le maintien d’une syndicalisation élevée", de sorte que, malgré une certaine érosion depuis une décennie, Jean-Marie Pernot ne croit nullement en "une chute brutale de l’influence" des syndicats nordiques.
De chute vertigineuse, il en est en revanche question lorsque l’on passe du groupe des pays nordiques, dont on rappelle que le taux de syndicalisation dépasse 70%, vers le deuxième groupe, qui ne compte, lui, que 30 à 50% de syndiqués. C’est le cas de l’Italie, du Luxembourg, de l’Autriche et de l’Irlande.
Cette dernière, cependant, n’a pas connu d’évolution particulièrement inquiétante, puisque, sous l’effet, ici aussi, de l’arrivée des femmes, le nombre de syndiqués irlandais a même augmenté (mais tout de même moins vite que la population éligible à l’adhésion, expliquant la baisse du taux de syndicalisation).
Du coup, l’influence syndicale dans les relations industrielles s’avère moins prégnante qu’en apparence. Et ça ne fait qu’empirer. Entre 1980 et 1996, les deux grandes confédérations de syndicats italiennes, CGIL et CISL, ont respectivement perdu un tiers et un quart de leurs adhérents. M. Pernot estime que "la baisse de l’emploi dans les grandes entreprises et la multiplication des PME sont une des causes de cette évolution".
Le paysage syndical de l’Autriche n’est guère plus brillant : malgré un réseau de services très étendu, on observe une baisse sensible de la syndicalisation, comparable aux pertes que subissent les pays du troisième groupe.
Compris entre 20 et 29%, les taux de syndicalisation du Royaume-Uni, de la Grèce, des Pays-Bas, du Portugal et de l’Allemagne préoccupent beaucoup Jean-Marie Pernot. En particulier, la situation dans le secteur privé. Au Royaume-Uni, par exemple, la syndicalisation dans les entreprises privées est inférieure à 20%. "De plus", déplore l’auteur, "la présence syndicale [y] est lacunaire, en raison des règles particulières qui permettent aux syndicats de s’implanter. Là où il se trouve, le syndicat a de nombreux adhérents mais il ne peut exister là où il n’en aurait que quelques-uns. Dans ces conditions, les 19% de syndiqués du secteur privé sont relativement concentrés avec, en corollaire, un grand nombre d’entreprises sans représentation".
Deux autres caractéristiques de l’évolution actuelle du syndicalisme britannique viennent assombrir davantage le tableau : s’il est vrai que la mixité progresse aussi dans ce pays, c’est dû, avant tout, à la baisse du taux de syndicalisation des hommes (de 42% à 29%), tandis que celui des femmes reste à peu près identique. Jean-Marie Pernot s’inquiète également de
Les causes de la désyndicalisation sont différentes, en Allemagne ; la principale étant l’unification du pays. Après la chute du mur de Berlin, en 1989, les recrutements ont été nombreux, dans un premier temps. Mais dès les années suivantes, et les Länder de l’Est et ceux de l’Ouest ont subi des " défections massives". Le DGB, la confédération allemande des syndicats, ne regroupe plus aujourd’hui que 20% des travailleurs allemands, soit une perte spectaculaire de dix points en une décennie.
Le quatrième et dernier groupe, qui ne comporte, en fait, qu’un seul membre, n’est étonnamment pas le plus à plaindre. Bien qu’au-dessous des 20% de syndiqués, l’Espagne connaît une légère croissance de son taux. Une exception qui met sans doute plus de caustique que de baume au cœur des syndicats européens.
Pour établir des comparaisons entre pays, lire
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