Question d'origine :
Bonjour,
Dans le guide de balades et randonnées à pied "Le Massif du Pilat" sur la page d'une promenade autour de Condrieu, il y a un encadré concernant la maison de la Gabelle où il est écrit: "Des 32 greniers à sel que comptait la province du Lyonnais sous le règne de Louis XIV, seul celui de Condrieu a été conservé."
J'aimerais savoir où se trouvaient les 31 autres greniers à sel du Lyonnais (ou où je pourrais obtenir ces informations?).
Et si effectivement il s'agit du seul grenier à sel (du Lyonnais) conservé. Car il me semble que Malleval possède aussi un grenier à sel et était dans le Lyonnais.
Merci pour vos réponses et votre magnifique travail.
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 22/05/2007 à 13h11
Pendant plus de quatre siècles, la gabelle fut l’impôt le plus honnis des Français. En fait, instituée par ordonnance royale en 1331, puis 1342, la gabelle réglementait drastiquement l’achat de sel, en obligeant les français non seulement à acheter le sel directement à l’Etat, mais encore à en acheter une certaine quantité pour une période donnée. Au Moyen Age, le sel, utilisé pour la conservation (salaison) des aliments et comme composant nutritif pour le bétail, est une denrée stratégique, au même titre que, disons, le pétrole de nos jours.
Mais en plus d’être un impôt abusif, la gabelle n’assujettit pas tous les Français au même régime : si la plus grande partie du pays est imposée au prix fort, certaines régions bénéficient de traitement moins drastiques. En tout, six « pays » de gabelle tracent le découpage de la France du Moyen Age, en fonction notamment de leur proximité avec les marais salins et zones de productions du sel. Les régions frontalières des pays de
Le Lyonnais et le Forez ne sont cependant pas soumis à de tels raffinements. Ces deux régions relèvent en effet d’un régime plus souple, celui des
« Ces pays n’étaient pas régis par l’ordonnance de 1680. Il y avait des règlements particuliers pour chaque province. Règlements de juin 1660, et février 1667 pour les gabelles du Lyonnais (…).
Dans ces pays, il n’y avait pas de sel du devoir, pas de grenier d’impôt, la consommation du sel était libre, la seule obligation pour les habitants était de s’approvisionner du sel nécessaire à leur consommation dans tel grenier que bon leur semblait pourvu que ce grenier fût l’un des greniers de la ferme, dans le district de laquelle leur domicile était situé. »
Il convient ici de préciser en deux mots l’organisation des greniers dans la France de l’Ancien Régime ; les impôts indirects, dont fait parti la gabelle, étaient généralement affermés (sous-traités aux Fermes) à des traitants qui versaient au roi une somme forfaitaire, épargnant à l’état toute charge de perception. Par soucis de commodité, à partir du XVIème siècle, l’Etat pousse à la concentration des Fermes, jusqu’en 1680, date à laquelle Colbert fait adopter un bail unique pour l’ensemble des impôts indirects : c’est la création de la
« Le territoire de la ferme dite à la part du Royaume était très vaste. Il englobait, outre la Généralité de Lyon et ses trois élections, le Vivarais, le Mâconnais et après le traité de Lyon, la Bresse, le Bugey, le Valromey et le baillage de Gex. »
Et à propos des greniers à sel de la généralité de Lyon (division administrative assurant le contrôle de la collecte d’impôt sous l’Ancien Régime, elle-même subdivisée en élections et en subdélégations, et correspondant en gros au Lyonnais) :
« Pour faciliter la levée de l’impôt des gabelles, l’édit de novembre 1595 avait opéré une réforme intéressante. (…) [Il] créait un grand nombre de greniers nouveaux. Dans l’élection du Lyonnais il y en avait désormais sept : Lyon, Condrieu, Sainte-Colombe, Saint-Chamond, Saint-Symphorien-le-Châtel, Charlieu, Tarare ; dans le Forez, douze : Montbrison, Boën , Saint-Bonnet-le-Châtel, Saint-Etienne, Feurs, Saint-Germain-Laval, Saint-Galmier, Saint-Rambert, Roanne, Saint-Ferréol, Servières et Bourg-Argental ; dans le Beaujolais quatre : Villefranche, Belleville, Beaujeu et Thizy. » ( nous sommes encore loin du compte fournis par le guide touristique que vous citez, mais dans l’ouvrage La Gabelle, ses gouverneurs et leur maison de Condrieu (Régis Comte, 1936), on peut lire que « la ferme du Lyonnais comprenait sous Louis XIV trente-deux greniers à sel dont celui de Condrieu. » )
Très vite cependant, le grenier de Saint-Chamond disparait ; comme on le voit, le nombre et la localisation de ces greniers sont sujets à changement au fil des quatre siècles et demi que dura la gabelle. Ainsi, le grenier à sel de Malleval, que vous mentionnez dans votre question, n’apparait pas dans cette liste ; pourtant, il s’agit bien d’une maison de la gabelle (du moins la connait-on sous ce nom), et, qui plus est, construite au XIVème siècle à une époque où le village de Malleval est encore une place fortifiée importante ( confirmation prise auprès de l’association Visage de notre Pilat ). N’était-elle déjà plus utilisée comme grenier à sel en 1595 ? de ce fait, l’affirmation selon laquelle « des 32 greniers à sel que comptait la province du Lyonnais sous le règne de Louis XIV, seul celui de Condrieu [aurait] été conservé » n’est pas contradictoire avec l’existence de cet ancien grenier à sel. Nous n’avons pu, malheureusement, confirmer au cours de nos recherches cette supposition. (Dans la Grande Encyclopédie du Forez (p.338), à propos du Grenier à sel de Malleval, on dit qu’il aurait été « relevé en 1584 » : faut-il comprendre qu’il était à l’abandon à cette époque ? )
L’origine de la maison de la gabelle de Condrieu, nous apprend le livre La Gabelle, ses gouverneurs et leur maison de Condrieu déjà cité, parait remonter au début du XVème siècle (d’après un titre daté de 1412, on peut affirmer qu’elle est de peu postérieure à cette date), et elle fut en service jusqu’à la Révolution. Elle serait donc plus récente que la maison de Malleval. Elle est également connue sous la dénomination de Maison des gouverneurs de la gabelle, et, si elle servit de dépôt de sel, c’était avant tout un lieu de résidence bourgeois où logèrent les officiers du grenier à sel qui se succédèrent à cette fonction.
Lorsqu’un Français s’acquittait de la gabelle, en achetant au grenier ou au poste son minot de sel, il émargeait sur un registre ; ces registres, appelés « rôles et assiettes du Sel », font aujourd’hui office de recensement historique relativement précis de la population (puisqu’on y consigne également la composition familiale du foyer, les enfants de plus de huit ans étant imposés), et sont très utilisés au cours de recherches généalogiques, par exemple. Quand ils ont été conservés, on peu les consulter aux Archives Départementales. Pour le recensement précis des greniers à sel à une époque donnée dans une région donnée, la consultation de ces archives peut s’avérer une piste intéressante.
D’autres pistes : Louis Mandrin fut un trafiquant célèbre ; peut-être des biographies solides du personnage, vous apporteront les détails que vous recherchez.
En plus des ouvrages déjà cités, nous vous invitons à consulter l’Histoire des institutions et des faits sociaux (P.C. Timbal et J. Castaldo, 1985).
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