Question d'origine :
Comme la théorie de la Gestalt l'a établi, nous percevons le monde à travers des formes globales, sortes de lunettes qui filtrent la réalité en l'interprétant. Ainsi en est-il par exemple du célèbre vase de Rubin, qu'on peut voir soit comme un vase soit comme deux visages. Quand on passe d'une perception à l'autre, la forme devient le fond et réciproquement. On perçoit ce dessin à travers le choix binaire entre deux "attracteurs", qui sont deux états discrets (pour utiliser un terme mathématique) de la perception. Celle-ci alterne, même très rapidement, sans qu'elle puisse se stabiliser "entre" ces deux Gestalten. Il est fascinant de se demander s'il serait possible d'échapper à ces deux attracteurs, et de percevoir ce genre d'objets autrement... De la même façon qu'une pièce de monnaie peut tout à fait, quand on l'a lancée, tomber ni sur pile ni sur face mais sur la tranche ! La probabilité de cet évènement est non nulle, quoique infime... Mais justement, qu'en est-il de cet espace infinitésimal entre deux Gestalten ? Existe-t-il un interstice entre elles, entre "+0 et -0" en quelque sorte. Peut-on percevoir le vase et les deux visages en même temps, faire disparaître la hiérarchie entre la forme et le fond ? Le vase et les deux visages s'auto-détruiraient...
On peut se poser la même question en ce qui concerne la perception musicale, notamment rythmique : lorsqu'on joue du "3 pour 4" (un exercice classique de polyrythmie), on divise une durée avec une main en quatre parties égales et avec l'autre main en trois. Pour réaliser cet exercice, il est commode de produire aux deux mains le rythme résultant (la forme, en quelque sorte) en utilisant l'une des deux mains comme fond, c'est-à-dire en l'occurence comme pulsation. Et on peut permuter ! Mais quand on veut supprimer la hiérarchie entre les deux mains, entre la forme et le fond, entre le paysage et ses jalons, on retrouve encore l'impossible étrangeté. Les perceptions visuelle et sonore, comme d'autres perceptions sans doute, n'autorisent-elles pas l'entre-deux ? Mes expérimentations me font coire que cet entre-deux, s'il existe finalement, amène assez facilement des états de conscience modifiée.
Quel est l'état des recherches dans ces domaines ?
Merci par avance
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/09/2007 à 16h48
Votre exposé sur la Gestalt nous a beaucoup intéressés.
Pour étayer votre réflexion, nous vous proposons de vous reporter à différents documents :
- l’article
- une conférence de Jean-Maurice Monnoyer, tenue dans le cadre de l’Université de tous les savoirs, intitulée Illusions perceptives et perception de la forme ,
- Perception et réalité , ouvrage universitaire publié dans la collection « Neurosciences et cognition » des éditions De Boeck, est une somme récente (2003) sur le sujet,
- Perception et intermodalité , cet ouvrage de Joëlle Proust vous apportera peut-être de nouvelles perspectives quant à la possibilité de cet « entre-deux » que vous évoquez ; l’intermodalité étant cette capacité qui permet à l’homme d’avoir une connaissance cohérente et unifiée du monde, malgré les conflits perceptifs,
- enfin, l’ouvrage du philosophe François Wahl, paru la semaine dernière, Le perçu devrait également pouvoir nourrir votre réflexion.
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