Question d'origine :
Bonjour, certains auteurs admettent une distinction entre amnésie infantile et amnésie de l'enfance. J'aurais aimé savoir quelle était précisément cette distinction ?
Réponse du Guichet
bml_san
- Département : Médiathèque du Bachut Santé
Le 29/01/2008 à 11h16
C’est la perte de la capacité de mémoriser ou d'accéder à ses souvenirs. Les amnésies de fixation ou antérogrades ou oublis à mesure sont les amnésies touchant la mémorisation (Korsakoff). Les amnésies d'évocation ou rétrogrades sont les amnésies touchant la capacité d'accéder à sa mémoire (Alzheimer). Les amnésies peuvent être limitées à une période traumatique (physique ou psychique), on parle alors d'amnésie lacunaire. L'amnésie la plus fréquente touche tout le monde : c'est l'amnésie infantile qui couvre généralement les quatre premières années de notre vie intra et extra-utérine.
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Avant d’être sociale, la mémoire est liée au développement psychobiologique, comme le montrent l’augmentation avec l’âge des souvenirs d’enfance et l’absence de tout souvenir relatif à la première enfance, l’amnésie infantile. C’est sur la base de la première enquête sur les souvenirs d’enfance de François Victor et de Catherine henri (1896) que Freud élabore ses conceptions sur ce qu’il appelle l’amnésie infantile (1901). Dans son questionnaire il était demandé d’évoquer les souvenirs d’enfance, les images sensorielles qui y étaient associées et l’âge du sujet au moment de l’événement, l’âge du souvenir. (…) D’après Freud, c’est l’absence de représentations qui explique cette amnésie : « les scènes aboutissant à l’hystérie se produisent dans la première période de l’enfance, avant la quatrième année, à une époque où les traces mnémoniques ne peuvent être traduites en images verbales ». (Lettres à Fliess, 1896, publiées en 1956, lettre n°46)
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L’amnésie infantile a, par ailleurs, déjà été définie lors d’une question posée au Guichet du Savoir.
-> Le concept de l’ « amnésie de l’enfance » serait très liée à ce qu’on appelle l’ « amnésie infantile ». Peut-être doit-on voir une définition plus générale en ce qui concerne l’amnésie de l’enfance : elle s’étendrait sur toute la période de l’enfance et non seulement avant la quatrième année.
Une nouvelle étude canadienne est la première à déterminer systématiquement que le début de « l’amnésie de l’enfance » a lieu chez l’enfant plutôt que chez l’adulte. Ces recherches montrent que dès notre dixième anniversaire, nos souvenirs préscolaires les plus lointains sont enfouis dans un passé inaccessible.
Ce sont des résultats qui, selon la chercheuse principale, épaississent le mystère qui entoure le sort de nos premiers souvenirs autobiographiques.
« Je m’attendais à une différence, mais il existe une similarité frappante quant à l’âge des premiers souvenirs des adultes et celui des premiers souvenirs des enfants de dix ans », déclare Carole Peterson, psychologue à la Memorial University of Newfoundland. Les résultats de son étude, appuyée par le CRSNG, ont été publiés dans le numéro du mois d’août de la revue Memory.
Ces résultats viennent renforcer ce que Mme Peterson appelle le paradoxe entourant l’amnésie de l’enfance – c’est-à-dire l’incapacité des adultes de se souvenir d’événements autobiographiques survenus avant l’âge de quatre ans. Les enfants de quatre et de trois ans peuvent se rappeler facilement les événements survenus au cours de leur deuxième année. Cependant, dès l’âge de dix ans, ces premiers souvenirs sont emmagasinés derrière ce qui est appelé la « bosse de la réminiscence ».
« Nous n’avons pas de bon modèle pour expliquer ce phénomène. Les souvenirs étaient là et ont pu être exprimés verbalement. Alors, pourquoi ont-ils disparu? », se demande Mme Peterson, qui explore depuis 1970 la dynamique des souvenirs autobiographiques des enfants.
Dans le cadre de cette étude, Mme Peterson et les étudiantes diplômées Valerie Grant et Lesley Boland ont demandé à 136 participants âgés de six à 19 ans de relater leurs souvenirs les plus lointains. Selon Mme Peterson, la taille de cet échantillon a permis de recueillir des données significatives.
Les chercheurs ont remarqué que les enfants âgés de six à neuf ans se souvenaient mieux d’événements survenus plus tôt (à partir de l’âge de trois ans) que les enfants plus âgés. Toutefois, on n’a pas noté de différence dans l’âge des premiers souvenirs au sein des groupes plus âgés. Ces premiers souvenirs remontaient à l’âge de trois ans et demi environ. Donc, dès que les enfants avaient atteint l’âge de dix ans, leurs souvenirs étaient passés au niveau de réminiscence des « adultes ».
Quels sont alors nos souvenirs les plus lointains?
Bien que des chercheurs précédents aient noté qu’un grand nombre des premiers souvenirs des adultes sont chargés d’émotion, le groupe de Mme Peterson a remarqué que la majorité des premiers souvenirs avaient trait à des expériences relativement banales. Ces expériences variaient, allant du souvenir d’avoir regardé une fleur qui poussait dans une fissure du pavé à celui d’avoir marché sur un pont étroit surplombant une rivière. C’est seulement chez les filles de 14 à 19 ans que l’on a observé une prépondérance (environ 40 p. 100) de premiers souvenirs négatifs.
« La raison pour laquelle certains souvenirs se retrouvent dans la mémoire à long terme, et d’autres pas, n’est pas du tout claire », mentionne Mme Peterson.
Les chercheurs ont également noté quelques différences entre les groupes d’âge quant à la façon dont on se souvient des premiers événements. Tous les participants se sont souvenus d’événements dont le niveau de complexité narrative était à peu près semblable, c’est-à-dire qu’ils décrivaient généralement « une image instantanée d’un moment dans le temps ».
« C’est peut-être le niveau de compétence narrative que l’on possédait au moment où le souvenir a été enregistré et non pas le niveau de compétence actuel qui détermine la structure d’un souvenir », écrivent les auteurs.
Ces recherches font partie d’une étude continue plus vaste de Mme Peterson sur les souvenirs autobiographiques des enfants. Les présents résultats ont donné lieu à une étude concertée qui explore les premiers souvenirs des enfants autistes afin de déterminer le rôle de la conscience de soi – un facteur possible avancé par certains chercheurs – dans la détermination du début de l’amnésie de l’enfance. On croit que les enfants autistes n’ont pas un sentiment de soi prononcé.
Même si la majeure partie de nos souvenirs préscolaires glisseront sûrement derrière le seuil de la mémoire, Mme Peterson croit que les parents peuvent jouer un rôle dans la détermination des souvenirs que leurs enfants conserveront leur vie durant. Plus les parents parlent à leurs enfants d’expériences particulières, plus il y a de chances que ce renforcement verbal prolonge la durée des premiers souvenirs.
« Il ne fait pas de doute que le fait de parler beaucoup de ses expériences, ce qui les encode verbalement, influe sur la conservation des souvenirs, explique Mme Peterson. Cependant, cela ne résout pas la raison mystérieuse pour laquelle la capacité de se souvenir de quelque chose et d’en parler à une certaine période disparaît plus tard. »
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