Question d'origine :
Merci de me donner des informations sur cet auteur et son livre ainsi que sur les techniques d'enluminure à la détrempe ou à la gouache pour les atlas
Réponse du Guichet
bml_anc
- Département : Fonds Ancien
Le 14/06/2008 à 10h52
Andreas Cellarius est connu des historiens de la cartographie et de l’astronomie comme l’auteur de l’Harmonia Macrocosmica, considéré comme un des atlas les plus spectaculaires publié dans la seconde moitié du XVIIe siècle. Cf BM de Lyon Harmonia macrocosmica
Longtemps, on s’est contenté pour la biographie de Cellarius de la mention écrite sur la page de titre de l’Harmonia de la fonction de recteur de l’université de Horn, mais des recherches récentes dans les archives d’Amsterdam, Horn et La Haye ont permis de préciser sa carrière.
Cellarius serait né aux environs de 1596 à Neuhausen, près de Worms. Il était le fils du pasteur du lieu, qui s’installa par la suite à Heidelberg. Il était étudiant à Heidelberg en 1614, mais on ignore pendant combien de temps. On manque de données sur la décennie suivante où d’après ses publications, il aurait voyagé en Pologne et aurait même poursuivi une carrière militaire.
En 1625, il est installé en Hollande où il épouse Catharina Eltmans. Un fils, prénommé Andréas nait un an après, puis une fille Catharina, l’année suivante. Il enseigne comme professeur à Amsterdam à l’université. Vers 1630, il est installé à La Haye toujours comme professeur. Deux fils seront baptisés à La Haye en 1631 et 1635. En 1637, il déménage pour Horn où il devient recteur de l’université, c’est là qu’il publiera tous ses ouvrages. Il meurt en 1665.
Son premier ouvrage sur les fortifications « Architectura militaris…. » rédigé en allemand, fut publié par Jansson en 1645.
En 1652, l’éditeur d’Amsterdam Gillis Jansz Valckenier imprime sa description de la Pologne « Regni poloniae », réimprimée en 1659. BM de Lyon
Son ouvrage le plus connu l’ Harmonia macrocosmica fut publié en 1661 par Jean Jansson en supplément de son Atlas novus. Cellarius avait déjà commencé à travailler sur cet atlas avant 1647 et le considérait comme une introduction historique à un traité sur la cosmographie mais la seconde partie n’a jamais paru.
Vous trouverez des détails supplémentaires et une bibliographie sur ce site internet très complet auquel les lignes précédentes doivent leur contenu : Cellarius.
L’Harmonia macrocosmica imprimé en 1661 est un somptueux atlas céleste. Il est constitué de 30 planches en double-page gravées sur cuivre. Il montre à la fois les constellations classiques et les constellations christianisées, les systèmes du monde ptoléméen, tychonien et copernicien et il comporte près de 200 pages d’accompagnement en latin.
En ce qui concerne la mise en couleurs des atlas, voici des détails :
A l’exception des cartes du début du XVIe siècle où les noms des lieux étaient imprimés en rouge, toutes les cartes étaient imprimées en noir et blanc. Cependant, les éditeurs découvrirent rapidement que les cartes en couleurs étaient plus attrayantes pour les acheteurs. La couleur diluée à l’eau était le médium largement utilisé. Au XVIIe siècle, la mise en couleurs des atlas et des cartes était devenu un marché. Et les cartes très décoratives de cette période avec leurs cartouches très élaborés donnaient au coloriste toute latitude pour exercer son imagination. Certaines parties de la carte étaient sujettes à des couleurs conventionnelles : les parcs et les bois étaient colorés en vert, la mer et les rivières en vert ou en bleu, les collines en brun, les villes et les cités en rouge. S’il y avait un blason, il était mis en couleurs selon les convention de la représentation gravée ( lignes horizontales = bleu, lignes verticales = rouge etc.). Parfois seules les limites ou les frontières entre des provinces ou des pays étaient mises en couleurs. Au XVIIe siècle, les hollandais avaient obtenu une maîtrise de cet art tant du point de vue de la technique que de la sélection de la palette chromatique. Référence
La mise en couleurs était une activité reconnue par les guildes des peintres. Elle faisait partie de l’activité des miniaturistes et des enlumineurs. Ainsi Joris Hoefnagel et Taddeo Crivelli étaient réputés à la fois comme enlumineurs et comme cartographes.
La mise en couleurs des atlas bien maîtrisée pouvait faire doubler le prix du livre, comme vous le verrez en note de cette Référence
Plusieurs ouvrages de cette époque donnent des détails sur la colorisation des cartes. Ainsi des chapitres lui sont consacrée dans William Salmon. Polygraphice (Londres, 5e édition, 1685).
John Smith dans The Art of painting in oil intitule un des chapitres : The whole art and mystery of colouring maps and other prints in water colours, il y recommande de s’inspirer des modèles hollandais qui sont les meilleurs. Un ouvrage de Robert Dossie fut publié en 1764 The handmaid to the arts et enfin The complete young man’s companion publié en 1807 à Manchester.
Smith est l’auteur qui donne le plus de détails sur la colorisation. Il commence par des recettes pour préparer les mélanges d’eau et de gomme et continue avec une description des couleurs utilisées et la manière de les fabriquer : vert, indigo, cramoisi, vermillon, carmin, terre d’ombre, vert pré, vert cuivre etc.. Enfin, il donne des recettes sur la manière d’utiliser ces couleurs : « Remarquez les divisions qui séparent un royaume d’un autre…Si vous avez à colorier le royaume de Portugal, muni d'un petit pinceau en poil de chameau, coloriez les montagnes à l’intérieur de la large ligne qui le sépare du royaume d’Espagne avec de la teinture de Myrrh (brun-rouge) en couche très mince, s’il y a des bois, touchez chaque arbre avec la pointe d’un fin pinceau chargé de vert pré, (fait de vert cuivre et de gomme-gutte), mais en trempant vos pinceaux dans la couleur, tapez les contre la paroi du verre ou du pot, afin que la couleur ne coule pas et ne gâte pas votre travail, puis avec un autre pinceau chargé de rouge mêlé de gomme, colorez les principales villes et cités de telle sorte que l’œil les remarque…. Quand vous avez divisé toutes les provinces, coloriez alors les rivages de la mer et les lacs avec de l’indigo et un pinceau humide et s’il y a des bateaux, coloriez l’ombre sur l’eau avec le même indigo, peignant la coque avec de la terre d’ombre, les voiles avec de la teinture de myrrh et les drapeaux avec du vermillon et du bleu.
Pour le cartouche ou le titre, il peut être colorié selon son genre. Par exemple, les couronnes et tout ce qui représente de l’or en jaune, en ombrant les parties sombres avec de l’orpiment, la chevelure des hommes ou des femmes avec de la teinture de myrrh ou du noir, la chair des femmes et des enfants avec un peu de cochenille (rouge), beaucoup d’eau….Si vous peignez des nuages, faites les tantôt avec de la teinture de myrrh, tantôt avec un peu de cramoisi et vous pouvez donner un peu de variété avec du noir d’ivoire très léger mêlé de beaucoup d’eau et de gomme.
Pour représenter la terre, faites les parties les plus légères avec du jaune qui représente la paille, en l’ombrant avec de l’orpiment et à d’autres endroits posez un vert léger et ombrez avec un vert foncé. Les rochers sont faits avec de la teinture de myrrh ou du noir de suie et les arbres avec du vert cuivre, qulques-uns avec du vert pré et aussi de l’ombre brûlée et de la gomme…
Le plus difficile dans cet art est de savoir comment réaliser et préparer les couleurs qui ont été évoquées ici. Si votre papier est bon et supporte bien les couleurs tout ce qui a été évoqué ici sera beau et agréable à l’œil, mais si le papier n’est pas bon, ni fort, aucun art ne pourra rendre les couleurs belles, aussi en achetant des cartes, choisissez celles qui sont imprimées sur le papier le plus fort ou le plus épais. »
On trouvera des détails supplémentaires dans l'ouvrage en anglais de Raymond Lister. How to identify old maps and globes. Londres, G. Bell, 1965. [FA géo 03A]. pp.576/58.
U n manuscrit du savant Prony intitulé Essay sur le dessin de la carte , conservé à la Bibliothèque de l'Ecole des ponts et chaussées à Paris, cité par Marcel Watelet dans Le terrain des ingénieurs. Bruxelles, Namur, Met-Racine, 1995 [FA géo 01A] pour le XVIIIe siècle des détails assez similaires, mais avec davantage de nuances :
"On commence par délayer dans des godets bien propres du carmin, de la gomme- gutte et de l’encre de la chine, c’est du mélange de ces trois couleurs qu’on obtient tous les tons dont on a besoin pour les terres, rochers etc. Le carmin doit être détrempé 24 heures avant que d’être gommé. On le broie ensuite avec un liège arrondi à l’extrémité. On se sert encore de verd d’eau pour travailler les rivières, mariais etc. quant on le mêle avec la gomme-guttte, il sert à faire des prés et verdures.… Les chaussées s’expriment par des traits parallèles de différentes grosseurs, la plus faible du côté du jour. Le jour est toujours censé venir de gauche, c’est de convention… On travaillera aux arbres… En général, il faut distribuer les masses avec goût, tâcher de laisser des repos où l’on puisse saisir le travail des dessous. On laisse ordinairement paraître le pied de quelques arbres qui passent toujours de beaucoup l’échelle qu’on s’est proposé ; c’est encore de convention. Les bois étant ainsi préparés, on enveloppera le côté de l’ombre avec une teinte d’encre de chine qui se portera inégalement sur le terrain ; cette teinte étant sèche, on appliquera quelques touches plus vigoureuses sur certains endroits du bois pour exprimer des renfoncemens et pour donner du jeu à cette partie…..On fait ensuite les sables, la teinte de fond des sables se fait se fait comme celle des terres labourées avec du carmin et de la gomme-gutte. On la fait plus forte ax pieds des rochers. Il est bon d’en introduire quelquefois dans les marais. Le passage alternatif du vert au sabloneux est pris dans la nature et tend à faire valoir les eaux. On les termine par des teintes de carmin pur et de carmin mêlé de jaune un peu foncé, mélange avec lequel on pratique des veines irrégulières et senties…. Les prés et les marais s’ébauchent avec un mélange de verd d’eau et de gomme-gutte. Si les prés sont coupés par un ruisseau, les environs de ce ruisseau prennent un ton plus verd et demandent moins de jaune ; il en est de même de tout ce qui avoisine les eaux, il faut se souvenir que le verd d’eau tend toujours à pousser au bleu.
Enfin pour rehausser sa carte et lui donner la dernière touche, on parsème sans ordre dans les champs, les prés et les marais quelques arbrisseaux ou quelques hayes que l’on couvre de verd à pocher (verd pur). Si on voulait nuancer ses terres et conséquemment les rapprocher de la nature, il faudrait faire par-dessus tout l’ouvrage, la même opération qu’on a fait pour les sables en les finissant. La carte en deviendra plus brillante, plus moelleuse et plus vraie »
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