Crêpes et alcool
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 14/10/2008 à 07h55
2779 vues
Question d'origine :
Bonjour,
si je réalise des crêpes avec du rhum dans la pâte, est-ce que mon taux d'alcoolémie s'en ressent ou suis-je toujours à un taux égal à zéro ?
La question est valable pour toute recette avec de l'alcool.
Merci
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 16/10/2008 à 10h56
Réponse du service Guichet du Savoir
Les comptes-rendus des Séminaires de gastronomie moléculaire (INRA/Collège de France/ESCF) sont particulièrement instructifs si vous vous intéressez à la science de la cuisine, à l'instar d'Hervé This.
Le compte rendu du séminaire N° 18 (à partir de la page 6, chapitre II. 14. 2) est probablement ce que l'on peut trouver de plus spécialisé dans l'étude des rapports entre alcool et cuisson.
Même s'il y est surtout question de flambage, sa (très longue) lecture vous permettra de savoir... que l'on n'a pas vraiment la réponse à votre question.
Il semble cependant qu'il reste un peu d'alcool dans le produit chauffé.
Il faudra sans doute encore quelques expériences, pour que les chercheurs puissent être plus catégoriques.
Après ces considérations, attaquons quelques expériences :
La première idée qui m’est venue quant à l’utilité du flambage, c’est la capacité de la flamme à accélérer l’évaporation de l’alcool par un effet d’appel d’air. J’ai donc entrepris quelques expériences de base avec de l’éthanol 95% (marque Prolabo) :
1) Dans un bécher, on met 4 ml d’éthanol qu’on laisse s’évaporer à température ambiante (23°C). Après 5 minutes, 1 ml s’est évaporé (25% du total).
Conclusion: même à température ambiante, l’alcool est très volatil (les distillateurs et autres vinificateurs le savent).
2) Dans le même bécher, on remet 4 ml d’éthanol qu’on laisse de nouveau à température ambiante, mais cette fois avec un ventilateur au-dessus afin de forcer l’évaporation. Après 5 minutes, 3,5 ml se sont évaporés (soit près de 90%).
Conclusion : l’expérience démontre au passage l’utilité de souffler sur sa soupe pour la faire refroidir.
3) Toujours dans le bécher posé sur la paillasse, on met 4 ml d’éthanol que l’on enflamme “à froid” : on obtient une belle flamme bleutée pendant 50 secondes, temps au bout duquel le récipient est à sec (100% d’évaporation).
4) Afin de comparer le temps d’évaporation engendré par la flamme avec le temps que demanderait une ébullition, on met le bécher avec 4 ml d’éthanol sur un brûleur à gaz. Après 50 secondes d’ébullition, le bécher éclate, répandant l’alcool restant (ce qui prouve au passage qu’il restait donc de l’alcool !) en feu sur la paillasse.
Conclusion : la flamme semble plus efficace que l’ébullition.
Après extinction de l’incendie, les expériences sont poursuivies dans ma cuisine, avec de bonnes casseroles en aluminium et un alcool plus « culinaire » : du Metaxa (alcool de raisin à 40°).
1) Dans une casserole aluminium à fond épais (marque Cristel), on met 40 ml de Metaxa que l’on porte à ébullition sur une plaque électrique (thermostat 5). L’ébullition est atteinte en 25 secondes. On enflamme alors l’alcool : la flamme dure 45 secondes. On récupère entre 12 et 14 ml de liquide (expérience réalisée plusieurs fois).
2) On remet 40 ml de Metaxa dans la casserole (ramenée entre temps à température ambiante), on porte à ébullition : l’ébullition est toujours atteinte en 25 secondes, mais cette fois-ci on la laisse se poursuivre pendant 45 secondes sans flamber. On récupère entre 20 et 22 ml de liquide (expérience réalisée plusieurs fois).
Conclusion : la flamme accélère nettement le processus d’évaporation (par rapport à une ébullition « seule »).
3) De nouveau, on met 40 ml de Metaxa dans la casserole, on porte à ébullition (encore en 25 secondes), et on laisse bouillir jusqu’à récupérer un volume d’environ 13 ml (équivalent au volume obtenu en 45 secondes avec flambage). 70 secondes suffisent.
Conclusion : certes, la flamme accélère l’évaporation, mais celle-ci se fait quand même très bien toute seule en pas beaucoup plus de temps.
4) Enfin, on remet 40 ml de Metaxa dans la casserole, et on le tiédit jusqu’à ce qu’on puisse l’enflammer. On retire alors la casserole du feu et on laisse la flamme faire son travail : elle s’éteint au bout de 105 secondes, laissant 20 ml de liquide dans la casserole.
Conclusion : ce flambage hors du feu (similaire à celui pratiqué en salle) donne une flamme plus durable et moins haute que le flambage réalisé sur le feu (similaire à celui réalisé en cuisine). Cela n’a rien d’étonnant (l’ébullition alimente en vapeur d’alcool la flamme).
On récupère les différents liquides pour les examiner : à l’oeil, on les distingue facilement (plus la concentration est importante, plus on passe du beige d’origine au marron). Au nez, on sent une odeur boisée peu agréable (qui rappelle celle de la tisane d’aubier de tilleul, pour les amateurs de boissons purgatives). En bouche, on a un jus sucré et acidulé (d’autant plus acide que la concentration est importante) fort désagréable à déguster.
Bref, si l’on veut qualifier et quantifier ce qui sort de ces 4 expériences, il faudra une analyse chimique précise .
Après ces remarques et expériences, esquissons une première conclusion.
On voit pour l’instant deux utilités pour le flambage : il accélère l’évaporation de l’alcool et détruit les vapeurs d’éthanol qui se forment.
Détaillons ces deux effets :
Accélération de l’évaporation : en salle (flambage de crêpes par exemple), c’est plus qu’utile, c’est nécessaire : outre son aspect esthétique qui ravit toujours le client, seule la flamme peut emporter l’alcool dont le « brûlant » modifierait grandement la dégustation de l’entremet (et ne parlons pas des calories qu’elle laisserait en plus).
En cuisine, c’est plus discutable : l’évaporation « naturelle » de l’alcool chauffé ne suffirait-il pas dans la plupart des cas ?
Destruction des vapeurs d’éthanol : pour avoir réaliser de nombreuses expériences sans flambage, je peux témoigner que cet effet n’est pas à négliger : la flamme, en détruisant les vapeurs enivrantes (pour ne pas dire toxiques) qui s’échappent de la poêle, permet sans doute au cuisinier de préserver sa justesse de jugement pendant ses longues journées aux fourneaux.
Bref, la flamme emporte et détruit les vapeurs d’éthanol, mais modifie-t-elle (et c’est là la question la plus intéressante) de quelque façon le goût de la préparation ? Pour cela, on peut se demander si ce sont exactement les mêmes composés qui s’évaporent avec ou sans flamme (la dégustation étant délicate voire désagréable, une chromatographie est à faire), mais aussi si la chaleur de la flamme a une action sur les aliments en contact avec elle.
Hervé This observe que la température à la surface de l’alcool en feu ne dépasse pas 90°C, mais monte à plus de 600°C dans les hauteurs de la flamme. On observe aussi que cette flamme brunit les aspérités du blanc d’oeuf des omelettes norvégiennes ou les bords des crêpes Suzette. L’idée est donc la suivante : si l’évaporation de l’alcool directement en contact avec un aliment ne crée en soit peut-être rien de nouveau, les flammes environnantes, pour peu qu’elles viennent lécher ces aliments, ne pourraient-elles pas avoir une action sur le goût ?
Remarque annexe : par la même occasion, cela pourrait justifier la réflexion qui m’avait parue saugrenue sur la résistance au flambage des poêles anti-adhésives : ce n’est sans doute pas le fond (qui ne voit que la base de la flamme) qui craint, mais plutôt les bords, pour peu qu’ils soient assez hauts (type poêle à blini par exemple), et donc susceptibles de se trouver dans une zone chaude de la flamme. Cela reste à tester, mais ma poêle à blini est neuve, alors…
Pour vérifier cette hypothèse sur les flammes, et comme rien ne vaut la pratique, j’ai décidé de préparer des fruits cuits au beurre.
Assez de digressions, retournons aux expériences :
Détaillons en (gros) morceaux des bananes et un ananas, faisons-les cuire avec du beurre et un peu de sucre dans une poêle anti-adhésive, et réservons avant de séparer le tout en trois parties égales.
1) On met le premier tiers à chauffer dans une casserole pendant 30 secondes, puis on verse dessus 20 ml de Metaxa (l’alcool réservé aux expériences de gastronomie moléculaire) que l’on enflamme aussitôt (la flamme dure 15 secondes) et on laisse encore 30 secondes sur le feu avant de verser le tout dans un ramequin (il n’y a presque pas de jus, tout juste une légère pellicule de caramel visqueux au fond de la casserole). (Remarque : j’ai beau scruter ma préparation, je ne décèle aucun brunissement apparent qui serait dû aux flammes sur les fruits).
2) On met le deuxième tiers à chauffer 30 secondes dans les mêmes conditions avant de verser dessus l’équivalent de 20 ml de Metaxa que l’on a déjà flambé au préalable (il ne restait donc que 6 à 7 ml de liquide). Après 30 secondes supplémentaires, on réserve le tout dans un second ramequin (de nouveau, on a un peu de caramel au fond de la casserole).
3) On met le dernier tiers à chauffer 30 secondes, on verse dessus 20 ml de Metaxa et on attend 30 secondes de plus (sans flamber). On réserve dans un ramequin, mais s’apercevant alors qu’il reste (c’est normal) du jus au fond de la casserole, on remet celui-ci à réduire 10 secondes supplémentaires afin d’obtenir le même caramel que pour les deux autres préparations).
Les ramequins (numérotés dessous) sont passés brièvement au four afin d’uniformiser la température des trois échantillons avant dégustation. Cette dégustation est réalisée à l’aveugle par ma femme et moi-même.
Conclusion : s’il est très difficile de juger avec l’ananas (à cause de son acidité), il semble que la banane non flambée garde un arôme plus prononcé de l’alcool. Cela est en contradiction avec les propos rapportés par Lucile Bigand rendant compte d’expériences réalisées sur des pêches au sirop ([URL=http://www.sfc.fr/seminaire/CPTRDU16.PDF]compte rendu n°16 : « flamber permet d’apporter à un aliment l’arôme de l’eau-de-vie ou de la liqueur utilisée).Tout cela reste donc à analyser avec un comité de dégustation plus conséquent !
Après ces nouvelles expériences, concluons de nouveau…
C’est triste à dire, mais on n'a pas beaucoup avancé. Certes, on a vu que les lammes, en plus de leur beauté, accélèrent la réduction de la sauce ou du jus, en emportant par la même occasion les vapeurs enivrantes et les calories, mais au-delà de ces effets « esthétiques », « cinétiques » et « sanitaires », il reste à démontrer un éventuel effet « gustatif ». Cet effet pourrait concerner la transformation de l’alcool flambé lui- même ou l’action des flammes sur l’environnement.
Pour se faire, plusieurs expériences sont à envisager :
-une analyse chimique précise d’un alcool flambé/non flambé (amené au même stade de réduction) : comme cela a déjà été dit, il semblerait qu’Hervé This soit en train de se charger de cette partie.
-des analyses gustatives (et visuelles ?) rigoureuses de mets flambés/non flambés :
toutes les tentatives réalisées jusqu’à présent ( sur des sauces ou des fruits) n'ont soit rien donné, soit donné des résultats contradictoires, et dans tous les cas iscutables.
Bref, il reste du travail !
II. 14. 3. Suite de la discussion :
On voit que le flambage élimine l’alcool qui donne une impression d’acidité en bouche, en même temps qu’il accélère un peu l’évaporation (pour les alcools) Depuis le séminaire, H. This a mesuré la température à la surface de l’alcool qui flambe : elle est de l’ordre de 80°C.
H. Valdevit signale que le Larousse gastronomique indique que « le flambage consiste à mettre l’alcool préalablement chauffé sur une préparation ». On s’interroge sur le chauffage préalable.
Les comptes-rendus des Séminaires de gastronomie moléculaire (INRA/Collège de France/ESCF) sont particulièrement instructifs si vous vous intéressez à la science de la cuisine, à l'instar d'Hervé This.
Le compte rendu du séminaire N° 18 (à partir de la page 6, chapitre II. 14. 2) est probablement ce que l'on peut trouver de plus spécialisé dans l'étude des rapports entre alcool et cuisson.
Même s'il y est surtout question de flambage, sa (très longue) lecture vous permettra de savoir... que l'on n'a pas vraiment la réponse à votre question.
Il semble cependant qu'il reste un peu d'alcool dans le produit chauffé.
Il faudra sans doute encore quelques expériences, pour que les chercheurs puissent être plus catégoriques.
Après ces considérations, attaquons quelques expériences :
La première idée qui m’est venue quant à l’utilité du flambage, c’est la capacité de la flamme à accélérer l’évaporation de l’alcool par un effet d’appel d’air. J’ai donc entrepris quelques expériences de base avec de l’éthanol 95% (marque Prolabo) :
1) Dans un bécher, on met 4 ml d’éthanol qu’on laisse s’évaporer à température ambiante (23°C). Après 5 minutes, 1 ml s’est évaporé (25% du total).
Conclusion: même à température ambiante, l’alcool est très volatil (les distillateurs et autres vinificateurs le savent).
2) Dans le même bécher, on remet 4 ml d’éthanol qu’on laisse de nouveau à température ambiante, mais cette fois avec un ventilateur au-dessus afin de forcer l’évaporation. Après 5 minutes, 3,5 ml se sont évaporés (soit près de 90%).
Conclusion : l’expérience démontre au passage l’utilité de souffler sur sa soupe pour la faire refroidir.
3) Toujours dans le bécher posé sur la paillasse, on met 4 ml d’éthanol que l’on enflamme “à froid” : on obtient une belle flamme bleutée pendant 50 secondes, temps au bout duquel le récipient est à sec (100% d’évaporation).
4) Afin de comparer le temps d’évaporation engendré par la flamme avec le temps que demanderait une ébullition, on met le bécher avec 4 ml d’éthanol sur un brûleur à gaz. Après 50 secondes d’ébullition, le bécher éclate, répandant l’alcool restant (ce qui prouve au passage qu’il restait donc de l’alcool !) en feu sur la paillasse.
Conclusion : la flamme semble plus efficace que l’ébullition.
Après extinction de l’incendie, les expériences sont poursuivies dans ma cuisine, avec de bonnes casseroles en aluminium et un alcool plus « culinaire » : du Metaxa (alcool de raisin à 40°).
1) Dans une casserole aluminium à fond épais (marque Cristel), on met 40 ml de Metaxa que l’on porte à ébullition sur une plaque électrique (thermostat 5). L’ébullition est atteinte en 25 secondes. On enflamme alors l’alcool : la flamme dure 45 secondes. On récupère entre 12 et 14 ml de liquide (expérience réalisée plusieurs fois).
2) On remet 40 ml de Metaxa dans la casserole (ramenée entre temps à température ambiante), on porte à ébullition : l’ébullition est toujours atteinte en 25 secondes, mais cette fois-ci on la laisse se poursuivre pendant 45 secondes sans flamber. On récupère entre 20 et 22 ml de liquide (expérience réalisée plusieurs fois).
Conclusion : la flamme accélère nettement le processus d’évaporation (par rapport à une ébullition « seule »).
3) De nouveau, on met 40 ml de Metaxa dans la casserole, on porte à ébullition (encore en 25 secondes), et on laisse bouillir jusqu’à récupérer un volume d’environ 13 ml (équivalent au volume obtenu en 45 secondes avec flambage). 70 secondes suffisent.
Conclusion : certes, la flamme accélère l’évaporation, mais celle-ci se fait quand même très bien toute seule en pas beaucoup plus de temps.
4) Enfin, on remet 40 ml de Metaxa dans la casserole, et on le tiédit jusqu’à ce qu’on puisse l’enflammer. On retire alors la casserole du feu et on laisse la flamme faire son travail : elle s’éteint au bout de 105 secondes, laissant 20 ml de liquide dans la casserole.
Conclusion : ce flambage hors du feu (similaire à celui pratiqué en salle) donne une flamme plus durable et moins haute que le flambage réalisé sur le feu (similaire à celui réalisé en cuisine). Cela n’a rien d’étonnant (l’ébullition alimente en vapeur d’alcool la flamme).
On récupère les différents liquides pour les examiner : à l’oeil, on les distingue facilement (plus la concentration est importante, plus on passe du beige d’origine au marron). Au nez, on sent une odeur boisée peu agréable (qui rappelle celle de la tisane d’aubier de tilleul, pour les amateurs de boissons purgatives). En bouche, on a un jus sucré et acidulé (d’autant plus acide que la concentration est importante) fort désagréable à déguster.
Après ces remarques et expériences, esquissons une première conclusion.
On voit pour l’instant deux utilités pour le flambage : il accélère l’évaporation de l’alcool et détruit les vapeurs d’éthanol qui se forment.
Détaillons ces deux effets :
Accélération de l’évaporation : en salle (flambage de crêpes par exemple), c’est plus qu’utile, c’est nécessaire : outre son aspect esthétique qui ravit toujours le client, seule la flamme peut emporter l’alcool dont le « brûlant » modifierait grandement la dégustation de l’entremet (et ne parlons pas des calories qu’elle laisserait en plus).
En cuisine, c’est plus discutable : l’évaporation « naturelle » de l’alcool chauffé ne suffirait-il pas dans la plupart des cas ?
Destruction des vapeurs d’éthanol : pour avoir réaliser de nombreuses expériences sans flambage, je peux témoigner que cet effet n’est pas à négliger : la flamme, en détruisant les vapeurs enivrantes (pour ne pas dire toxiques) qui s’échappent de la poêle, permet sans doute au cuisinier de préserver sa justesse de jugement pendant ses longues journées aux fourneaux.
Bref, la flamme emporte et détruit les vapeurs d’éthanol, mais modifie-t-elle (et c’est là la question la plus intéressante) de quelque façon le goût de la préparation ? Pour cela, on peut se demander si ce sont exactement les mêmes composés qui s’évaporent avec ou sans flamme (la dégustation étant délicate voire désagréable, une chromatographie est à faire), mais aussi si la chaleur de la flamme a une action sur les aliments en contact avec elle.
Hervé This observe que la température à la surface de l’alcool en feu ne dépasse pas 90°C, mais monte à plus de 600°C dans les hauteurs de la flamme. On observe aussi que cette flamme brunit les aspérités du blanc d’oeuf des omelettes norvégiennes ou les bords des crêpes Suzette. L’idée est donc la suivante : si l’évaporation de l’alcool directement en contact avec un aliment ne crée en soit peut-être rien de nouveau, les flammes environnantes, pour peu qu’elles viennent lécher ces aliments, ne pourraient-elles pas avoir une action sur le goût ?
Remarque annexe : par la même occasion, cela pourrait justifier la réflexion qui m’avait parue saugrenue sur la résistance au flambage des poêles anti-adhésives : ce n’est sans doute pas le fond (qui ne voit que la base de la flamme) qui craint, mais plutôt les bords, pour peu qu’ils soient assez hauts (type poêle à blini par exemple), et donc susceptibles de se trouver dans une zone chaude de la flamme. Cela reste à tester, mais ma poêle à blini est neuve, alors…
Pour vérifier cette hypothèse sur les flammes, et comme rien ne vaut la pratique, j’ai décidé de préparer des fruits cuits au beurre.
Assez de digressions, retournons aux expériences :
Détaillons en (gros) morceaux des bananes et un ananas, faisons-les cuire avec du beurre et un peu de sucre dans une poêle anti-adhésive, et réservons avant de séparer le tout en trois parties égales.
1) On met le premier tiers à chauffer dans une casserole pendant 30 secondes, puis on verse dessus 20 ml de Metaxa (l’alcool réservé aux expériences de gastronomie moléculaire) que l’on enflamme aussitôt (la flamme dure 15 secondes) et on laisse encore 30 secondes sur le feu avant de verser le tout dans un ramequin (il n’y a presque pas de jus, tout juste une légère pellicule de caramel visqueux au fond de la casserole). (Remarque : j’ai beau scruter ma préparation, je ne décèle aucun brunissement apparent qui serait dû aux flammes sur les fruits).
2) On met le deuxième tiers à chauffer 30 secondes dans les mêmes conditions avant de verser dessus l’équivalent de 20 ml de Metaxa que l’on a déjà flambé au préalable (il ne restait donc que 6 à 7 ml de liquide). Après 30 secondes supplémentaires, on réserve le tout dans un second ramequin (de nouveau, on a un peu de caramel au fond de la casserole).
3) On met le dernier tiers à chauffer 30 secondes, on verse dessus 20 ml de Metaxa et on attend 30 secondes de plus (sans flamber). On réserve dans un ramequin, mais s’apercevant alors qu’il reste (c’est normal) du jus au fond de la casserole, on remet celui-ci à réduire 10 secondes supplémentaires afin d’obtenir le même caramel que pour les deux autres préparations).
Les ramequins (numérotés dessous) sont passés brièvement au four afin d’uniformiser la température des trois échantillons avant dégustation. Cette dégustation est réalisée à l’aveugle par ma femme et moi-même.
Conclusion : s’il est très difficile de juger avec l’ananas (à cause de son acidité), il semble que la banane non flambée garde un arôme plus prononcé de l’alcool. Cela est en contradiction avec les propos rapportés par Lucile Bigand rendant compte d’expériences réalisées sur des pêches au sirop ([URL=http://www.sfc.fr/seminaire/CPTRDU16.PDF]compte rendu n°16 : « flamber permet d’apporter à un aliment l’arôme de l’eau-de-vie ou de la liqueur utilisée).
Après ces nouvelles expériences, concluons de nouveau…
C’est triste à dire, mais on n'a pas beaucoup avancé. Certes, on a vu que les lammes, en plus de leur beauté, accélèrent la réduction de la sauce ou du jus, en emportant par la même occasion les vapeurs enivrantes et les calories, mais au-delà de ces effets « esthétiques », « cinétiques » et « sanitaires », il reste à démontrer un éventuel effet « gustatif ». Cet effet pourrait concerner la transformation de l’alcool flambé lui- même ou l’action des flammes sur l’environnement.
Pour se faire, plusieurs expériences sont à envisager :
-une analyse chimique précise d’un alcool flambé/non flambé (amené au même stade de réduction) : comme cela a déjà été dit, il semblerait qu’Hervé This soit en train de se charger de cette partie.
-des analyses gustatives (et visuelles ?) rigoureuses de mets flambés/non flambés :
toutes les tentatives réalisées jusqu’à présent ( sur des sauces ou des fruits) n'ont soit rien donné, soit donné des résultats contradictoires, et dans tous les cas iscutables.
Bref, il reste du travail !
II. 14. 3. Suite de la discussion :
On voit que le flambage élimine l’alcool qui donne une impression d’acidité en bouche, en même temps qu’il accélère un peu l’évaporation (pour les alcools) Depuis le séminaire, H. This a mesuré la température à la surface de l’alcool qui flambe : elle est de l’ordre de 80°C.
H. Valdevit signale que le Larousse gastronomique indique que « le flambage consiste à mettre l’alcool préalablement chauffé sur une préparation ». On s’interroge sur le chauffage préalable.
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