Question d'origine :
Bonjour ! Je vous contacte parce que j'ai un rapport de français à faire sur le thème du "moi". J'ai pour sujet le mythe d'Orphée et je recherche donc des œuvres qui pourraient m'aider sur ce thème.
J'ai déjà chercher, et vu qu'il y avait beaucoup de livres relatant le mythe dans des recueils mais cela reste très vague et il y a peu d'analyse.
Il y a aussi les livres qui références toutes les apparitions d'Orphée dans des pièces de théâtres, des compositions ou autres représentation artistiques. Mais cela ne m'intéresse pas ou du moins, je ne vois pas comment les exploiter.
Je cherche donc des livres traitant spécifiquement du mythe d'Orphée, ou du moins, des livres qui essayent de l'analyser, de comprendre son sens, de comprendre le personnage (et peut-être ça psychologie, ce serait ce qu'il y a de mieux mais je ne me fait pas d'illusion !) ou même l'importance de ce mythe pour les grecs.
Merci d'avance !
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 19/11/2008 à 15h16
Doué d'une voix merveilleuse, que les Grecs connotent par le miel, Orphée est un poète mythique, le maître exemplaire de la parole chantée. Il charme, il séduit les hommes, des plus musiciens aux plus sauvages, et aussi les plantes, les animaux les plus féroces, jusqu'aux pierres. C'est là sa démesure, qui doit le perdre. Au centre du mythe de cet homme qui s'identifie à sa voix se place une histoire d'amour ou de séduction. Orphée est le jeune époux d'Eurydice. Leur lune de miel est troublée par l'intrusion d'Aristée, honnête apiculteur que le désir d'Eurydice pousse à se mal conduire. Il poursuit la jeune femme, un serpent d'eau la blesse. Orphée descend aux Enfers pour reprendre Eurydice. Sa voix séduit les puissances infernales, qui l'autorisent à repartir en compagnie de sa jeune épouse. Mais on lui prescrit de marcher devant elle sans se retourner ni lui adresser la parole. Orphée est incapable de respecter le double interdit qui impose à des amants de ne communiquer entre eux ni oralement, ni visuellement. Il perd définitivement Eurydice qu'il a voulu regarder ou, dit une autre version, embrasser sans attendre.(Rrobert Detienne)
(Encyclopaedia universalis.)
Cet article est signé par :
Jean MASSIN, Ecrivain
La structure même du mythe d'Orphée ne prête guère à des modifications significatives mais ne peut guère non plus se démoder. Elle repose sur deux piliers intangibles : le pouvoir de la poésie-musique sur tout ce qui existe (animaux, hommes et dieux) et la lutte contre la mort d'un amour qui triomphe grâce à l'art mais qui demeure mortellement vulnérable aux dangers d'une agression extérieure et plus encore d'un désir trop impatient. Les deux seules variations notables que puisse présenter son traitement concernent la conclusion de l'histoire : les fictions modernes ne retiennent presque jamais la mise à mort d'Orphée par les ménades, si émouvante pourtant dans les Géorgiques de Virgile et si précise dans l'évocation des Métamorphoses d'Ovide (sans doute par une répugnance croissante à opposer le lyrisme orphique à l'enthousiasme dionysiaque ; l'exception caractéristique est fournie par les Sonnets à Orphée, à dominante apollinienne, de Rilke) ; elles se trouvent plus à l'aise dès lors pour choisir parfois un dénouement plus heureux, où Orphée, après avoir perdu deux fois Eurydice, se la voit rendre une deuxième fois pour toujours. Mais l'essentiel demeure en place : le double danger de perdre ce qu'on aime, une fois parce qu'il vous est arraché, une seconde fois parce qu'on croit le posséder trop vite, et surtout l'inéluctable enserrement du champ clos où s'affrontent à la mort les deux seules forces capables de la vaincre : l'amour et la musique (ou la poésie, ou toute autre forme d'art).
On notera par ailleurs que, dans le mythe, le pouvoir de la musique ne s'affirme pas à la façon d'un talisman magique (comme tel anneau ou tel autre objet enchanté des contes de fées, ou même le glockenspiel de Papageno dans La Flûte enchantée) ; il change les cœurs de ceux qui l'entendent, mais aussi bien de celui qui en use ; si Orphée a pu entrer vivant aux Enfers et en revenir triomphant par la seule force de sa musique, il doit se comporter dès lors comme après avoir reçu une véritable initiation : il ne pourra plus jamais être exactement le même avec Eurydice ; il devra sous peine de mort inventer avec elle une intimité amoureuse plus intense mais moins immédiate que les regards, les ébats et les jeux du vert paradis des amours enfantines.
C'est à ce type d'initiation que semble bien faire allusion Nerval dans le dernier tercet d'El Desdichado : Et j'ai, deux fois vainqueur, traversé l'Achéron, / Modulant tout à tour sur la lyre d'Orphée / Les soupirs de la sainte et les cris de la fée. C'est lui qui inspire l'intuition profonde des Sonnets à Orphée de Rilke : « Veuille la transformation » (II, 12) ; « Sois toujours mort en Eurydice » (II, 13).
Inutile d'énumérer toutes les œuvres inspirées par le mythe (les plus géniales étant, comme il se doit, celles de musiciens, Monteverdi, Schütz et Gluck au premier rang). Une question plus importante se pose : si inusable qu'il apparaisse dans sa structure, est-il susceptible de se transmettre à notre temps sans approfondissement ? Il a pu supporter sans prendre une ride la spirituelle parodie d'Offenbach (Orphée aux Enfers, 1858) ; mais il rencontre aujourd'hui une double interrogation : l'interrogation contestatrice sur les rapports de toute forme d'art avec la vie (ce n'est pas la plus grave, sans doute) et surtout l'interrogation sur la possibilité d'un amour où la femme ne serait qu'objet. Rien de plus passif, en effet, que le rôle d'Eurydice dans la fiction traditionnelle : on ne lui demande, après sa fuite vertueuse devant la poursuite d'Aristée, que de mourir, d'être ressuscitée, d'être rendue au royaume des ombres, d'être toujours recherchée et toujours pleurée, proie charmante et frêle devant le désir d'Aristée comme devant l'amour d'Orphée.( Même Source)
Dans la même encyclopédie, un autre article sur «L’espace littéraire » de Maurice Blanchot.
D’autres pistes d’interprétation dans les ouvrages suivants :
La voix et ses sortilèges, par Marie France Casrarède.
Le symbolique dans la mythologie grecque, par Paul Diel.
Aux portes des enfers, enquête géographique littéraire et historique, par Alain Nadeau..
Trois mystiques grecs, Orphée, Pythagore, Empédocle, par Simone Jacquemard.
Orphée et l’orphisme, par Reynal Sorel.
Orphée et la religion grecque, par W.K.C. Guthrie.
Mythe et religion en Grèce ancienne, par Jean-Pierre Vernant.
Mythe et pensée chez les grecs : étude de psychologie historique, par Jean-Pierre Vernant.
L’écriture d’Orphée, par Marcel Detienne.
Mystères et oracles helléniques, par Thassilo de Scheffer.
Introduction à l’étude du nouveau testament.4e partie ; critique historique. Les mystères : l’orphisme, par Marie-Joseph Lagrange.
La mythologie des grecs : histoire des dieux et de l’humanite, par Karl Kerényi.
Métamorphoses du mythe en Grèce antique, sous la dir. De Claude Calame.
Et un article intéressant en texte intégral dans la base de données Cairn.
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