Question d'origine :
Bonjour,
pouvez vous me renseigner sur les liens entre la peinture de J. Pollock avec l'art des masques africains?
Ou plus généralement comment l'art africain a influencé les artistes du XXe siècle: Giacometti, Matisse, H Moore...
Par avance merci et bon courage.
Réponse du Guichet
bml_art
- Département : Arts et Loisirs
Le 19/01/2009 à 16h48
En préambule, nous vous rappelons ce que nous avions noté lors d’un « Points d’actu ! » consacré à l’ouverture du Musée du quai Branly :
« …Le regard porté sur les objets rescapés a évolué au fil des siècles. Ils furent tout d’abord conservés au XVIe siècle dans les cabinets de curiosités, ancêtres des musées, pour leur étrangeté, au même titre que d’autres objets naturels inconnus : coquillages, minéraux, oiseaux, etc. Au début du XIXe, l’aspect ethnographique est apparu du fait de l’adjonction de scientifiques aux missions d’exploration. A partir de 1851, les expositions universelles montrent les objets coloniaux au grand public, de plus en plus attiré par l’exotisme. A partir de 1905, ce sont les artistes modernes -Vlaminck, Derain, Picasso, Matisse- qui vont aborder l’"art nègre" sous l’angle esthétique, lui accordant le statut d’œuvre d’art. Dans les années 30, les progrès en ethnologie, avec des personnalités influentes -Marcel Griaule, Marcel Mauss, Paul Rivet, Georges-Henri Rivière- affinent le contexte culturel qui préside à l’élaboration des œuvres des arts primitifs. »
Il convient aussi de garder à l’esprit que si les masques africains, ou les sculptures, étaient façonnés par des artisans ou des artistes professionnels remarqués pour leur talent, leur fonction première n’était pas de satisfaire un goût esthétique, mais de répondre à des fonctions rituelles, entrant dans une conception animiste du monde. D’autre part, l’univers esthétique en Afrique ne se limite pas aux masques, mais se manifeste dans un ensemble d’expressions multiples - musique, danse, poésie, architecture, parure, sculpture, peinture pariétale - où les formes déployées dans chaque domaine varient fortement en fonction des aires géographiques et des tribus.
Notre consultation renouvelée d’ouvrages sur Pollock ne nous a pas permis d’observer une attirance affirmée de l’artiste pour des masques en provenance d’Afrique. Il faut cependant signaler l’admiration de Pollock pour l’œuvre de Picasso, dont la peinture phare « Les Demoiselles d’Avignon » (que Pollock vit certainement au MOMA en 1937) est redevable du primitivisme espagnol (Picasso a découvert au Louvre des sculptures andalouses datant de 300 avant J.-C.) et de l’art primitif africain (une statue du Congo achetée par Matisse en 1906, les masques et fétiches collectionnés par Vlaminck dès 1905, puis par Derain). Il avait également pu lire dans le Magazine of Art d’avril 1935 l’article rédigé par son ami John Graham « Picasso et l’art primitif ».
En revanche, plusieurs historiens d’art ont montré l’attrait prononcé chez Pollock pour les arts amérindiens, et l’inscription de cet engouement dans son œuvre, dès la fin les années 30 (« Birth », commencé en 1938). L’exposition actuelle à la Pinacothèque de Paris « Pollock et le chamanisme » réunit une quarantaine de tableaux ou dessins qui témoignent de cette adhésion pour la pensée et les rituels chamaniques, notamment ceux des Indiens Navajos. Elle inclue également des objets issus des peuples de la côte Nord-Ouest et du Grand Nord, dont des masques, que l’on peut apercevoir dans deux vidéos visibles sur le site Internet.
Les arts primitifs ont ouvert de nouvelles perspectives formelles à de très nombreux artistes modernes. Voici à ce sujet une bibliographie présente sur le site Détours des mondes, sous la rubrique Généralités Arts Africains :
Afrique, aux origines de l’art moderne. Commissaire exposition : Ezio Bassani. Turin : Ed. ArtificioSkira. 2004.
D’un regard l’autre. Histoire des regards européens sur l’Afrique, l’Amérique et l’Océanie. Catalogue d’exposition Musée du Quai Branly. Paris : RMN. 2006.
Création du Monde. Fernand Léger et l’art africain dans les collections Barbier-Mueller. Paris: Ed. Biro, Genève : Musée Barbier Mueller. 2000.
BAROU, Jean-Pierre. L'Oeil pense : essai sur les arts primitifs contemporains. Paris : Balland. 1993.
(Un chapitre entier est consacré à la naissance du mot primitivisme, un autre aux Demoiselles d’Avignon)
BONNAIN, Rolande. L’empire des masques. Les collectionneurs d’arts premiers aujourd’hui. Paris : Ed. Stock. 2001.
DEGLI, Marine & MAUZE M. Arts premiers. Paris : Ed. Gallimard, collection La Découverte. 2001.
De l’ESTOILE, BENOIT. Le goût des Autres. De l’Exposition coloniale aux arts premiers. Paris : Ed. Flammarion. 2007.
GIRAUDON Colette. Paul Guillaume et les peintres du XXe siècle : de l'art nègre à l'avant-garde. Paris : La Bibliothèque des arts. 1993.
GOLDWATER, Robert. Le primitivisme dans l'art moderne. Paris : Ed. Presses Universitaires de France, collection Sociologie d’aujourd’hui. 1988.(1ère Ed. 1938).
(Ouvrage qui répond parfaitement à votre interrogation. L'auteur, après avoir expliqué pourquoi, au début du XXe siècle, des sculptures d'artistes "primitifs" ont attiré des artistes occidentaux, aborde le primitivisme de Gauguin, celui des membres du Brücke et du Blaue Reiter, de Picasso et de Modigliani, de Klee et de Dubuffet, sans négliger l'influence profonde reconnue par des sculpteurs comme Brancusi, Epstein et Moore).
GUILLAUME, Paul. Les écrits de Paul Guillaume. Neuchâtel : Ides et calendes. 1993.
LAUDE, Jean. La Peinture française et "l'art nègre", 1905-1914: Contribution à l'étude des sources du fauvisme et du cubisme. Paris : Ed. Klincksieck. 2006(1ère éd. 1968).
(L'auteur précise les conditions et les sortes d'influences que l'Afrique exerça sur les peintres entre 1905 et 1914).
PRICE, Sally. Arts primitifs : regards civilisés. Paris : ENSBA. 2006 (1ère éd. 1989).
RICHARD, Lionel. Arts premiers. L’évolution d’un regard. Paris : Ed. du Chêne. 2005.
RUBIN, William. Le primitivisme dans l'art du XXe siècle. Paris : Ed. Flammarion. 1984.
(Ouvrage fondamental, le plus complet, consacré au rôle joué par les objets primitifs dans l'esthétique et la conception même de l'art de Gauguin, des Fauves, de Picasso, Brancusi, des mouvements expressionnistes allemands, Lipchitz, Klee, Giacometti, Moore, les surréalistes et les expressionnistes abstraits. Un index permet de retrouver les passages sur tel ou tel artiste).
TZARA, Tristan. Découverte des arts dits primitifs suivi de Poèmes nègres. Paris : Ed. Hazan. 2006.
WARIN, François. La passion de l’origine. Essai sur la généalogie des arts premiers. Paris : Ed. Ellipses.2006.
Nous pouvons ajouter à cette liste l'ouvrage Le primitivisme et l'art moderne / Colin Rhodes, éd. Thames & Hudson, 1997. Panorama complet et détaillé des emprunts à l'art dit primitif par des artistes de la fin du XIXe siècle et surtout de la première moitié du XXe siècle.
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