Question d'origine :
je cherche à savoir si depuis Vladimir Lossky (mort en 1958) il y a eu une évolution du point de vue orthodoxe sur le Filioque. Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 07/11/2009 à 10h07
Tout d’abord, pour approfondir sur Vladimir Lossky, sa pensée, ses réflexions sur le « Filioque » et sa postérité, on peut consulter :
Incidences en Occident (et en Russie) du renouveau théologique russe au XXe siècle, Nicolas Lossky, Cahiers du monde russe et soviétique, 1988
Orient-Occident : deux passeurs Vladimir Lossky et Paul Evdokimov, par Olivier Clément.
Pour résumer brièvement, on pourrait dire que les choses n’ont pas beaucoup avancées et que la question du « Filioque » reste centrale entre les orthodoxes et les catholiques, même si de part et d’autres des efforts sont faits pour que le dialogue, voire le rapprochement sur la question continuent.
« Le Filioque (en latin "et du Fils") est l'affirmation, dans le Credo latin, que l'Esprit Saint procède du Père et du Fils.
Cette affirmation, ou du moins cette formulation, reste un sujet de différence entre catholiques et orthodoxes, même si les théologiens s'accordent généralement aujourd'hui pour en limiter l'importance.
[…].
Sur le fond, ni l'une ni l'autre formule ne semblent contraires à la foi révélée dans l'Écriture et reçue par l'Église :
« L'Esprit procède du Père » : cette formule initiale correspond p.ex. à Mt 10,20, « l'Esprit du Père »
« ... et du Fils » : l'Esprit est aussi « Esprit du Fils » (Ga 4,6), il est envoyé extérieurement par le Père et par le Fils (Jn 15,26 ; Ac 2,33) et procède donc intérieurement autant du Père que du Fils, les relations externes entre les personnes de la Trinité étant le miroir de leurs relations internes.
Il est considéré par plusieurs théologiens contemporains qu'il s'agit ici de formulations et de conceptions théologiques certes différentes, mais qui ne doivent pas être élevées au rang de vérités dogmatiques incompatibles.
Sur la forme, dans la mesure où les deux parties (orthodoxes et catholiques) admettent (ou pourraient admettre) qu'aucune des formulations n'est « hérétique », il semble (ou semblerait) possible de parvenir à un accord.
Dans certaines occasions liturgiques solennelles, le pape Jean-Paul II a prononcé le Credo sans le Filioque, notamment lors de la visite du patriarche Dimitrios Ier le 7 décembre 1987 ; lors de celle du patriarche Bartholomée Ier en juin 1995 ; lors encore de celle du patriarche roumain Théoctiste le 13 octobre 2002. Et en septembre 1995, la déclaration « Les traditions grecque et latine concernant la procession du Saint-Esprit » indiquait que « l'Église catholique reconnaît la valeur conciliaire, œcuménique, normative et irrévocable du symbole de foi professé en grec au second Concile œcuménique de Constantinople en 381, en tant que l'expression de l'unique foi commune de l'Église et de tous les chrétiens. Aucune confession de foi, propre à une tradition liturgique particulière, ne peut contredire cette expression de foi enseignée et professée par l'Église indivise ». La déclaration Dominus Jesus, en 2000, témoigne également de ce rapprochement, en citant le Credo sans le Filioque et en reconnaissant comme Églises les Églises orthodoxes. Le catéchisme de l'Église catholique (1992) évoque quant à lui une « légitime complémentarité » qui, « si elle n'est pas durcie, n'affecte pas l'identité de la foi dans la réalité du même mystère confessé » (§ 248) ».
Source : Filioque, Wikikto, l’encyclopédie catholique libre.
Voir aussi : Catholiques et orthodoxes, une précédente question du Guichet du savoir.
Vous trouverez en ligne une analyse du point de vue orthodoxe de la clarification «Les traditions grecque et latine concernant la procession du Saint-Esprit » par Jean-Claude Larchet :
La question du Filioque.
« Le 13 septembre 1995, le Conseil Pontifical pour la promotion de l'Unité des chrétiens publiait une Clarification à propos de la doctrine catholique du Filioque, intitulée Les traditions grecque et latine concernant la procession du Saint-Esprit. Ce texte a suscité l'enthousiasme des théologiens orthodoxes réputés proches des positions latines. L'A., dans une perspective orthodoxe, présente d'abord le contenu de ce texte. Puis il en fait émerger les aspects qu'il juge positifs. La fin de l'article est consacrée aux réserves qu'un théologien orthodoxe, le premier enthousiasme passé, se doit d'émettre à l'égard de ce document »
Source : Inist, CNRS.
L’article Le Filioque hier et aujourd’hui, paru dans Contacts, revue française de l’orthodoxie en 1982 montre que la volonté de rapprochement est parfois partagée par certains orthodoxes :
«Résumé / Abstract
L'A. montre comment pourraient s'articuler les deux systèmes de conceptualité qui se sont cristallisés au cours des âges en Orient et en Occident au sujet de la procession du Saint-Esprit. Il ne s'agit pas pour l'A. d'un compromis, mais d'un approfondissement de la vision Trinitaire orthodoxe qui ferait sa place au Filioque en lui enlevant son caractère unilatéral et en le resituant dans un contexte théologique et spirituel plénier»
Le texte Le Filioque : une question qui divise l'Église ? Déclaration commune de la Commission théologique orthodoxe-catholique d'Amérique du Nord, 2003, en ligne, vous donnera en détails, l’historique de la question, les divergences, les essais et les limites des tendances au rapprochement.
Mais ces interventions relativement modérées ne reflètent qu’une partie de l’opinion orthodoxe. Le texte en ligne sur Orthodoxie. L’information orthodoxe sur Internet, Importants remous au sein des Églises orthodoxes à propos de la prochaine réunion de la commission internationale mixte de dialogue à Chypre, pourrait laisser penser que rien n’a profondément changé depuis le schisme ...
Extrait de la «Confession de foi contre l’œcuménisme», qui selon l’auteur de l’article n’a pas été signée que par des « extrémistes » :
« Nous proclamons que le papisme [ndlr: nom habituellement donné en Grèce au catholicisme romain, en raison de l'importance qu'il reconnaît au pape] est une matrice d’hérésies et d’erreurs. L’enseignement du Filioque, c’est-à-dire de la procession du Saint-Esprit à partir du Père et du Fils, est contraire a tout ce que le Christ lui-même a enseigné au sujet du Saint Esprit. Le chœur tout entier des Pères, réunis en conciles ou individuellement, regarde le papisme comme une hérésie parce que, en plus du Filioque, il a produit une foule d’erreurs telle que: la primauté et l’infaillibilité du pape, l’usage de pain sans levain, le feu du purgatoire, l’immaculée conception de la Mère de Dieu, l’achat de l’absolution (le commerce des indulgences). Il a altéré à peu près tout ce qui concerne l’enseignement et la pratique relatifs au baptême, à la chrismation, à la divine eucharistie et aux autres sacrements et a transformé l’Église en un État séculier. Le papisme de l’époque moderne a plus encore que le papisme médiéval dévié de l’enseignement de l’Église, a tel point qu’on ne peut plus le comprendre dans la continuité de l’ancienne Église d’Occident. »
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