Question d'origine :
Bonjour,
Qu'appelle t-on "un vin de soif"? C'est un vin moyen ou une horrible piquette?
Merci, bonne semaine.
Réponse du Guichet
bml_sci
- Département : Sciences et Techniques
Le 13/04/2010 à 14h51
Bonjour
Ah, la belle expression ! Qui nous renvoit à des temps désormais anciens, pré-modernes, agricoles ou industriels d’avant les mondialisations de toutes sortes...
Des temps où il fallait fournir à l’honnête travailleur de quoi se désaltérer durant sa pénible tâche et où la bière n’était pas aussi répandue qu’aujourd’hui, où les vignobles couraient du Limousin à la Bretagne, en Normandie et jusqu'au Pas-de-Calais.
On produisait alors des vins rouges, rosés ou blancs de vinification courte et donc généralement peu chargés en alcool (7 à 9 degrés au plus), destinés à être consommés tout au long de la journée.
On leur donnait des noms poétiques : vin de café, vin de carafe, vin des moissonneurs, de guinguette ... (voir cet excellent ouvrage : Les mots de la vigne et du vin : Les cépages disparus p.32). Ceux qui par miracle ont résisté au phylloxéra n’ont pas passé la deuxième guerre mondiale...
Aujourd’hui disparus sous cette forme, les vins dits de soif existent toujours, ils distinguent plutôt des vins faciles à boire, légers, gouleyants. Leur archétype étant le fameux Beaujolais mais il en existe bien d’autres.
Qu’en était-il de leur goût ? La réponse est difficile, sans doute n’étaient-ils pas d’une grande qualité œnologique, ce n’est pas ce qu’on leur demandait, mais il est délicat d’affirmer pour autant qu’ils étaient tous mauvais à boire, et puis n’oublions pas que le palais des consommateurs a évolué, sans parler de la quantité consommée : on est passé de 143L par habitant en 1950 à environ 46 L de nos jours. (sources: Ministère de la Santé et INSEE).
Quelques exemples toujours dans l’ouvrage précité : le vin d’Argenteuil : " Clair comme larme d’œil ", apprécié à la Cour de France jusqu’au XVI ème siècle, puis qui se déprécie, devenant un vin de bistrot ouvrier au XIX ème : le piccolo d’Argenteuil, auquel on attribue le pouvoir corrosif "de dissoudre les perles des jolies femmes " !
Ou encore le vin de Suresne, le fameux " petit bleu " des banlieues ouvrières, le Marcillac aveyronnais, hier vin médiocre et aujourd’hui AOC, le Cerdon, rosé mousseux rafraichissant et apprécié par Curnonsky, et tant d' autres... Où l'on voit qu'hier comme aujourd'hui on peut à partir d'une même vigne se rapprocher du paradis gustatif... ou de l'enfer !
Pour en savoir plus :
- une discution sur un forum spécialisé autour des vins de soif
- deux ouvrages de référence de Roger Dion : le paysage et la vigne et l'histoire de la vigne et du vin.
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