Question d'origine :
Madame,
Quelles sont les études faites sur cette affaire des fiches de 1904 ? A t-on conservé certaines d'entre elles et où ? Des officiers fichés ont-ils pu après que cette affaire ait éclaté conserver du retard à l'avancement?
Merci.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 14/07/2010 à 19h47
Vous pouvez trouver à la bibliothèque municipale de Lyon:
- La vérité sur l'affaire des fiches, de J.H. MOLLIN
- Une conspiration sous la troisième république : la vérité sur l'affaire des fiches, de Jean BIDEGAIN
- L'Affaire des fiches [Livre] : 1900-1904 : chronique d'un scandale, de François Vindé
Ces trois livres sont à consulter sur place, à la bibliothèque.
Vous pouvez consulter les deux premiers en intégralité sur
Gallica
Gallica
Dans le troisième, ouvrage écrit à partir des archives laissées par jean Guyot de Villeneneuve, député de Neuilly, qui dénonça l’affaire devant le parlement, l’auteur développe la thèse selon laquelle « l’affaire des fiches eut de lourdes conséquences, d’autant que les successeurs d’André, s’ils renoncèrent à recourir à la Franc-Maçonneire pour obtenir des renseignements sur les officiers, ne firent pas grand-chose pour réparer les préjudices subis par les vicitmes du système. Bien que cessant de se renseigner sur les opinions religieuses des officiers, ils continuèrent néanmoins à s’informer auprès des préfets sur leurs opinions politiques. Ces folies se payèrent chèrement au cours des premiers mois de la guerre de 1914. Près de la moitié des officiers supérieurs pourvus d’un poste de haute responsabilité durent alors être limogés par Joffre pour incompétence ! » (extrait de l’avant-propos du livre)
Dans le chapitre XVII, intitulé « les retombées de l’affaire », l’auteur étudie les suites de l’affaire pour les officiers victimes des fiches.
Une loi fut adoptée par la chambre, le 30 octobre 2005,jour de la rentrée parlementaire d’automne, amnistiant les personnes qui avaient fait l’objet de mesures disciplinaires à l’occasion des faits de délation.
«Séparant d’une manière définitive la politique de l’armée, et décidé à ne juger les officiers comme il convient, que d’après leurs seuls mérites professionnels, M Millerand [ ministre de la guerre] supprima dès son entrée en fonction , par circulaire du 25 janvier 1912, le régime de surveillance spéciale auquel la circulaire du 11 décembre 1911 soumettait de fait les officiers, et décida que les préfets n’auraient plus à fournir les rapports politiques dont la présentation périodique leur avait été précédemment ordonnée. Il faisait , en même temps, détruire toutes les formules de bulletins de renseignements existant en approvisionnement au cabinet militaire. Les dossiers politiques classés au cabinet militaire et provisoirement conservés, ont été eux-mêmes tous brûlés, sur l’ordre de M Millerand, au commencement du mois de janvier 1913.»
Il n’est pas inutile de prendre un peu de distance sur cette affaire et de la situer dans son contexte.
C’est ce que se propose de faire Serge Berstein, historien, professeur à l’institut d’études politiques, dans un numéro spécial de la revue l’Histoire, N° 131, du mois de mars 1990,
Complots et rumeurs, dans un article intitulé : Les Francs-maçons, la République et l’armée.
Il retrace le déroulement de l’affaire et la situe comme « point culminant de cette guerre des deux France, qui opposa dreyfusards et antidreyfusards, cléricaux et anticléricaux. »
Il décrit la réalité complexe de l’armée française qui n’a tenté aucun putsh contre le régime , qui se veut la « grande muette » politiquement et qui remplit les missions que lui assigne le pouvoir politique. Mais c’est une armée ( du moins la hiérarchie militaire ) qui témoigne d’une profonde répugnance à l’égard des institutions républicaines, qui a tendance à s’isoler de l’Etat, à constituer un corps autonome, se recrutant par cooptation.
Après l’affaire Dreyfus, les dangers de cette autonomie apparaisse clairement. Peut-on laisser un corps dont les sentiments peu favorables à la République sont de notoriété publique, où les fils de familles conservatrices font volontiers carrière, où les rares officiers républicains sont mal vus de leur entourage, constituer un « Etat dans l’Etat » ?
Les commissions de classement sont supprimées, la nomination aux grades supérieurs dépend désormais du ministre. Le successeur de Gallifet, le général André, veut poursuivre cette œuvre. » Il entend changer dans un sens républicain le visage de l’Armée et réparer les injustices commises à l’égard des officiers républicains. Il veut démocratiser l’Armée (suppression de la dot réglementaire des futures épouses d’officiers ; obligation pour les Saint- Cyriens de servir un an dans les corps de troupe avant d’entrer à l’école ; suppression des ordonnances et des équipages ; ouverture aux adjudants d’un dixième des emplois de sous lieutenants disponibles, etc…) »
Et il va beaucoup plus loin encore pour favoriser les officiers républicains et bloquer l’avancement des officiers réactionnaires. C’est l’affaire des fiches rédigées par les francs-Maçons…véritable affaire d’espionnage, mêlant complot maçonnique, scandales touchant les personnes dans leur vie privée, scandales à la Chambre….et aboutissant à la chute du ministère Combes.
Avec cette chute, «se clôt un épisode de l’histoire nationale, celui de la grave crise ouverte par l’affaire Dreyfus. L’affrontement entre deux conceptions antithétiques de la société s’achève, quoi qu’on pense, par la victoire des dreyfusards et de leurs idées .Après les élections de 1902, les tenants de la raison d’Etat et de la priorité des institutions sur les Droits de l’homme ont été vaincus. En janvier 1905, l’anticléricalisme sectaire, bafouant les droits de l’individu dès lors qu’il ne pense pas comme le pouvoir, connaît à son tour la défaite. Mais ses vainqueurs ne sont pas les nationalistes ; bien que ceux-ci aient fait éclater le scandale, leurs projets on échoué et ils n’ont pu faire partager à l’opinion publique leur goût pathologique du complot comme clé de la vie politique.
La grande période de l’affrontement entre les extrémistes des deux bords est désormais passée. La guerre civile larvée née avec l’affaire Dreyfus et dont l’affaire des fiches a représenté un des sommets, laisse la place à la lente et patiente construction du consensus républicain qui prouvera sa solidité durant la Première Guerre mondiale.»
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