"Amplificateur d'énergie nucléaire"
DIVERS
+ DE 2 ANS
Le 16/09/2010 à 04h42
347 vues
Question d'origine :
Bonjour,
Je suis à la recherche de renseignements sur les aspects de sécurité d'un système d'amplificateur d'énergie nucléaire, appelé souvent "Rubbiatron" (du nom de son promoteur).
J'ai déjà vu ce qu'en dit Wikipedia
http://fr.wikipedia.org/wiki/Rubbiatron
mais c'est surtout les risques potentiels qui m'intéressent.
Je vous en remercie d'avance.
Réponse du Guichet
anonyme
- Département : Équipe du Guichet du Savoir
Le 16/09/2010 à 13h30
Réponse du service Guichet du savoir
Comme le concède cet article du NouvelObs daté de février 1997 plutôt favorable au projet
« Le rubbiatron soulève de nombreuses autres incertitudes, concernant son fonctionnement et sa sécurité. Claude Birraux, député de la Haute-Savoie et spécialiste du nucléaire, avait jugé utile d'organiser à ce sujet, en décembre dernier, une audition spéciale de la commission parlementaire des choix scientifiques et techniques. La séance a rassemblé, huit heures durant, tous les protagonistes - adversaires comme partisans –, dont Rubbia lui-même. Le rapport doit paraître début mars. En attendant, Claude Birraux déclare: «Je n'ai pas encore d'opinion tout à fait arrêtée.» Le député semble toutefois avoir retiré de cette confrontation le sentiment qu'il n'y avait pas péril en la demeure, que «nous sommes très en amont d'une décision», et que le rubbiatron peut attendre.
Claude Birraux risque un constat des lieux: le rubbiatron? «EDF est pour, le CEA contre - quoique, peut-être, pour des raisons inavouables. Car, tout en réfutant le projet Rubbia, le CEA paraît en défendre un autre, maison, qui lui ressemble un peu beaucoup.»
Retenons que le CNRS est pour. »
Pourtant de nombreux scientifiques ont montré des doutes voire une farouche opposition. Andre Gsponer a ainsi publié dans la Gazette du nucléaire un article-charge contre le projet d'amplificateur d'énergie de Carlo Rubbia :
« Le 9 décembre 1993 déjà, le très influent Nucleonics Week publia une réplique qui, dix ans après, est d'autant plus remarquable que toutes les critiques faites se sont avérées essentiellement correctes. En effet, le principal avantage théorique du rubbiatron, la sous-criticité, est dans la pratique une illusion technologique.
[...]
Une étape importante pour le rubbiatron fut une audition ouverte à la presse de l'Office parlementaire pour l'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Présidée par Claude Birraux, cette audition du 21 novembre 1995 rappela les avantages théoriques du concept, développa les critiques faites depuis 1993, et mis l'accent sur les problèmes de sécurité et les liens avec la prolifération des armes nucléaires.
C'est ainsi que l'audience fut étonnée de constater à quel point Carlo Rubbia était "naïf'' sur les risques de détournements à fins militaires de son système, alors qu'il est facile de vérifier qu'un simple accélérateur de production d'isotopes médicaux peut être utilisé pour fabriquer des quantités non négligeables de plutonium ou du tritium. De plus, en usant de certaines astuces élémentaires, par exemple en irradiant un échantillon d'uranium enrichi, on peut facilement décupler la production neutronique d'un petit accélérateur, et de la sorte transformer 1 kg d'U-235 en 10 kg de plutonium! C'est justement sur un système de ce genre-là auquel travaillaient les scientifiques yougoslaves du laboratoire de Vinca près de Belgrade, système élaboré en collaboration avec des scientifiques liés au CERN, et contrôlé par un comité scientifique présidé par un ex-chef de division du CERN, Gunther Plass.
[...]
En ce qui concerne la sécurité, la discussion abonda sur un des points faibles du rubbiatron : L'interface entre l'accélérateur et le réacteur, c'est-à-dire la fenêtre de tungstène qui sépare le vide du plomb fondu. En particulier, des calculs détaillés effectués par Jacques Maillard et son étudiante de thèse Fabienne Bacha montraient qu'une telle fenêtre pouvait se rompre au bout de quelques heures en raison de l'intense bombardement par les protons accélérés. Il fallu attendre la première expérience tant soit peu réaliste, l'expérience LISOR au Paul Scherrer Institut (PSI) près de Zurich, pour vérifier que leur prédiction était correcte. Le 5 juillet 2002, après 36 heures d'irradiation à pleine puissance, la fenêtre se fendit, et un jet de plomb-bismuth fondu légèrement radioactif arrosa l'appareillage. »
Suren Erkman insiste avec ironie dans son article « Journalistes scientifiques sous influence» paru dans Le Monde diplomatique :
« C’est largement grâce aux médias que le « rubbiatron » sobriquet donné à une variante de réacteur nucléaire couplé à un accélérateur, imaginée dans les années 50, a été récemment remis au goût du jour par Carlo Rubbia (Italien, prix Nobel de physique 1984) au Laboratoire européen de physique des particules (CERN). De même, beaucoup de projets doivent l’essentiel de leur crédibilité aux envolées lyriques mais dépourvues d’arguments documentés de la presse généraliste. Laquelle, en revanche, ne rend nullement compte des attaques vigoureuses que publie la littérature spécialisée contre ce genre de projets, et dont le grand public ne sait rien. »
A la lecture de ces articles, l’audition menée par Claude Birraux doit être considérée avec le plus grand intérêt.
Résumé :
« Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.
M. Claude Birraux, député (7e rapport, 1997)
En 1993, le Professeur Carlo RUBBIA, Prix Nobel de physique, a présenté un concept original de réacteur nucléaire, censé produire de l'électricité à des prix compétitifs tout en générant un minimum de déchets radioactifs. Cette machine est-elle vraiment susceptible de subvenir, dans un avenir proche, aux besoins énergétiques de l'humanité ? Le rapport confronte les grandes options du projet RUBBIA aux impératifs de sûreté, de radioprotection, de non prolifération, etc. Il montre que les choix retenus par Carlo RUBBIA doivent être explorés plus avant, tout en se gardant de sous-estimer les délais et les coûts nécessaires à la mise au point éventuelle d'une filière nucléaire totalement nouvelle.
La maintenance des réacteurs nucléaires est essentielle pour la sûreté ; elle nécessite une organisation et une rigueur sans failles. La réforme de la maintenance initiée par EDF en 1990 a-t-elle porté ses fruits ? Le recours aux prestataires extérieurs est-il porteur de dérives et de risques ? La radioprotection de ces travailleurs extérieurs peut-elle être correctement gérée ? Une année d'investigations sur le terrain montre que les efforts doivent être poursuivis, même si des progrès sensibles peuvent être constatés. »
Vous trouverez sous ces liens les deux tomes du rapport Birraux. Le Chapitre III du Tome I décrit en détail le projet de Carlo Rubbia. Le "Compte rendu à la presse" du Tome II rend compte des débats autour du Rubbiatron – vous trouverez là la liste de tous les scientifiques ayants été auditionnés.
- tome 1
- tome 2
Comme le concède cet article du NouvelObs daté de février 1997 plutôt favorable au projet
« Le rubbiatron soulève de nombreuses autres incertitudes, concernant son fonctionnement et sa sécurité. Claude Birraux, député de la Haute-Savoie et spécialiste du nucléaire, avait jugé utile d'organiser à ce sujet, en décembre dernier, une audition spéciale de la commission parlementaire des choix scientifiques et techniques. La séance a rassemblé, huit heures durant, tous les protagonistes - adversaires comme partisans –, dont Rubbia lui-même. Le rapport doit paraître début mars. En attendant, Claude Birraux déclare: «Je n'ai pas encore d'opinion tout à fait arrêtée.» Le député semble toutefois avoir retiré de cette confrontation le sentiment qu'il n'y avait pas péril en la demeure, que «nous sommes très en amont d'une décision», et que le rubbiatron peut attendre.
Claude Birraux risque un constat des lieux: le rubbiatron? «EDF est pour, le CEA contre - quoique, peut-être, pour des raisons inavouables. Car, tout en réfutant le projet Rubbia, le CEA paraît en défendre un autre, maison, qui lui ressemble un peu beaucoup.»
Retenons que le CNRS est pour. »
Pourtant de nombreux scientifiques ont montré des doutes voire une farouche opposition. Andre Gsponer a ainsi publié dans la Gazette du nucléaire un article-charge contre le projet d'amplificateur d'énergie de Carlo Rubbia :
« Le 9 décembre 1993 déjà, le très influent Nucleonics Week publia une réplique qui, dix ans après, est d'autant plus remarquable que toutes les critiques faites se sont avérées essentiellement correctes. En effet, le principal avantage théorique du rubbiatron, la sous-criticité, est dans la pratique une illusion technologique.
[...]
Une étape importante pour le rubbiatron fut une audition ouverte à la presse de l'Office parlementaire pour l'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Présidée par Claude Birraux, cette audition du 21 novembre 1995 rappela les avantages théoriques du concept, développa les critiques faites depuis 1993, et mis l'accent sur les problèmes de sécurité et les liens avec la prolifération des armes nucléaires.
C'est ainsi que l'audience fut étonnée de constater à quel point Carlo Rubbia était "naïf'' sur les risques de détournements à fins militaires de son système, alors qu'il est facile de vérifier qu'un simple accélérateur de production d'isotopes médicaux peut être utilisé pour fabriquer des quantités non négligeables de plutonium ou du tritium. De plus, en usant de certaines astuces élémentaires, par exemple en irradiant un échantillon d'uranium enrichi, on peut facilement décupler la production neutronique d'un petit accélérateur, et de la sorte transformer 1 kg d'U-235 en 10 kg de plutonium! C'est justement sur un système de ce genre-là auquel travaillaient les scientifiques yougoslaves du laboratoire de Vinca près de Belgrade, système élaboré en collaboration avec des scientifiques liés au CERN, et contrôlé par un comité scientifique présidé par un ex-chef de division du CERN, Gunther Plass.
[...]
En ce qui concerne la sécurité, la discussion abonda sur un des points faibles du rubbiatron : L'interface entre l'accélérateur et le réacteur, c'est-à-dire la fenêtre de tungstène qui sépare le vide du plomb fondu. En particulier, des calculs détaillés effectués par Jacques Maillard et son étudiante de thèse Fabienne Bacha montraient qu'une telle fenêtre pouvait se rompre au bout de quelques heures en raison de l'intense bombardement par les protons accélérés. Il fallu attendre la première expérience tant soit peu réaliste, l'expérience LISOR au Paul Scherrer Institut (PSI) près de Zurich, pour vérifier que leur prédiction était correcte. Le 5 juillet 2002, après 36 heures d'irradiation à pleine puissance, la fenêtre se fendit, et un jet de plomb-bismuth fondu légèrement radioactif arrosa l'appareillage. »
Suren Erkman insiste avec ironie dans son article « Journalistes scientifiques sous influence» paru dans Le Monde diplomatique :
« C’est largement grâce aux médias que le « rubbiatron » sobriquet donné à une variante de réacteur nucléaire couplé à un accélérateur, imaginée dans les années 50, a été récemment remis au goût du jour par Carlo Rubbia (Italien, prix Nobel de physique 1984) au Laboratoire européen de physique des particules (CERN). De même, beaucoup de projets doivent l’essentiel de leur crédibilité aux envolées lyriques mais dépourvues d’arguments documentés de la presse généraliste. Laquelle, en revanche, ne rend nullement compte des attaques vigoureuses que publie la littérature spécialisée contre ce genre de projets, et dont le grand public ne sait rien. »
A la lecture de ces articles, l’audition menée par Claude Birraux doit être considérée avec le plus grand intérêt.
« Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires.
M. Claude Birraux, député (7e rapport, 1997)
En 1993, le Professeur Carlo RUBBIA, Prix Nobel de physique, a présenté un concept original de réacteur nucléaire, censé produire de l'électricité à des prix compétitifs tout en générant un minimum de déchets radioactifs. Cette machine est-elle vraiment susceptible de subvenir, dans un avenir proche, aux besoins énergétiques de l'humanité ? Le rapport confronte les grandes options du projet RUBBIA aux impératifs de sûreté, de radioprotection, de non prolifération, etc. Il montre que les choix retenus par Carlo RUBBIA doivent être explorés plus avant, tout en se gardant de sous-estimer les délais et les coûts nécessaires à la mise au point éventuelle d'une filière nucléaire totalement nouvelle.
La maintenance des réacteurs nucléaires est essentielle pour la sûreté ; elle nécessite une organisation et une rigueur sans failles. La réforme de la maintenance initiée par EDF en 1990 a-t-elle porté ses fruits ? Le recours aux prestataires extérieurs est-il porteur de dérives et de risques ? La radioprotection de ces travailleurs extérieurs peut-elle être correctement gérée ? Une année d'investigations sur le terrain montre que les efforts doivent être poursuivis, même si des progrès sensibles peuvent être constatés. »
Vous trouverez sous ces liens les deux tomes du rapport Birraux. Le Chapitre III du Tome I décrit en détail le projet de Carlo Rubbia. Le "Compte rendu à la presse" du Tome II rend compte des débats autour du Rubbiatron – vous trouverez là la liste de tous les scientifiques ayants été auditionnés.
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