Question d'origine :
En 1657, l'archevêque Camille de Neuville vient à Villefranche pour une visite pastorale. Il visite l'église paroissiale, les deux couvents de femmes (Ursulines et Visitandines), et il était prévu qu'il aille également visiter l'Hôtel-Dieu, tenu par des sœurs hospitalières (page blanche dans le compte rendu pour l'Hôtel-Dieu).
Il n'est pas question de son passage pour une "visite" dans les deux couvents d'hommes (Cordeliers et Capucins). Echappaient-ils à l'autorité de l'archevêque ? Dans ce cas, pourquoi en va-t-il différemment pour les couvents de femmes ?
Réponse du Guichet
bml_reg
- Département : Documentation régionale
Le 18/05/2011 à 12h57
Bonjour,
Il ne semble pas que les Cordeliers et les Capucins aient échappé à l'autorité de l'archevêque, qui s'appliquait sans distinction dans tout le diocèse. La visite pastorale de Camille de Neuville à Villefranche, qui s'effectue dans les couvents de femmes et non dans ceux des hommes, trouve donc son explication ailleurs.
Durant la première moitié du XVII° siècle, on assiste en France à un renouveau du catholicisme avec, notamment, le développement et la création de nombreux ordres religieux, comme par exemple les Ursulines (présentes en France à partir de 1586) ou les Visitandines (ordre créé en 1610). Les Cordeliers et les Minimes sont, eux, de création plus ancienne, et sont assez bien établis sur le territoire. Si l'on en croit Henri Hours, qui a participé à l'ouvrage Le diocèse de Lyon (dirigé par Jacques Gadille), l'augmentation du nombre de couvents dans le diocèse de Lyon est impressionnante :
"En cinquante-quatre ans furent ouvertes 39 maisons d'hommes et 36 de femmes, les plus nombreuses par les Capucins et les Minimes chez les hommes, les Ursulines et les Visitandines chez les femmes. Le mouvement ne suivit pas un rythme constant […] ; sous Richelieu, en 25 ans (1628-1653), 9 d'hommes, 20 de femmes."
Sous l'épiscopat d'Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, prédécesseur de Camille de Neuville, le nombre de couvents religieux féminins augmente donc particulièrement. À titre d'exemple, sur les 18 maisons des Ursulines fondées dans le diocèse, treize le sont sous son épiscopat. On peut donc penser que les couvents féminins de Villefranche sont de création plus récente que les couvents masculins (toutefois il serait utile de vérifier cette information). Or, pour citer encore Henri Hours :
"[…] s'il [l'archevêque Richelieu] fut un pasteur, ce ne fut pas un organisateur. Il laissait à sa mort un diocèse où la vie bouillonnait, mais où manquaient les institutions capables de la faire fructifier. Les besoins essentiels étaient reconnus : formation du clergé, encadrement et institution des fidèles. L'esprit dans lequel il convenait de diriger les bonnes volontés était admis : rigueur morale et si possible ascétisme, dévotion eucharistique, déploiement du culte liturgique, association et action charitable sous l'autorité du curé. Les principes étaient posés, mais leur réalisation reposait encore sur les initiatives privées à qui manquait une direction."
Et c'est là où la visite pastorale de son successeur Camille de Neuville prend tout son sens. Dès le 30 juillet 1654, ce dernier se met en route :
"assisté de ses conseillers et grands-vicaires, qu'il détachait souvent dans les villages voisins de celui où il opérait lui-même, de sorte que la petite troupe avançait plus vite, sous la direction quotidienne de son chef auquel pouvait être soumis sans délai les cas qui réclamaient son jugement. […] La visite s'étala sur six années, après quoi il donna mission aux archiprêtres de la renouveler périodiquement."
Le but est bien sûr de connaître parfaitement le diocèse, mais aussi de vérifier que le clergé assure son rôle d'encadrement des ouailles. Le clergé séculier est donc tout particulièrement contrôlé. Et d'après l'ouvrage de Marie-Hélène Froeschlé-Chopard (cité plus bas), le contrôle des communautés religieuses régulières tient peu de place dans les visites pastorales. Quand c'est le cas, il s'agit plutôt de s'enquérir de l'état matériel des couvents, de celui des personnes, et parfois, de contrôler la bonne observance des règles.
Il y a donc fort à parier que ce qui intéresse le plus Camille de Neuville à Villefranche en 1657, c'est de vérifier que les communautés religieuses récentes et nouvellement installées (Ursulines et Visitandines) sont correctement installées et qu'elles suivent bien la règle qui les régit. Ainsi l'explique Paul Cattin :
"Le visiteur s'intéresse aux ordres religieux nouveaux, nés de la réforme catholique (Ursulines, Visitandines), plus soumis à l'ordinaire que les anciens, et dont les règlements n'étaient pas toujours très bien établis".
L'on comprendra que l'examen n'ait pas été particulièrement approfondi par Camille de Neuville quant aux autres couvents, lorsque l'on sait que la visite pastorale qu'il a effectuée dans le diocèse pendant six ans a concerné près de 800 paroisses.
Pour approfondir vos recherches, vous pouvez consulter les Archives Diocésaines , ainsi que les Archives Départementales du Rhône , qui sont particulièrement pertinentes pour la période qui vous intéresse (références des fonds d'archives concernés : A.D. Rhône, 1 G 49, 1 G 50 (copie 1 G 51), 1 G 52).
Voici enfin une bibliographie qui peut vous être utile :
- Atlas de la réforme pastorale en France de 1550 à 1790 : les évêques en visite dans les diocèses par Marie-Hélène Froeschlé-Chopard
- Répertoire des visites pastorales de la France : Première série, anciens diocèses (jusqu'en 1970) T.II : Cahors-Lyon
- Le diocèse de Lyon, sous la direction de Jacques Gadille
- Visites pastorales du diocèse de Lyon : par Monseigneur Camille de Neuville en Dombes, Bresse, Bugey et Comté de Bourgogne : 1654-1656, texte édité par Paul Cattin (contient de nombreuses informations utiles)
- L'œuvre pastorale de Mgr Camille de Neufville de Villeroy par Marie-Louise Latreille, consultable au LARHRA (Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes)
- Reglemens et ordonnances faites par Monseigneur l'illustrissime et reverendissime archevesque et comte de Lyon (Camille de Neufville)… (document daté de 1665)
- Nouveaux reglemens et statuts, pour le diocese de Lyon, faits par Monseigneur l'archevesque (Camille de Neufville de Villeroy, 26 mars 1670), (document daté de 1670)
- Notice sur Camille de Neuville, archevêque de Lyon sous Louis XIV par Antoine Péricaud (document daté de 1829)
- Un Point d'Actu! sur les Visitandines
Et également un Guide du chercheur en histoire religieuse: département du Rhône, qui peut vous être utile pour localiser les sources qui vous intéressent.
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