Question d'origine :
Après l'armistice de juin 1940 l'armée française était réduite à 100 000 hommes je crois. Quelle a été la situation des jeunes français qui auraient dû faire leur service militaire à ce moment là? Ils ne l'ont pas fait je crois. Ont-ils eu d'autres obligations tout de suite ou par la suite? Question relativement simple me semble-t-il mais pour laquelle je n'arrive pas à retrouver de source précise Merci d'avance.
Réponse du Guichet
bml_civ
- Département : Civilisation
Le 04/10/2011 à 16h00
Pour une première approche du problème posé par la défaite de juin 1940 à l’armée française, dite « armée d’armistice », nous vous recommandons la lecture des chapitre intitulés « L’armée » et « Les organisations de jeunesse » dans l’ouvrage
« L’armée nouvelle » rêvée par Vichy, est aussi et d’abord la nouvelle armée imposée par l’armistice.
Une nouvelle armée est née de l’article 4 de la convention franco-allemande d’armistice qui dispose : « Les forces armées françaises, sur terre, sur mer et dans les airs, devront être démobilisées et désarmées dans un délai encore à déterminer. Sont exemptes de cette obligation les troupes nécessaires au maintien de l’ordre intérieur. » Le maintien de l’ordre est en fait assumé par d’autres formations, notamment les Groupements mobiles de réserve (GMR) (…)
A Rethondes même, le chiffre symbolique de 100 000 hommes est lancé par Keitel, à l’instar de l’effectif imposé à la Reichswehr de 1919. Le 20 août 1940, les autorités allemandes ratifient le principe de 100 000 hommes en métropole, mais astreints à un service de longue durée (les classes 1938 et 1939 sont provisoirement maintenues sous les drapeaux). Les différentes catégories de personnels sont réparties de la façon suivante : les officiers forment 4 % de l’effectif total, les sous-officiers 16 % et la troupe 80 %. L’armée doit par conséquent effectuer un double mouvement : dégagement des cadres en surnombre et recrutement d’hommes de troupe.
22 000 officiers sont dégagés des effectifs. Les réservistes sont démobilisés, puis la limite d’âge est abaissée afin d’accélérer les départs à la retraite. Certains corps sont démilitarisés : santé, intendance, recrutement, météorologie, etc. Un congé d’armistice avec solde réduite est institué. Une partie des cadres est reclassée, notamment dans les formations de jeunesse. Enfin des officiers sont exclus de l’armée en vertu des lois sur les sociétés secrètes et du Statut des Juifs – dans ce dernier cas, les autorités militaires étendent ces dispositions au recrutement des hommes de troupe.
Dans le même temps, l’armée commence à recruter des hommes de troupe. Au total, près de 90 000 hommes vont être intégrés entre novembre 1940 et novembre 1942, dont un tiers à destination de l’Afrique du Nord. Démarchage incessant et méthodique des gendarmes et propagande des corps de troupe constituent les méthodes les plus efficaces. (…)
La transition d’une armée de conscription à une armée de métier, l’armée d’armistice ne la réalise que partiellement : dans les faits, les deux systèmes perdurent jusqu’au début de 1942 avec le maintien sous les drapeaux des appelés, dont la libération provoque alors un déficit de 50 000 hommes. (…)
Pour la majeure partie, les engagés proviennent de milieux populaires et plus particulièrement du monde ouvrier. Ils ont en général moins de 23 ans et choisissent les armes techniques (train, transmissions, génie, cavalerie motorisée) ou l’aviation, car, pour eux, l’armée constitue une seconde chance professionnelle. (…)
Un vaste espace paramilitaire s’est formé : Chantiers de la jeunesse, Compagnons de France, mouvements de jeunesse, Légion française des combattants, etc.
Dans le secteur paramilitaire, l’un des relais les plus fiables pour l’armée semble être les Compagnons de France, association qui se charge des adolescents et participe activement à la propagande en faveur de l’ « armée nouvelle » (…)
Dans le cas de Chantiers de Jeunesse, les relations avec l’armée sont ambigües : les Chantiers sont-ils un vivier pour l’armée ou un substitut au service militaire ? Créés par le décret du 1er août 1940 pour encadrer les mobilisés des classes 39/2 et 40/1, ils sont désignés par une loi du 18 janvier 1941 comme support pour un service national de huit mois, mais sans instruction militaire, conformément à l’armistice, bien que leur encadrement soit constitué par des officiers « en congé d’armistice. Dès août 1940, le cabinet du secrétaire d’Etat à la guerre émet une note pour développer la propagande dans les Chantiers en faveur des engagements. Fin 1940, les premiers effets se révélant décevants, on envisage de « déclencher une importante offensive de propagande ». Mais en avril 1941, le service de recrutement constate que « les résultats, bien qu’encourageants, ne sont cependant pas proportionnés à l’activité déployée » ? Par la suite, le service du recrutement ne cesse de se plaindre de l’absorption des jeunes gens de vingt ans par les Chantiers. Au total, pour l’année 1941, les Chantiers, qui comptent près de 100 000 jeunes, ne fournissent que 3 000 engagés. Contrairement au modèle prussien rêvé, l’armée d’armistice ne peut être l’armée de cadres susceptibles d’organiser des réserves virtuelles, et les Chantiers de la jeunesse ne peuvent assurer une quelconque instruction militaire, en raison des conditions imposées par les autorités allemandes. » (p. 389-408)
Cet article, comme le suivant consacré aux organisations pour la jeunesse, s’accompagne d’une bibliographie conséquente.
Un article de
Sur les
Sur leur mission « éducative », lire par exemple l’ouvrage de Christophe Pécout,
« Tout au long de leur existence, les Chantiers de la jeunesse restèrent presaue entièrement entre les mains de militaires. (…) Dès lors que les Chantiers étaient, en partie,destinés à se substituer au service universel, ils se devaient d’entretenir la flamme et l’orgueil de l’armée chez les jeunes hommes privés de l’expérience d’une vie militaire active. (…) Libres d’intervenir au sein de la société française, les officiers concentrèrent leurs énergies , non pas vers l’acquisition d’un pouvoir direct sur l’économie, le social et la politique, mais sur l’ « éducation de la race ». (Robert O. Paxton, L'armée de Vichy : le corps des officiers français, 1940-1944 , p. 233-237)
« Après le débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, presque partout où les Chantiers subsistaient encore, leurs jeunes se joignirent en masse aux groupes de Résistance. Il ne restait plus qu’à les dissoudre et à les liquider : ce fut fait par un conseil présidé à Paris le 9 juin par Pierre Laval, puis par une ordonnance du Gouvernement provisoire, signée à Alger le 5 juillet et confirmée à Paris le 13 décembre 1944. » in
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